Quel enseignement pour les enfants dyslexiques?

En février 2005, la dyslexie a été reconnue comme un handicap. Voici l’intégralité du passage de la loi de juillet 2005 concernant la dyslexie visant à mettre en pratique cette reconnaissance :

« Dans les écoles, des aménagements particuliers et des actions de soutien sont prévus au profit des élèves qui éprouvent des difficultés, notamment les élèves atteints de troubles spécifiques du langage oral et/ou écrit, telle la dyslexie. Lorsque ces difficultés sont graves et permanentes, les élèves reçoivent un enseignement adapté. »[6]

Il semble alors évident que l’Éducation Nationale n’était pas prête à gérer le problème de la dyslexie. A l’époque, Franck Ramus préconisait l’application de méthodes de lecture basées sur la phonologie, seules méthodes ayant alors été testées scientifiquement et ayant eu des résultats positifs.[15] L’enfant apprenait ainsi à relier graphème* et phonème*.

Aujourd’hui, plus d’aides et d’adaptations pédagogiques sont disponibles pour aider les élèves. Pour mettre en place une pédagogie adaptée à un enfant donné, il faut mettre en place un PAI* (Projet d’Accueil Individualisé) ou un PPRE* (Programme Personnalisé de Réussite Éducative) avec la MDPH*. Ces programmes sont rédigés d’un commun accord entre les parents et les enseignants. Ils sont valables tout au long de la primaire et du secondaire et peuvent être adaptés selon l’évolution de la dyslexie de l’élève. C’est dans le PAI ou le PPRE que sont mises en place des solutions telles que des dictées plus courtes ou à trous, la rédaction d’énoncés plus court pour faciliter la compréhension du problème, des interrogations sous forme orale ou de QCM (Questionnaire à Choix Multiples) ou encore des tiers temps lors des contrôles.

D’après Mme Schlumberger[c], l’important est de se focaliser sur ce qui va bien plutôt que ce qui ne va pas. M. Ramus va dans le même sens quand il affirme qu’il ne faudrait pas noter l’orthographe dans un devoir d’histoire.[d] En effet, cela peut décourager l’enfant sans refléter réellement ses capacités dans cette matière.

 

Le cerveau du dyslexique est il plus performant dans d’autres domaines que la lecture ?

 

Jusqu’ici, il n’a été en effet question que de déficits. Un certain nombre d’arguments permettent à l’inverse de penser que l’organisation particulière du cerveau d’une personne dyslexique présente également certains avantages. En premier lieu, les dyslexiques auraient des aptitudes de perception et d’attention spatiale supérieures à celles de non dyslexiques, aptitudes généralement attribuées au fonctionnement de l’hémisphère droit. C’est sur cette capacité à voir les choses sous différents angles, de déplacer leur point de perception dans l’espace, que s’appuie d’ailleurs la méthode de Davis* pour soigner certains dyslexiques.

Par ailleurs, de nombreux articles – en particulier ceux émanant des associations de parents d’élèves atteints de dyslexie – mettent en avant des capacités extra-ordinaires des dyslexiques. Ils affirment alors que le cerveau des enfants dyslexiques n’est pas adapté à la lecture, mais qu’ils sont plus aptes à développer des compétences de créativité et d’inventivité. Ces analyses ne sont en effet pas partagées par la communauté scientifique, qui n’établit pas de lien entre la dyslexie et ces capacités intellectuelles spécifiques. En revanche, ils veulent bien admettre que les enfants dyslexiques ne sont pas attirés par les matières scolaires conventionnelles (du fait de leur lenteur de déchiffrage) et qu’ils se consacrent donc plus que les autres à des activités artistiques. Le goût pour ces activités est plus grand que pour les autres enfants, qui n’éprouvent pas de rejet en masse de l’enseignement classique. Ce goût spécifique entraîne par un travail répété des aptitudes spécifiques.

Une analyse similaire peut être effectuée concernant les aptitudes mathématiques des enfants dyslexiques. Globalement, ils n’ont pas plus de facilités en mathématiques ou dans les matières scientifiques en général (où les compétences de lecture ne sont pas prépondérantes) que les enfants normaux. Mais comme ils ont des difficultés dans les matières littéraires, leurs aptitudes scientifiques – qui ne sont, elles, pas affectées – se détachent. C’est davantage par comparaison qu’en absolu que leurs résultats dans les matières scientifiques sont remarquables.

 

Des aides qui ne font pas l’unanimité

 

L’aide apportée aux enfants dyslexiques peut aussi prendre la forme d’une AVS* ou de MPA*. Cependant, toutes les MDPH n’ont pas les mêmes politiques : certaines ne préconisent pas l’utilisation des ordinateurs par exemple. Cela est en partie dû à l’environnement pédagogique du département. Ainsi, quelques enseignants sont réfractaires à l’utilisation de certains matériels : ils n’ont pas l’habitude de s’en servir, ou bien mettent en avant le fait qu’ils n’ont pas d’imprimante sur place pour imprimer les contrôles de l’élève et qu’il n’y a pas suffisamment de prises électriques dans les salles. De plus, ils appartiennent à un univers livresque et n’ont pas reçu de formation continue sur ces technologies récentes. Ce manque de formation du corps enseignant vis-à-vis de la dyslexie et des MPA entraîne une forme d’immobilisme.

