La structure du contrat définissant un CDS n’interdit pas la possibilité de posséder un contrat sans pour autant posséder de sous-jacent. Il suffit en fait de définir l’entité de référence et un montant notionnel qui peut tout à fait être supérieur au montant total de la dette de cette entité ! Ainsi un fond de pension F peut acheter un CDS à une banque B pour un notionnel de 100 millions de dollars portant sur une entreprise E. Si cette entreprise se trouve en défaut de paiement vis-à-vis de ses créanciers dont F ne fait même pas partie alors B sera contrainte de verser à E 100 millions de dollars. On voit alors immédiatement que l’intérêt de F se trouve dans le défaut de E et que F.
La presse généraliste n’hésite pas à critiquer les CDS, sous motif qu’ils peuvent induire cette spéculation sur le défaut de paiement d’entités et notamment d’Etats.
Dans ce type de presse grand public, la spéculation en général , et pas seulement celle concernant les CDS, est critiquée comme un moyen permettant aux grandes banques et à des fonds de pensions anglos-saxons enregistrés dans des paradis fiscaux, de réaliser de très grands profits. En Mai 2010, la BaFin, l’autorité de surveillance financière allemande a décidé d’interdire l’achat de protection via des CDS sans disposer de l’obligation sous jacente. Cette décision concernait toute la dette européenne traitée en Allemagne. Cette décision est soutenue par exemple par l’économiste J.Stiglitz mais critiquée par D.Duffie, doyen du département finance de l’université de Stanford. Cette décision a par ailleurs laissée sceptique plusieurs scientifiques du milieu tels que Rama Cont, qui dans un article daté de Juillet 2010 paru dans la Revue de la Stabilité Financière avance que « rien n’indique que l’interdiction des CDS « nus », annoncée par la BaFin en mai 2010, ait eu un effet stabilisateur sur le marché de la dette souveraine. »
Certains journaux comparent cette pratique à celle qui consisterait à souscrire à une assurance vie sur la vie de son voisin en espérant évidemment qu’il meurt afin de récupérer l’indemnité. Or ce raisonnement est totalement biaisé selon certains économistes. En effet, donner crédit à cette thèse implique de d’allouer au marché dérivé une commande sur son marché sous jacent. Une spéculation à la hausse sur le marché des CDS se traduit dans le cadre de cette hypothèse par une hausse des coûts du crédit sur le marché obligataire, impliquant dans le cas d’un Etat une situation de plus en plus difficile à tenir. Cependant, dans l’hypothèse d’une manipulation de marché sur le marché dérivé, l’influence que peuvent avoir les acheteurs de protections sur le sous-jacent est très faible.
Pour D.Duffie ces manipulations sont extrêmement difficiles à mettre en place et de gain extrêmement limité. L’intérêt de telles stratégies est donc nul d’où leur non existence.
Plusieurs études autres que celle de Duffie, montrent d’ailleurs que cette spéculation aurait une influence négligeable sur la formation des prix sur le marché sous jacent du fait du volume négligeable du marché des CDS comparé à son marché sous jacent.
En effet, les chercheurs montrent que pour avoir une influence sur le marché sous jacent en spéculant à la hausse sur le marché CDS (c’est-à-dire en achetant des contrats à un prix supérieur au prix en vigueur par exemple) il faudrait manipuler de grosses quantités comparées aux montant de la dette des entités sous jacentes. Or le ratio notionnel net sur montant de la dette est beaucoup trop faible pour permettre cela comme on le voit sur la figure suivante.
Cet argument est largement repris dans nombre d’articles pour dire que celui affirmant que la spéculation sur le marché des CDS peut provoquer une envolé des taux ne tient pas.
Duffie conclu par ailleurs son étude par le fait que selon lui (et d’autres études qu’il cite) « les règlementations qui limitent fortement la spéculation sur les CDS peuvent avoir trois conséquences involontaires : une diminution de la liquidité du marché, une augmentation des coûts de transaction pour les investisseurs qui ne spéculent pas et enfin un appauvrissement de la qualité de l’information fournie par les CDS sur la qualité de ces émetteurs souverains. Par conséquent, ces réglementations sont susceptibles d’accroître le coût des emprunts des émetteurs souverains, ce qui plaide en faveur d’approches réglementaires alternatives. » Ainsi en plus de n’avoir aucune influence sur la stabilité du marché, une spéculation bridée aurait des conséquences contre-productives.
La spéculation « à nu » est présentée par beaucoup de ces chercheurs comme un faux problème. Dans un article paru dans la Revue de la Stabilité Financière, Rama Cont, chercheur au CNRS et à l’Université de Columbia, considère que « les vrais « responsables » de cette instabilité ne sont pas tant les CDS spéculatifs ou les CDS « nus » que l’insuffisance de la gestion du risque et de la surveillance des vendeurs de protection. Lorsque ceux-ci sont insuffisamment capitalisés, les marchés des CDS de gré à gré peuvent faire office de vecteurs de contagion et favoriser le risque systémique ». La réelle source d’instabilité réside donc davantage dans l’importante concentration du marché et la corrélation entre ses acteurs que dans les activités spéculatives sur CDS.