Le neuronal n’exclut pas le social

La cause véritable de la dyslexie a longtemps divisée les acteurs. Certains sont en faveur d’une interprétation neuronale de la dyslexie. Dans ce cas, la dyslexie serait due a une malformation du cerveau occasionnant des  difficultés accrues dans la mise en relation de la forme écrite et orale de la langue. D’autres privilégient une hypothèse plus sociale. La dyslexie aurait alors pour origine une diminution des exigences de la part des enseignants et un changement de modèle d’éducation davantage centré sur l’élève que sur les connaissances. Cependant, pour un certain nombre d’acteurs, ces deux types de facteurs ne s’excluent pas l’un l’autre mais se complètent.

 

Une prévalence difficile à établir sur le long terme

 

Les chiffres donnés actuellement par l’Éducation Nationale montrent qu’environ 7% des élèves français sont touchés par la dyslexie.

 » Les enfants en difficultés d’apprentissage de la lecture en début de scolarité sont nombreux, entre 5 % et 10 % selon les recensements. (…) Ces mauvais lecteurs n’ont cependant pas tous des difficultés spécifiques d’apprentissage.  » [1]

Ces chiffres peuvent paraître surprenants, et une première lecture conduit à penser que le nombre d’enfants dyslexiques a augmenté ces dernières années en France, puisqu’il y a quelques années, on ne comptait que très peu d’enfants atteints de dyslexie. Certains acteurs, comme par exemple une partie du corps enseignant, utilisent cet élément pour soutenir la thèse d’une origine principalement sociale de la dyslexie.

Cependant, il apparaît important de noter que les données précédentes sont incomplètes du fait que l’existence d’un dépistage systématique est relativement récent. D’autres acteurs, parmi lesquels les associations de parents d’enfants dyslexiques, une partie des enseignants et certains professionnels de la santé, ont une interprétation différentes de ces données. Si on analyse les données depuis le début des années 2000, date à partir de laquelle les pouvoirs publics ont mis en place un processus de dépistage systématique, on s’aperçoit que la proportion d’enfants diagnostiqués dyslexiques est stable. Ils expliquent le peu d’enfants diagnostiqués par le manque d’intérêt d’un certain nombre d’enseignants pour les élèves en grandes difficultés de lecture avant la fin du XXème siècle. Ces enfants quittaient le système scolaire relativement rapidement. De plus, selon eux, l’apparition de ce sujet dans l’espace public, hautement relayé par les médias et les associations de parents d’élèves peut expliquer cette sensation d’une augmentation de la proportion d’enfants dyslexiques. Cette nouvelle interprétation est aujourd’hui majoritaire.

Certains partisans de cette hypothèse, en particulier des chercheurs, vont même plus loin et accordent une part prépondérante à l’inné dans l’acquisition de la dyslexie. Ils apportent alors un argument principal pour soutenir cette thèse. Selon eux, la définition de la dyslexie implique d’elle même la constance de la proportion des enfants touchés au cours des générations. En effet, leurs conclusions montrent que ce trouble est d’origine neurologique. Statistiquement, la quantité d’enfants biologiquement atteints (par transmission des allèles) par une malformation au cerveau reste égale au fil des années.

Un diagnostic centré sur la lecture et non sur le cerveau

 

Si la majorité des acteurs s’accordent aujourd’hui pour rejeter une interprétation uniquement sociale de la dyslexie, le degré d’influence de la langue et du milieu social reste en débat.

L’élément clé qui attise les oppositions et renforce la controverse est la méthode de diagnostic. En effet, il n’y a pas de méthode de diagnostic autre que celle qui consiste à repérer les enfants qui ont un retard de lecture important. L’absence d’analyse du cerveau qui pourrait donner une information relativement fiable et indiscutable (l’examen du cerveau à l’aide d’une IRM n’est pas envisagé pour déceler les malformations neurologiques à l’origine de la dyslexie) laisse place à la mise en œuvre d’un diagnostic nécessairement entaché d’imprécision. Il dépend effectivement de l’interprétation du praticien. L’établissement du diagnostic est fondé sur son expertise et non grâce à un test binaire.

