Les autorités publiques

  • Parlement européen

Depuis 1999, le parlement européen a pour ambition d’ouvrir le marché européen de l’énergie à la concurrence. Ainsi l’ouverture de ce marché s’est faite progressivement en France avec une ouverture complète en 2007. C’est le parlement européen qui a décidé de la séparation entre fournisseur et distributeur d’électricité; afin d’éviter les inégalités entre distributeurs d’énergie, ce qui a abouti à la création d’ENEDIS (nommée alors ERDF) en 2008. De plus comme précisé dans sa directive (cf Chronologie), l’objectif est de mieux intégrer aussi la production renouvelable (décentralisée donc) dans un réseau qui était jusqu’alors centralisé. Pour ces deux raisons, l’UE impose la mise en service de compteur communicant à tous les états membres.

L’UE a cependant délégué l’autorité sur le déploiement des compteurs électriques aux états membres. La seule obligation était le déploiement de compteurs dit “intelligents” qui permettrait d’améliorer la qualité de service pour les usagers, d’augmenter la concurrence et d’avoir une meilleure maîtrise du réseau d’électricité.

C’est un acteur clé, que les différents autres acteurs du débat essaye de s’approprier. ENEDIS revendique une légitimité dans le déploiement des compteurs et les associations de consommateurs utilisent des rapports de la commission européenne dans lesquels certaines décisions d’ENEDIS sont critiquées.

 

  • Gouvernement et les assemblées

Sensible aux fluctuations de l’opinion publique et doté d’un pouvoir décisionnel conséquent sur le déploiement des compteurs Linky par l’Europe, il est un acteur majeur de la controverse. D’autant que ENEDIS est une société publique, ainsi dans l’opinion, les prises de position d’ENEDIS et celle du gouvernement sont très liées. Il est, à de nombreuse, intervenu dans ce projet.

Nicolas Hulot, ministre de l’écologie, a apporté son soutien au projet Linky, Manuel Valls a donné un discours en faveur de Linky lorsqu’il était premier ministre.

Le ministère de l’écologie a publié un rapport et un site de question réponse sur le déploiement du compteur Linky.

De plus ENEDIS est chargée de service publique, à ce titre elle doit rendre des comptes sur ses décisions stratégiques (investissements, projets …) aux autorités afin de continuer à recevoir les fonds issus du TURPE (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité). Ainsi il est très important pour ENEDIS que cet acteur valide ses projets.

 

  • Les communes

Les communes sont très divisées sur le sujet, certaines soutiennent le projet Linky ou du moins ne s’opposent pas au déploiement de ce dernier. Les communes opposantes ont été un acteur majeur du début de la contestation anti-Linky, elles se plaignaient d’un manque d’information. Encore à l’heure actuelle environ 500 communes revendiquent avoir dit “non” à Linky (cf. POAL.fr) et ont pris des mesures notamment “la suspension du déploiement du compteur Linky” (cf. arrêté municipal).

Pour comprendre exactement le rôle des communes dans cette controverse, il faut se référer à la loi. La gazette des communes a publié un article dans lequel elle détaille le fait que les communes ne peuvent s’opposer légalement à la pose des compteurs.  