L’utilisation des MPA est pourtant d’une grande aide pour les enfants arrivant au collège. En effet, à ce niveau, la difficulté des cours croît nettement, et les élèves accumulent plus de fatigue due à la compensation constante des troubles. Il faut donc faciliter le travail de ces enfants et leur faire gagner en autonomie en leur fournissant le matériel (souvent informatique) adapté. Pour que les MPA soient efficaces, une évaluation des besoins par toute une équipe de spécialistes (médecin, neuropsychologue, professeur, orthophoniste, psychomotricien, psychologue) est nécessaire. Ensuite, un ergothérapeute va décider du moment auquel on va intégrer l’aide au parcours de l’enfant et de la manière de l’adapter à la classe et au cadre familial.

Certains enseignants repoussent les MPA car selon eux, cela crée une iniquité entre l’enfant dyslexique recevant une aide et les autres élèves devant se débrouiller seul. Mme Schlumberger répond à cela qu’il n’existe pas d’enfant paresseux par nature, et que les enfants dyslexiques connaissent la signification de l’effort car ils doivent apprendre à compenser dès le plus jeune âge. De plus, il est absolument contre-productif de priver un enfant dyslexique de ses outils pédagogiques sous prétexte que l’enfant a réussi à rattraper le retard d’apprentissage de la lecture.[c] C’est un peu comme refuser ses lunettes à un enfant myope. Ce qui compte, ce n’est pas de réussir à avoir un niveau de lecture normal dans des conditions habituelles mais de réussir à développer l’enfant le mieux possible. Par ailleurs, l’utilisation de certains MPA demande aussi du travail et de la persévérance de la part de l’élève. C’est pourquoi un accompagnement de l’enfant est nécessaire : il faut lui faire accepter les aides, puis lui apprendre à les maîtriser efficacement. Prenons l’exemple des logiciels de reconnaissance vocale :

« L’ordinateur apprend à écrire un mot correctement au fur et à mesure des dictées, il apprend ainsi à reconnaître la voix, l’intonation, le vocabulaire de l’utilisateur. L’élève doit corriger à la voix les mots mal orthographiés par l’ordinateur pour qu’à la prochaine dictée, ce dernier ne fasse pas d’erreurs. Ce logiciel est donc performant après quelques heures d’utilisation mais aussi de formation de l’utilisateur. Beaucoup de jeunes découvrent seuls le logiciel de reconnaissance vocale et se découragent face aux nombreuses erreurs écrites par l’ordinateur. »[9]

 

Un système scolaire pas toujours compréhensif

 

Un autre problème se pose parfois : si seul un PAI ou un PPRE a été établi, l’enseignement a le droit de ne pas le respecter. Il faut donc éventuellement mettre en place un PPS* (Projet Pédagogique de Scolarité). Si celui-ci n’est pas respecté non plus, les parents ont alors la possibilité de traduire l’enseignement au tribunal administratif. Il s’agit cependant d’une procédure très lourde, qui demande beaucoup d’énergie et de temps. En général, au moins un des parents doit diminuer son activité de toute manière pour aider l’enfant à faire ses devoirs, rester à ses côtés en restant positifs, aller aux réunions de suivi de PPS.

Parfois, il y a des malentendus ou des incompréhensions entre les parents et l’Éducation Nationale. Par exemple, les MPA dont l’élève peut bénéficier d’après son PPS lui sont parfois refusés lors des examens nationaux. Il faut alors passer de nombreuses heures à refaire un dossier pour qu’il puisse bénéficier des aides qu’il a toute l’année en temps normal. Ces dossiers sont examinés par un médecin de l’Éducation Nationale qui prendra la décision finale. Pourquoi une simple attestation d’un professeur selon laquelle l’élève a besoin de ce matériel ne suffit-elle pas ?

Actuellement la DGESCO (Direction Générale de l’Enseignement SCOlaire) essaye de mettre en place un système permettant de traiter plus rapidement les dossiers.


D’après Mme Adamowicz[e], il y a beaucoup de dispositifs pour les enfants dans l’Éducation Nationale. Le problème majeur semble être la coordination de ces différents moyens et la formation des enseignants. La formation des enseignants ne leur donne pas suffisamment de connaissances sur les phénomènes d’apprentissage alors qu’il leur faudrait une vision plus intégrale reliant l’esprit à la biologie. Sans formation, ils sont souvent démunis face au handicap de l’élève, sans oublier qu’ils doivent par ailleurs gérer 25 à 30 autres enfants. Pour le Dr. Schlumberger, il serait déjà instructif pour eux de savoir ce que sont devenus les élèves dont ils se sont occupés précédemment : c’est l’aspect formatif du suivi. Pour ce qui est de la coordination :

« Il serait souhaitable que davantage de collaborations, d’échanges d’expériences puissent se faire entre professionnels de l’Éducation Nationale et professionnels de santé. »[9]

Les médecins et psychologues scolaires ne sont pas assez nombreux dans les écoles publiques et complètement absents dans les écoles privées. Or ils pourraient être l’intermédiaire parfait entre l’équipe pédagogique s’occupant de l’enfant et ses médecins.

 

Pour ou contre l’utilisation systématique de MPA?

 

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