Accusation des normes prudentielles

La crise a permis de mettre en lumière certains aspects controversés des dispositifs prudentiels mis en place par le Comité de Bâle. La plupart des critiques émanent d’économistes qui se sont penchés sur la question, mais également des banques. Les accords de Bâle II rendus publics en 2004 étaient destinés à garantir la stabilité bancaire et financière du système. Les détracteurs de ces régulations prudentielles posent alors la question suivante : Pourquoi cette crise a-t-elle eu lieu ?

Un exemple utilisé à de multiples reprises pour montrer l’inadéquation de ces réglementations est celui de la banque Northern Rock. Le CEO de Northern Rock a été amené à se justifier par le comité d’enquête du Trésor britannique d’avoir distribué un dividende conséquent à ses actionnaires peu avant les événements qui allaient conduire au sauvetage de sa banque par les autorités anglaises. Voici un extrait de cet entretien cité par Blundell-Wignall et Atkinson :

M. Fallon : “ Mr Applegarth, why was it decided a month after the first profit warning, as late as the end of July, to increase the dividend  at the expense of the balance sheet ?”

M. Applegarth:”Because we had just completed our Basel II two and half year process and under that, and in consultation with the FSA, it meant that we had surplus capital and therefore that could be repatriated to shareholders through increasing the dividend.”

Ils reçurent même cette année là le titre de “Financial Institution Group of the Year 2006” décerné par l’International Financing Review.  Les autorités britanniques ont pourtant  dû injecter 23 milliards de livres pour soutenir Northern Rock après la panique de ses déposants.

Ce cas illustre bien le malaise, qui existe autour des normes prudentielles en application durant la période. Citons à titre d’exemple, Laurence Scialom, professeur d’économie à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense :

 

« L’enjeu central qu’a révélé la crise, ce n’est pas l’absence de régulation dans les « trous noirs » de la finance (qu’il faut traiter aussi, bien sur) mais surtout l’inadaptation de la régulation du système bancaire traditionnel. La régulation prudentielle du système financier repose sur une logique micro-prudentielle de sécurisation des institutions financières à titre individuel, notamment pour protéger l’épargnant du risque de défaut de sa banque. Or cette régulation est radicalement inefficace en cas de risque systémique, lorsque le secteur est menacé dans sa globalité. Pire, les règles micro-prudentielles actuelles (comme les règles comptables et les modèles de valorisation des actifs financiers) sont pro-cycliques et contribue à un « effet boule de neige » qui alimentent la crise systémique. »

 

Il est également intéressant de noter que les économistes et les banques ne sont pas les seuls à pointer du doigt le Comité de Bâle et ses conclusions. La classe politique s’y affaire aussi. Afin d’illustrer le propos, il est intéressant de citer le rapport d’information du député du Nord, M. Sébastien Huyghe, consacré aux « défaillances de la régulation bancaire et financière ». La commission des Lois de l’assemblée nationale a adopté le 23 décembre 2009 ce rapport, qui concluait les travaux d’une mission d’information parlementaire présidée par le député des Ardennes et président de la commission M. Jean-Luc Warsmann :

 

 

Proposition 9 : «  Dans le cadre des travaux du Comité de Bâle et du Comité européen des superviseurs bancaires, prévoir que toutes les mesures envisagées afin de renforcer les exigences de fonds propres des banques fassent l’objet, d’une part d’une étude d’impact exhaustive et, d’autre part, d’une application progressive et étalée dans le temps, afin de ne pas menacer durablement, en cette période de reprise, le financement de l’économie et de la croissance, sous l’effet d’un « choc réglementaire » »

 

Proposition 13 : « Afin d’améliorer la surveillance du risque systémique, soumettre les établissements bancaires et financiers à des exigences plus strictes de fonds propres et de liquidité à mesure que leur impact systémique s’accroît »

 

Proposition 16 : «  Afin d’améliorer la transparence de l’information financière, obliger les agences de notation, d’une part, à utiliser une échelle de notation différente selon qu’il s’agit de produits structurés complexes ou de produits simples et classiques et, d’autre part, à affiner leurs notations en intégrant dans leurs évaluations le risque de liquidité et les risque opérationnels, à côté de risques de crédit.

 

Il s’agit là encore d’autant de propositions qui dénotent le malaise autour des normes prudentielles en vigueur pendant la crise financière.

 

Enfin, il est nécessaire de mentionner l’absence de déclaration quasi-totale de la part des régulateurs prudentiels pendant cette période de mise en cause de leurs normes. Ainsi le Comité de Bâle par exemple s’est abstenu de faire une quelconque déclaration qui aurait pu envenimer la polémique.

 

Il s’agit donc maintenant d’étudier plus en détail les différents reproches qui sont fait à ces normes par leurs détracteurs, au premier rang desquelles on retrouve :

 

-       Le fait que les normes génèrent de la procyclicité.

 

-       Le débat, qui a pris corps et toujours vivace actuellement sur les agences de notation et leur impact, mais également sur leur rôle central dans la manière de déterminer le ratio de fonds propres à immobiliser pour les banques.

 

-       L’effet de levier réalisé par les banques que ces normes ne limitent pas.