Le Sénat a répondu à une interrogation d’un citoyen qui souhaitait savoir qui possède les droit de propriété et de gestion du compteur électrique.   Elles doivent en effet fournir ce service de comptage. Dans certaines collectivités, une organisation spécifique peut être mise en place, avec des syndicats d’énergie auxquels est confiée cette gestion. À ce titre, les AOD (autorités organisatrices de la distribution) négocient et concluent des contrats de concession avec les gestionnaires de réseaux, dans leur zone de desserte exclusive, définis aux articles L. 111-52 et L. 111-53 du code de l’énergie, c’est-à-dire ENEDIS, GRDF et les entreprises locales de distribution (ELD). L’article L. 322-4 du code de l’énergie dispose que « Sous réserve des dispositions de l’article L. 324-1, les ouvrages des réseaux publics de distribution, y compris ceux qui, ayant appartenu à Electricité de France, ont fait l’objet d’un transfert au 1er janvier 2005, appartiennent aux collectivités territoriales ou à leurs groupements désignés au IV de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales ». Ainsi les collectivités territoriales ou leurs groupements sont propriétaires des réseaux de distribution qu’elles exploitent soit via une régie créée antérieurement à la loi de nationalisation de 1946, soit dans le cadre d’un contrat de concession conclu avec un gestionnaire de réseau. Afin de faciliter la négociation et la conclusion de contrats de concession entre les collectivités et les gestionnaires du réseau d’électricité, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a proposé un modèle de cahier des charges de concession pour le service public du développement et de l’exploitation du réseau de distribution d’électricité et de la fourniture d’énergie électrique aux tarifs réglementés. Très souvent, les collectivités ont emprunté ce modèle pour conclure leur contrat de concession. Dans sa version datant de juillet 2007, l’article 1 du modèle de cahier des charges indique que « l’autorité concédante garantit au concessionnaire le droit exclusif de développer et d’exploiter le réseau de distribution d’énergie électrique sur le territoire ci-après défini et à cette fin d’établir, sous réserve des droits de l’autorité concédante, les ouvrages nécessaires ». L’article 3 indique que « le concessionnaire a seul le droit de faire usage des ouvrages de la concession ». Aux termes de l’article 19, « Les appareils de mesure et de contrôle mis en œuvre pour la tarification et la facturation de l’énergie électrique comprennent notamment : – un compteur d’énergie active ; – des horloges ou des relais pour certaines tarifications. Ces appareils ou tous autres appareils, y compris les dispositifs additionnels de communication ou de transmission d’information, répondant directement au même objet, ainsi que leurs accessoires seront fournis et posés par le concessionnaire. Ces instruments seront entretenus et renouvelés par ses soins et feront partie du domaine concédé. » Si les compteurs relèvent de la propriété des AOD, seul le concessionnaire a le droit de les développer et de les exploiter.

Le secteur privé

  • ENEDIS (ex ERDF)

C’est l’acteur majeur de la controverse autour du compteur Linky.

C’est une entreprise anonyme à capitaux publics bénéficiant d’un contrat avec l’Etat pour la gestion du réseau électrique français. Cette entreprise a lancé le projet Linky depuis plusieurs années, après une phase de test réalisée avec succès et une validation des autorités, elle a lancé l’installation de 35 Millions de compteurs linky, suivant un calendrier assez précis, pour 2022. Le déploiement se fait de la manière suivante, ENEDIS choisit une zone et installe autant de compteur que possible sur cette zone, puis change de zone.

L’investissement accompagnant ce projet est à hauteur de 5 Milliards d’euros, l’enjeu est très important pour la compagnie qui met son avenir en jeu. L’installation de ces compteurs lui permettra de faire des économies de fonctionnement avec par exemple la fin des relevés de compteurs à domiciles (autour d’un déplacement sur deux sera évité) mais aussi d’avoir une meilleure gestion du réseau afin de diminuer les coûts liés au réseau (par exemple en évitant les surdimensionnement des câbles). ENEDIS a également prévu de faire des bénéfices financiers conséquent avec ce projet, 500 millions d’intérêts pour les remboursements des installations faites aux frais de l’entreprise.

La communication est un point essentiel pour ce projet, aussi la société est critiqué pour son manque de transparence pour ce projet. Elle a peut-être mal-estimée l’acceptabilité de ce projet.

La société essaye d’empêcher ce qu’elle estime être de la désinformation, à savoir les arguments utilisés par les opposants. Les quelques accidents qu’il y a eu sont, d’après elle, pas plus nombreux qu’avant et ce sont des accidents d’installation dont ENEDIS n’est pas responsable puisque cette dernière fait appel à des entreprises privées pour installer ces compteurs. Ces entreprises privées ont un cahier des charges à respecter, et ils incombent à eux de bien choisir/former les poseurs. Outre l’aspect logistique, c’est aussi un moyen pour ENEDIS de se protéger des conséquences médiatiques que peuvent entraîner des installations défectueuses sur une total de 35 millions de compteur.

