La fair value et les nouvelles normes sont-elles responsables de la crise de liquidités ? |
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Cette partie de la controverse a joué un rôle
prépondérant dans l’explication de la crise de liquidités, qui a menacé
de blocage complet le système financier mondial. Cette période a été
caractérisée par le fait, que plus personne ne voulait investir, car
trop peu d’informations suffisamment fiable circulaient. On s’est donc
interrogé sur l’origine de cette opacité et, dans ce contexte, les
normes comptables, dont le principe de la fair value, ont notamment été
mis en cause par certains économistes.
En effet, la valorisation par juste valeur apparait moins
pertinente, lorsque les marchés sont
fortement perturbés.
Aussi, lors de la crise, les régulateurs ont autorisé les banques
et les entreprises à valoriser certains actifs à dire d’expert, avec des
modèles ou même à la valeur historique. Ce changement, pendant la crise,
de mode d’évaluation comptable a alimenté la controverse sur les normes
comptables.
Volume de transactions
au fur et à mesure de la crise : pour la courbe bleue, la référence
(base 100) est le volume durant la crise de 1929 en bleu alors que pour
la courbe rouge, c’est le volume de transactions en avril 2008 Importance de
l’information pour avoir un marché « fluide » et éviter les crises de
liquidités.
Au sein de marchés actifs, où les actions et produits
financiers circulent à grande vitesse, l’information joue un rôle
prépondérant. Sa quantité et sa qualité vont déterminer, si un
investisseur a suffisamment confiance pour risquer son argent. En effet,
lors d’un investissement, il y a toujours une part de risque, qui doit
être suffisamment bien connue pour pouvoir être comparée à la
rentabilité supposée de l’investissement : or en cas de défiance
vis-à-vis de l’information, l’investisseur aura tendance à anticiper un
risque plus important que ce qu’il perçoit réellement dans l’instant et
diffèrera son investissement. Si ce phénomène est trop amplifié,
personne ne placera son argent et les mouvements seront donc gelés :
c’est la crise de liquidités. C’est pour ces raisons que l’information a eu un rôle
majoritaire pour la gestion de la crise de liquidités, que nous avons
connue. On démontre en économie, que, si l’information est parfaite, il
n’y a pas d’échange, mais a contrario, si l’information n’est pas
fiable, les transactions ne s’effectuent pas non plus. Celle-ci doit
donc être correcte, sans être parfaite. En temps normal, c’est le rôle des
agences de
notation de fournir une information
correcte. On considère qu’en moyenne cette tâche est relativement
bien remplie, mais, pendant la crise, les agences se sont trompées dans
leur appréciation de certains émetteurs. On ne pouvait donc plus se fier
aux notations classiques et la seule base d’information redevenait
l’évaluation comptable.
Les normes comptables et la fair value n’ont pas joué leur rôle
d’information
Suivons le point de vue défendu par un détracteur de la fair value :
On dénote alors
tout le dilemme autour des objectifs nécessaires d’une bonne valorisation :
quand tout va bien, il faut que la valorisation suive, mais lorsque les marchés
s’effondrent à cause de la frilosité des investisseurs, on attendrait un
amortissement à la baisse de valorisation des actifs.
Evolution des capitalisations boursières mondiales en 2008 (en milliers de
milliards de Dollars US) - Source : Thomson financial Datastream, 01/2009
Défense de la fair value face aux accusations d’accentuation de la crise de
liquidités
Si les défenseurs de la fair value ne nient pas
l’existence de la crise de liquidités et de la crise d’information avec
laquelle elle était corrélée, pour ceux-ci, les causes sont toutes
autres. Ils accusent plutôt les banques et leur volonté de vouloir faire
toujours plus de bénéfice. Rappelons en effet que les défenseurs de la
fair value comprennent une partie des économistes mais aussi et surtout
les régulateurs qui, poussés par les Etats, voulaient relancer
l’économie en maintenant une pression sur les banques. Ils décrivent donc la situation ainsi : la fair value
est un formidable outil d’information, qui assure transparence et gain
en efficacité. En effet, elle traduit précisément l’évolution des
marchés, contrairement aux modèles des banques, qui fonctionnent
imparfaitement en cas de crise. Les normes IFRS présentent également un
immense intérêt : elles font disparaître la notion de hors bilan et
obligent à la comptabilisation dans le bilan des entreprises de toutes
les opérations qui s’y trouvaient, offrant ainsi une sécurité de
l’information bien supérieure à la situation qui prévalait. François
Meunier, Directeur général adjoint de la Coface, décrit ce point de vue
des régulateurs de l’IASB : « Les régulateurs ont été et restent, malgré la
crise, globalement favorables à un système de mesures comptables qui
donne une plus grande importance aux valeurs de marché. Outre le fait
central que les valeurs de marché sont plus informatives, ils relèvent
que les IFRS ont permis l’intégration dans les bilans de créances et
d’actifs financiers qui étaient traités hors bilan dans les systèmes
comptables précédents». D’autres sont beaucoup plus critiques vis-à-vis des
opposants à la notion de fair value comme c’est le cas de Nicolas Véron : «La seconde critique porte sur l’illiquidité : les
normes IFRS seraient pour partie responsables du tarissement des
marchés. Mais il faut rappeler que les normes sur la juste valeur
permettent de circonvenir à ce piège en l’absence de marché actif. Dans
beaucoup de cas, ce qu’il faut incriminer, c’est l’incapacité des
banques à établir des modèles financiers d’évaluation interne
acceptables. Ce sous-investissement en matière de modélisation
financière est en grande partie responsable de la déroute des
établissements financiers, incapables de valoriser des instruments
financiers en cas de cessation des transactions sur certaines classes
d’actifs ». Enfin, certains économistes, comme Nicolas Veron,
mettent en évidence le comportement frileux des investisseurs. Selon
eux, l’homme qui place son argent a été trop longtemps habitué à avoir
des outils reflétant partiellement la vérité et avoir quelque chose
d’aussi transparent que la fair value déstabilise. Nicolas Véron écrit : « Personne n’aime les mauvaises nouvelles, or ce que
renvoient ces normes est une juste évaluation de la situation,
internalisée à bon escient par les marchés. Ceux qui accusent les normes
comptables d’introduire une sous-évaluation délétère du prix des actifs
ne font pas autre chose que nier une réalité correctement perçue par les
marchés. » Pour Mr Véron, les gens ne prennent pas la peine de
lire complètement les normes et annexes IFRS, alors que d’autres les
jugent trop complexes. Ce qui est frappant dans cette controverse est,
que les parties ne remettent pas en cause le principe de la fair value,
mais celui de son assimilation à une simple vision mark to market.
Chacun a sa part de vérité. Le tableau suivant en témoigne :
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