Accusation des normes prudentielles |
La crise a permis de mettre en lumière certains
aspects controversés des dispositifs prudentiels mis en place par le
Comité de Bâle. La plupart des critiques émanent d’économistes qui se
sont penchés sur la question, mais également des banques. Les
accords de Bâle II rendus
publics en 2004 étaient destinés à garantir la stabilité bancaire et
financière du système. Les détracteurs de ces régulations prudentielles
posent alors la question suivante : Pourquoi cette crise a-t-elle eu
lieu ? Un exemple utilisé à de multiples reprises pour
montrer l’inadéquation de ces réglementations est celui de la
banque
Northern Rock. Le CEO de Northern Rock a été amené à se justifier par le
comité d’enquête du Trésor britannique d’avoir distribué un dividende
conséquent à ses actionnaires peu avant les événements qui allaient
conduire au sauvetage de sa banque par les autorités anglaises. Voici un
extrait de cet entretien cité par Blundell-Wignall et Atkinson :
M. Fallon : “ Mr Applegarth, why was it decided a month after the first
profit warning, as late as the end of July, to increase the dividend
at the expense of the balance sheet ?”
M. Applegarth:”Because we had just completed our Basel II two and half
year process and under that, and in consultation with the FSA, it meant
that we had surplus capital and therefore that could be repatriated to
shareholders through increasing the dividend.” Ils reçurent même cette année là le titre de
“Financial Institution Group of the Year Ce cas illustre bien le malaise, qui existe autour
des normes prudentielles en application durant la période. Citons à
titre d’exemple, Laurence Scialom, professeur d’économie à l’Université
Paris Ouest Nanterre La Défense : « L’enjeu central qu’a révélé la crise, ce n’est
pas l’absence de régulation dans les « trous noirs » de la finance
(qu’il faut traiter aussi, bien sur) mais surtout l’inadaptation de la
régulation du système bancaire traditionnel. La régulation prudentielle
du système financier repose sur une logique micro-prudentielle de
sécurisation des institutions financières à titre individuel, notamment
pour protéger l’épargnant du risque de défaut de sa banque. Or cette
régulation est radicalement inefficace en cas de risque systémique,
lorsque le secteur est menacé dans sa globalité. Pire, les règles
micro-prudentielles actuelles (comme les règles comptables et les
modèles de valorisation des actifs financiers) sont pro-cycliques et
contribue à un « effet boule de neige » qui alimentent la crise
systémique. » Il est également
intéressant de noter que les économistes et les banques ne sont pas les
seuls à pointer du doigt le Comité de Bâle et ses conclusions. La classe
politique s’y affaire aussi. Afin d’illustrer le propos, il est
intéressant de citer le rapport d’information du député du Nord, M.
Sébastien Huyghe, consacré aux « défaillances de la
régulation bancaire
et financière ». La commission des Lois de l’assemblée nationale a
adopté le 23 décembre 2009 ce rapport, qui concluait les travaux d’une
mission d’information parlementaire présidée par le
député des Ardennes
et président de la commission M. Jean-Luc Warsmann : Proposition 9 : «
Dans le cadre des travaux du Comité de Bâle et du Comité européen des
superviseurs bancaires, prévoir que toutes les mesures envisagées afin
de renforcer les exigences de fonds propres des banques fassent l’objet,
d’une part d’une étude d’impact exhaustive et, d’autre part, d’une
application progressive et étalée dans le temps, afin de ne pas menacer
durablement, en cette période de reprise, le financement de l’économie
et de la croissance, sous l’effet d’un « choc réglementaire » » Proposition
13 : « Afin d’améliorer la surveillance du risque systémique, soumettre
les établissements bancaires et financiers à des exigences plus
strictes de fonds propres et de liquidité à mesure que leur impact
systémique s’accroît » Proposition
16 : « Afin d’améliorer la transparence de l’information
financière, obliger les agences de notation, d’une part, à utiliser une
échelle de notation différente selon qu’il s’agit de produits structurés
complexes ou de produits simples et classiques et, d’autre part, à
affiner leurs notations en intégrant dans leurs évaluations le risque de
liquidité et les risque opérationnels, à côté de risques de crédit. Il s’agit là
encore d’autant de propositions qui dénotent le malaise autour des
normes prudentielles en vigueur pendant la crise financière. Enfin, il est
nécessaire de mentionner l’absence de déclaration quasi-totale de la
part des régulateurs prudentiels pendant cette période de mise en cause
de leurs normes. Ainsi le Comité de Bâle par exemple s’est abstenu de
faire une quelconque déclaration qui aurait pu envenimer la polémique. Il s’agit donc
maintenant d’étudier plus en détail les différents reproches qui sont
fait à ces normes par leurs détracteurs, au premier rang desquelles on
retrouve :
-
Le fait que les
normes génèrent de la procyclicité.
-
Le débat, qui a pris
corps et toujours vivace actuellement sur les agences de notation et
leur impact, mais également sur leur rôle central dans la manière de
déterminer le ratio de fonds propres à immobiliser pour les banques.
-
L’effet de levier
réalisé par les banques que ces normes ne limitent pas. |