Cet acteur est responsable de la protection des données lors de leur transport vers les fournisseurs d’énergie. Ces données sont cryptées dès leur enregistrement. ENEDIS doit également demander l’autorisation préalable à l’utilisateur pour pouvoir utiliser ces données.

 

  • Fournisseurs d’électricité

L’introduction de ces nouveaux compteurs impacte directement les fournisseurs d’électricité. Ils sont favorables à leur déploiement même si cela va leur imposer de revoir leurs offres.

Ces derniers pourront proposer à leurs clients des offres plus diversifiées puisque le compteur autorise jusqu’à 10 tarifs différents selon les horaires. Ainsi cela donnera plus de flexibilité aux fournisseurs pour proposer des offres plus diversifiées et battre la concurrence. Ils doivent donc anticiper au mieux cette transition.

De plus, ces compteurs permettront aux fournisseurs de mieux connaître la consommation, de mieux la prévoir et finalement de limiter les pertes, les centrales qui tourne à vide…

Les fournisseurs voient un autre intérêt dans le déploiement de ces compteurs. En effet ces compteurs vont permettre de limiter les PNT (pertes non-techniques), dû à des compteurs mal réglés ou bien simplement à des fraudes au compteur. En Italie notamment, c’est le taux très élevé de fraude qui a motivé l’installation des compteurs communicants.

Avec les nouveaux compteurs ils peuvent fixer une limite de consommation d’électricité à ne pas dépasser pour les consommateurs, fixer plus de niveaux de tarification, être plus flexible et mieux anticiper les pics de consommation.

 

Les agences nationales

  • CNIL

La Commission nationale de l’informatique et des libertés est chargée de surveiller la protection des données personnelles des citoyens français, de prévenir des dangers d’internet etc…

L’une des polémiques autour des compteurs communicant étant leur capacité à récolter et transmettre des données sur la consommation d’électricité (ou de gaz pour Gazpar), on comprend assez bien pourquoi cette commission joue un rôle clé dans la controverse.

Cet acteur n’a pas à prendre parti sur le sujet. C’est un organisme de surveillance. Ainsi la CNIL ne remet jamais en question le compteur Linky, mais analyse simplement la manière dont il récolte les données et la transmission de ces données appartenant à l’utilisateur au fournisseur d’électricité.

Elle a notamment émis un rapport en 2012 (cf Chronologie) donnant des conseils à Enedis pour la création des compteurs communicant afin de minimiser le risque pour les usagers que leurs données soient utilisées sans leur consentement.

Elle est également sollicitée par les opposants aux compteurs Linky, car elle agit comme une autorité de surveillance indépendante.

 

  • Cour des Comptes

La Cour des Comptes est une juridiction financière de l’ordre administratif français. Elle s’assure du bon équilibre des comptes publics mais aussi du bon financement des entreprises à capitaux publics. C’est dans ce cadre qu’elle a examiné le financement du projet Linky.

Chacun des autres acteurs de la controverse veut s’assurer le soutien de cette institution reconnue pour son sérieux.

Dans son rapport, paru en février 2018, la Cour des Comptes critique l’abus de position d’ENEDIS, en particulier d’un point de vue financier. L’entreprise s’est attribuée des conditions de rémunération prévisionnelles (500M€) jugée trop importantes pour la cour des comptes qui y voit une possibilité de surcoût pour le consommateur avec notamment une hausse possible du TURPE.

La Cour des Comptes insiste sur la nécessité pour ENEDIS de mieux informer le consommateur afin que ce dernier puisse bénéficier pleinement des informations que le compteur apporte sur sa consommation.

  • La CRE

La commission de régulation de l’énergie est une autorité administrative française chargée de vérifier le bon équilibre du marché de l’énergie française. Elle émet régulièrement des rapports sur des sujets liés au marché de l’énergie. C’est un acteur important puisque cette commission s’intéresse de près à la modernisation du réseau électrique français et à l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie français.

