Une origine neuronale controversée

Un consensus autour d’une origine neuronale

 

C’est seulement au cours des années 2000 que les scientifiques ont établi l’existence d’une cause neuronale aux problèmes de la dyslexie. 

« La dyslexie développementale est due à un déficit cognitif (du traitement phonologique), qui a pour origine un trouble neurologique d’origine génétique. » [15]

La plupart des acteurs (personnels de santé, associations de parents d’enfants dyslexiques, enseignants) s’accordent pour reconnaître l’influence biologique dans l’établissement de la dyslexie. En ce qui concerne les parents d’élèves, ils sont généralement peu informés sur les origines de la dyslexie. Il sont, en effet, plutôt effrayés par cette maladie qui reste encore floue à leurs yeux. C’est seulement quand leurs enfants présentent les signes d’un retard dans l’apprentissage de la lecture qu’ils s’informent.

Pourtant certains auteurs comme Jacques Fijalkow s’élèvent contre ce qu’ils considèrent une médicalisation injustifiée de troubles de la lecture qui pour eux ont une origine sociale et pédagogique. Force est de constater que certains de leurs arguments ne sont pas absurdes. Malgré ces données scientifiques, la situation n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît : les déficiences neuronales sont révélées de manière plus ou moins importantes en fonction du milieu dans lequel l’enfant évolue.

 

L’influence de la langue

 

L’expression de la dyslexie dépend de la langue maternelle des personnes atteintes de dyslexie.

En effet, en fonction de la clarté de la correspondance graphème*-phonème* dans un langue, les enfants peuvent éprouver des difficultés plus ou moins grandes dans l’apprentissage de la lecture.

Par exemple, l’anglais est une langue complexe dans la mesure où les sons ne correspondent pas à des syllabes. Un son « th » peut être prononcé de nombreuses manières différentes, en fonction des syllabes qui le précèdent ou lui succèdent. On remarque alors que le taux d’enfant diagnostiqués dyslexiques est supérieur à 10% d’une classe d’age. Dans les pays anglophones, comme le Royaume-Uni ou le Canada, la dyslexie est un problème majeur dans l’éducation des élèves. De nombreuses structures et des associations de parents d’élèves très actives y sont mises en place.

En revanche, l’italien ou l’espagnol sont des langues relativement transparentes, dans le sens où chaque son correspond à une syllabe particulière. Il en est de même pour les langues nordiques telles que le norvégien, le suédois ou le finlandais. Dans ces pays, le pourcentage d’enfant atteints de dyslexie est inférieur à 2%, et les accompagnements spécialisés mis en place sont bien plus marginaux.

Le français est une langue pour laquelle la difficulté d’apprentissage de la lecture est intermédiaire. Certaines sonorités ne sont pas du tout transparentes au niveau linguistique, telles que le son [o] qui peut s’écrire de plusieurs manières : « o », « eau », « au ». Cependant, son origine latine induit une certaine proximité avec l’italien ou l’espagnol qui simplifie son apprentissage. La proportion d’enfants diagnostiqués dyslexiques est alors intermédiaire, aux alentours de 6% selon les études.

 

L’influence du milieu social

 

Un autre élément semble invalider la thèse de l’origine biologique de la dyslexie. En effet, les difficultés en lecture des enfants sont plus importantes chez les enfants issus de milieux défavorisés.

« Ce qui ressort de cette recherche et que oui le milieu familial et social des personnes dyslexiques aurait une influence sur leur dyslexie.  » [14]

L’origine biologique de la dyslexie a été remise en cause par l’influence de la langue et de l’environnement des enfants sur les statistiques liées à la dyslexie. Ainsi, certains membres de l’Education Nationale et certains professeurs considèrent ce trouble comme étant le résultat d’un manque croissant d’attention et de travail de la part des élèves. Pour eux, la dyslexie constituerait la médicalisation d’un problème d’éducation en France. Cette interprétation a d’ailleurs tiré profit d’une modification des programmes et des méthodes d’enseignement qui se répandent depuis la fin des trentes glorieuses.

Jacques Fijalkow s’interroge ainsi sur la définition même de la dyslexie et s’inquiète de la médicalisation de tout problème de lecture. Il dénonce également la ségrégation des enfants diagnostiqués comme « dys- ». Les mauvais lecteurs sont souvent issus de milieux défavorisés donc ce n’est pas un problème médical, mais sociétal. Il est impossible de détecter la dyslexie en amont de tout enseignement. C’est pourquoi on ne peut pas dire si l’enseignement est responsable on non de la dyslexie.

« Statistiquement, le mauvais lecteur n’est pas un dyslexique, c’est tout simplement un élève en difficulté. » [24]

 

Une mise en cause du système éducatif

 

De nos jours, la dyslexie est mieux acceptée, et son origine est de moins en moins débattue. Il n’y a plus vraiment d’acteurs s’exprimant publiquement pour rejeter l’existence d’un trouble tel que la dyslexie.

En revanche, certains membres du corps enseignant ou de l’Education Nationale expriment toujours des réticences concernant les aides accordées aux enfants dyslexique.

En effet, certains enseignants, en particulier ceux qui préconisent un retour aux méthodes plus traditionnelles de l’apprentissage de la lecture, considèrent que ces défiances de l’apprentissage de la lecture sont symptomatiques du manque d’exigence actuelle de l’Éducation Nationale et de la paresse des enfants. Bien que ce discours ne soit plus présent dans l’espace public, ces considérations provoquent des tensions avec les parents qui se trouvent confrontés à une absence de coopération dans l’accompagnement de leur enfant. Ce type de considérations, bien que peu reprises dans les discours publics, perturbent fortement les dispositifs d’aide mis en place pour aider les enfants dyslexiques. Par exemple, certains enseignants refusent d’accorder du temps supplémentaire aux enfants dyslexiques ou de recourir à l’outil informatique quand les enfants ont des résultats satisfaisants.

« On nous dit parfois : il y a pire que vous » [30] « Les « dys- » ne seraient pas un handicap « grave », si l’on tient compte des propos tenus par les professionnels de la MDPH. » [30]

Pour certains neuropédiatres, comme le Docteur Schlumberger, ces comportements sont aberrants. Les enfants dyslexiques ont besoin de ces aides car ils ont une déficience neuronale. C’est une bonne chose qu’ils puissent également réussir scolairement malgré leurs problèmes. Le Docteur Schlumberger fait un parallèle avec les enfants myopes. En effet, on ne penserait jamais retirer les lunettes d’un enfant myope : il devrait en être de même pour les enfants dyslexiques.

L’accent doit donc être mis sur l’enfant et non le trouble. Par exemple, il est absolument contre productif de priver un enfant dyslexique des outils pédagogiques qui ont été mis en place, sous prétexte que l’enfant a réussi à rattraper le retard d’apprentissage de la lecture. Ce qui compte, ce n’est pas de réussir à avoir un niveau de lecture normal dans des conditions normales, mais de réussir à développer l’enfant le mieux possible.



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