Etude de cas : Crise Grecque

La Grèce est un des pays pour lesquels il a été le plus difficile d’entrer dans la zone euro. Les Allemands, partisans de l’orthodoxie budgétaire se sont longtemps interrogés sur le bien-fondé d’une telle démarche. Néanmoins, la Grèce est finalement acceptée par ses pairs européens et profite de 2000 à 2007 d’une croissance exceptionnelle, les taux d’intérêts sont bas grâce à la monnaie unique et les Jeux Olympiques de 2004 montrent une Grèce dynamique.

Cependant, les Grecs ne profitent pas de cette période de prospérité pour réduire leur déficit qui a une taille équivalente au PIB. Finalement, le 5 novembre 2009, le gouvernement socialiste dirigé par Georges Papandréou est contraint d’annoncer que le déficit pour l’année en cours sera de 12,7% du PIB (contre une limite de 3% selon les critères de Maastricht). On s’aperçoit de plus que la dette de l’Etat est bien plus élevée que prévu : le gouvernement précédent de centre droit a falsifié les comptes.

Conséquence rapide en décembre 2009, Moody’s, Standard Poors et Fitch sanctionnent fortement la Grèce. De janvier à mai 2010, le gouvernement annonce un plan d’austérité sur plan d’austérité (gel des salaires dans la fonction publique, hausse des taxes sur l’essence, le tabac et l’alcool, augmentation de la TVA). La BCE de son côté annonce qu’elle acceptera comme collatéral des obligations grecques quelle que soit la note.

Cependant, les dégradations financières se poursuivent, les taux d’intérêts exigés par les marchés pour prêter de l’argent à la Grèce ne font que s’envoler et le 10 mai 2010, un fond de stabilisation de 750 milliards d’euros est créé avec l’aide de l’UE et du FMI pour venir en aide aux Etats de la zone euro en difficulté malgré les réticences de l’opinion publique allemande.

Alors qu’un an après la Grèce éprouve quelques difficultés à tenir ses objectifs budgétaires la faute à une croissance en berne à cause d’une demande anémiée par les différents plans d’austérité et à la toujours difficile collecte de l’impôt, des discussions à propos d’une éventuelle restructuration de la dette aurait été tenue récemment par les ministres des finances européens selon Der Spiegel.

Dans les pays de tradition catholique et ayant un certain rapport à l’argent, les CDS ont souvent été tenus pour responsables de la crise grecque (soit dit en passant, on ne retrouve cette opinion dans aucun journal anglo-saxon ou allemand). En effet, l’opinion courante veut que les grands gérants de hedge-fund et de banques américains aient manipulé le marché des CDS (car plus petit, plus opaque). Les CDS étant communément interprétés comme un indicateur de la qualité du crédit, on aurait cette vision simplifiée eu un effet direct sur les spreads grecs, qui seraient devenus trop importants. D’où l’appel au secours au FMI.

Selon Darell Duffie, doyen du département de finance de l’Université de Stanford, cette explication ne tient absolument pas. Dans un de ses papiers, il explique que les causes du désastre financier grec viennent plutôt de la gestion désastreuse des finances publiques grecques et du fait que les grecs aient menti. Le mensonge a fait perdre la confiance que les marchés financiers avaient envers la Grèce et l’étendue de la dette a augmenté leurs craintes, ce qui a entraîné une augmentation de la demande de couverture et donc des primes de CDS. La réaction observée sur les marchés des CDS ne vient pas d’un quelconque complot, lequel aurait été bien compliqué à mettre en place mais bien du bon sens. De plus, dans le milieu des chercheurs du domaine, tous sont d’accord pour dire que les manipulations de marchés (sous entendu : du marché obligataire) via des manipulations sur le marché dérivé (des CDS) sont très hautement improbables et d’impact très limité (cf. article sur les naked CDS).

De plus, l’augmentation des taux d’intérêts exigés par les marchés à la Grèce n’est pas si différente de celle qu’on a pu observer dans le temps pour des pays présentant une rapide dégradation de leurs finances et un manque de clarté dans leurs comptes publics. Autrement dit, il y a une corrélation temporelle marquée dans l’augmentation des spreads obligataires grecs, irlandais, portugais…etc, qui balaie toute théorie du complot. Les différences entre les évolutions étant liées à l’actualité macro-économique propre de chaque pays. Ainsi, il n’est pas du tout avéré que les CDS aient pu avoir un rôle néfaste dans la crise grecque. Selon plusieurs articles (Georges Ugeux dans le blog finance du Monde par exemple) c’est même l’inverse qui s’est passé, la création d’un marché de couverture ayant poussé les intermédiaires financiers à prêter plus facilement (cf. l’article sur l’utilité économique de l’instrument).

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