Cette commission est plutôt en faveur de la pose de ces compteurs comme elle le précise dans son rapport publié en 2011 où elle se revendique favorable à la généralisation du compteur Linky. Plus tard, elle va même plus loin en disant que Sans la réussite du projet Linky, projet industriel ambitieux, il n’y a pas de transition énergétique.” (lien)

En revanche, elle a déjà critiquée certains choix techniques entrepris par ENEDIS sur ce compteur. Elle a notamment publié le 9 mars 2018, un rapport et dans son communiqué de presse, elle rappelle à ENEDIS l’importance que ce projet soit entièrement financé par ENEDIS et qu’il n’y ait aucune répercussion financière sur le consommateur.

 

  • Les agences sanitaires

Ces agences jouent un rôle particulièrement important dans le cadre de la polémique autour des ondes électromagnétiques, de leur impact sur la santé et de si oui ou non le compteur communicant génère des ondes suffisamment puissantes pour avoir un impact sur la santé des utilisateurs.

Parmis ces agences, on compte l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) et l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité).

L’INRS indique que la nocivité des ondes électromagnétiques n’a été prouvée que au delà d’un certain seuil. Elle évoque le cas d’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques, afin de dire que c’est plutôt la connaissance du risque qui entraîne des symptômes (sorte d’effet placebo inversé).

L’ANSES quant à elle, a étudié plus précisément le cas des compteurs Linky. Elle a déduit de son analyse, que les compteurs Linky n’étaient pas dangereux dans la mesure où le rayonnement qu’ils émettent est très faible.

Les particuliers

Autre acteur important de la controverse, les particuliers. C’est principalement d’eux que provient la controverse. Ils communiquent soit par voie de presse, soit à l’aide d’association, sites internet etc…

Les opposants les plus féroces à ce projet s’y trouve. Stéphane Lhomme fait parti de ces opposants. Ils dénoncent un manque d’informations, de transparence d’ENEDIS mais aussi, pour certains, un projet qu’ils jugent inutile puisque les compteurs qui sont remplacés sont encore en état de marche.

Sur l’aspect sanitaire, des problèmes se posent aussi. En effet il existe des témoignages de personnes qui se disent intolérantes aux champs électromagnétique et se voient mal supporter l’installation d’un tel compteur chez elle. Mais il y a aussi des témoignages de personnes qui ne se sentaient pas spécialement sensibles et puis qui ont ressentis des maux de tête ou autres depuis la pause de leur compteur communicant (cf commentaires de cet article). Difficile d’en vérifier la véracité mais cela entretient un questionnement sur l’impact de ce compteur.

 

Les particuliers sont aussi défendus par des associations de consommateur (UFC-que-choisir ou 60 Millions de consommateurs). Elles informent le consommateur sur l’utilité du projet, s’inquiète du financement de ce dernier avec une éventuelle hausse du TURPE…

 

Le but de ce compteur étant aussi de lutter contre les Pertes Non Techniques comme les fraudes ou les mauvais réglages de compteur, cela peut avoir un impact dans les factures du consommateur qui seront réajustée théoriquement à leur juste valeur.

Ils sont aussi aux premières loges pour constater les éventuels accidents suite à la pose de leur compteur. Ainsi Sandrine, une habitante de Bailleul (59), qui écrit :

« Le 1er décembre, à 6 heures du matin, nous nous apercevons qu’il n’y a plus de courant électrique. Une odeur de plastique brûlé émane du garage où mon mari découvre le boîtier Linky totalement fondu avec des traces de flammes sur le mur. »

Heureusement, ce début d’incendie est resté circonscrit au boîtier et n’a pas provoqué plus de dégâts. Le compteur Linky avait été installé l’été dernier.

Si la plupart des consommateurs acceptent sans broncher l’installation de leur compteur, certains refusent cette dernière malgré leur théorique absence de droit de refus. Ils installent des dispositifs afin de bloquer l’accès au compteur pour les poseurs ou simplement n’ouvrent pas leur porte aux installateurs.