De plus, le terme dyslexie ne recouvre pas en réalité une pathologie unique. Il n’existe aucune différence tranchée et claire entre dyslexique et non dyslexique. Les dyslexiques sont atteints par un degré de dyslexie allant d’une simple gène à un blocage complet dans l’apprentissage de la lecture. Il est alors plus juste de parler de dyslexies plutôt que de la dyslexie. La courbe des difficultés rencontrées par les élèves dyslexiques suit effectivement une Gaussienne comme la plupart des performance scolaire. Le diagnostic d’un enfant dyslexique revient simplement à fixer une limite entre le trouble et le retard mais cette limite ne peut-être qu’arbitraire. Lorsque le retard devient trop important, les enfants sont qualifiés de dyslexiques. La durée de retard actuellement reconnue pour la qualification de dyslexique est de 18 mois.

« Le terme dyslexie désigne un trouble spécifique et durable de la lecture et ne peut être assimilé à un simple retard dans l’apprentissage. Le critère d’un retard de lecture de 18 mois minimum [...] est généralement retenu. »[10]

 

 

La dyslexie, résultat d’un interférence complexe entre l’inné et l’acquis

 

Dès lors, le diagnostic rend l’explication de l’expression de la dyslexie extrêmement complexe. En effet, des données psychologiques et comportementales entrant en jeu pour l’établissement du diagnostic, la dyslexie est alors, pour une partie des acteurs comme les médecins spécialisés dans les troubles des apprentissages comme une imbrication étroite entre environnement et biologie. Selon eux, l’interprétation neuronale de la dyslexie n’exclut ainsi en rien l’influence de l’environnement.

«  La dyslexie a pour explication un déficit cognitif, qui a lui-même (nécessairement) une base cérébrale. Ce déficit est probablement congénital, d’origine largement génétique, avec (…) une large part d’interaction gènes/environnement.  » [1]

Ainsi, deux éléments environnementaux ont une importance capitale dans l’expression de la dyslexie.

D’une part, les langues constitue un facteur important favorisant ou non l’apparition de la dyslexie. Physiologiquement, les Anglais, les Français et les Italiens sont égaux devant cette maladie. En revanche,  l’égalité s’arrête au cerveau : la langue, du fait de sa complexité, révèle plus ou moins la pathologie sous forme d’un retard de l’apprentissage. Ainsi, en Italie, comme la langue est d’une transparence relativement importante, les enfants ayant des difficultés dans l’association des graphèmes et des phonèmes ne seront pas repérés puisque leurs difficultés ne constitueront pas un désavantage significatif par rapport aux différences d’aisance intellectuelles présentes dans toutes les classes.

« En France et au Royaume-Uni, les étudiants étaient volontaires, mais en Italie, les dyslexiques n’étant pas repérés, un travail de détection a été nécessaire. » [40]

« Tous les dyslexiques rencontrent les mêmes problèmes de mémoire phonétique à court terme. En revanche, les Italiens lisent nettement mieux et plus rapidement que les Français et les Anglais. »[40]

Ces résultats ne sont pas surprenants si on se plonge dans la structure même des langues.

D’autre part, le milieu socio-économique joue un rôle également important dans la mesure où les parents de milieux favorisés vont consacrer plus de temps à essayer de faire progresser leur enfant, et à mettre en place des stratégies de contournement qui sont la seule parade au problème. Au contraire, les enfants dyslexiques issus de milieux plus défavorisé voir hostiles à l’école éprouve de plus grande difficultés à accompagner leurs enfants. L’attirance des parents avec la littérature ainsi que leur volonté ou non de transmettre leur intérêt pour les livres est aussi une cause avancée par certains professionnels comme le Docteur Schlumberger pour mettre en évidence le facteur social. L’absence de règles de la part des parents sur le visionnage de la télévision et les horaires de sommeil ont deux même un impact fort sur la capacité des enfants à assimiler les apprentissages.

 

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