Changer le réseau pour décentraliser la production et introduire la concurrence

Enedis souhaite modifier la configuration générale du réseau.

Le réseau centralisé que nous connaissions jusqu’à présent ne laissait que peu de place à l’installation d’une concurrence. EDF était en situation de monopole et possédait tous les gros sites de production. Le passage d’un réseau centralisé autour des gros sites de production électrique

à un réseau décentralisé permettra l’intégration de la production renouvelable localisée souvent au niveau des consommateurs, permettra l’apparition de nouvelles formes de concurrence pour les producteurs d’énergie, et offrira de nouvelles possibilités pour la création de smart grid.

Pour ce qui est de la concurrence : l’Union européenne a en effet annoncé dès 1996 que tous les états de l’union devraient adapter petit à petit leur réseau intérieur électrique pour permettre la mise en place d’une concurrence entre les producteurs d’énergie. Il s’agissait de la Directive européenne concernant des règles ‎communes pour le marché intérieur de l’électricité (lien). Quelques années plus tard, en 2006-2007 des débats à l’assemblée nationale ont mené au vote d’un texte stipulant la nécessité de rendre le marché de l’énergie plus concurrentiel, en donnant à la CRE (commission de régulation de l’énergie) le rôle de gendarme de cette concurrence et au distributeur les droits de gestion de réseau pour mettre en place cette concurrence :

un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz naturel est notamment chargé […] de fournir aux utilisateurs des réseaux les informations dont ils ont besoin pour un accès efficace aux réseaux, de réaliser l’exploitation et la maintenance desdits réseaux et […] la gestion des données et toutes missions afférentes à l’ensemble de ces activités.” -projet de loi à l’assemblée nationale, texte 607 (lien explicatif)

 

Comme nous l’avons vu précédemment, Enedis a tous les droits nécessaires pour définir et mettre en œuvre des politiques de renouvellement de réseau tant que ces dernières s’inscrivent dans la politique énergétique européenne. A l’heure actuelle, comme le réseau est avant tout conçu dans un sens unique (production centralisée vers consommation), l’énergie produite à petite échelle et très localisée (panneau solaire, petit champ éolien etc…) doit être consommée dans un voisinage proche du lieu de production ou stockée en vue d’une consommation ultérieure. Étant donnée les coûts assez élevés pour stocker de l’énergie, la plupart du temps, les producteurs renouvelables (au nombre de 400.000 en France) se retrouvaient obligés de couper de la production.

Cette refonte du réseau électrique permettra de mieux intégrer la production renouvelable en évitant les pertes et en liant plus facilement lieu de consommation et lieu de production.

Rendre le réseau plus résilient

Un réseau électrique doit :

  • pouvoir résister à certains aléas (rupture de câble…)
  • subvenir à la consommation sans que le câble ne soit jamais en surcharge.
  • être légèrement surdimensionné pour pallier à une éventuelle hausse de la consommation.

Le tout bien évidemment en essayant de diminuer le coût au maximum.

Des études préalables sont nécessaires pour estimer les pics de consommation et dimensionner le réseau (i.e. la taille des câbles) en fonction de ces pics. Pour faire cela, Enedis a donc besoin d’évaluer au mieux les ‘pics’ de consommation. Jusqu’à présent, la connaissance de la consommation électrique se localisait surtout sur les centres de production donc pas dans le domaine d’Enedis qui gère majoritairement le réseau BT (basse tension). Pour estimer ces pics Enedis prenait des ordres de grandeurs type et surdimensionnait le réseau. Le déploiement des compteurs communicants permettra à Enedis de mieux appréhender la consommation électrique de manière décentralisée.

Linky, installé dans les maisons, s’inscrit au cœur du développement des smart grids.

On comprend alors mieux pourquoi connaître plus précisément la consommation électrique française de manière très localisée est un enjeu important pour Enedis, qui permettra de faire de nombreuses économies dans l’installation et l’entretien du réseau.

Pour aller plus loin : cette meilleure connaissance de la consommation locale aura des conséquences entre autres sur la conception de smart grid (réseau intelligent) comme le montre l’étude de cas menée par des élèves de l’école Mines ParisTech en partenariat avec Enedis sur l’étude d’un smart grid à Paris-Saclay (mig-alef-2017).

Mieux gérer le réseau

Enedis souhaiterait aussi pouvoir mieux piloter le réseau électrique à distance pour mieux pallier aux éventuelles pannes. Lorsque des pannes surviennent dans les branches situées en bout de réseau, il n’existe à l’heure actuelle que peu de moyen de détection et de solution de substitution. Ainsi Enedis met un certain temps à déplacer des agents sur place pour mettre fin à la panne et pendant ce temps-là, les foyers situés sur cette branche sont privés d’électricité. L’un des objectifs d’Enedis est d’éviter ces pannes en limitant mieux la puissance qui passe dans ces câbles, de pouvoir les détecter plus rapidement et d’assurer une alimentation électrique minimale pendant ces pannes.

Des compteurs électriques « pilotables » à distance aideront à cet objectif en permettant de couper l’électricité aux clients « non prioritaires » en cas de rupture d’un câble ou en permettant de réduire automatiquement la consommation électrique de clients non impactés par une rupture de câble pour assurer aux personnes impactés un accès minimum à l’électricité ; mais aussi de de détecter et résoudre certains problèmes électriques à distance puisque les compteurs communiquent régulièrement des informations au centre de gestion.  On trouve de tels exemple en Californie avec des compteurs radio sur lesquels on peut agir en temps réel.

Pour Enedis, ces compteurs amélioreront la qualité de service. Autre avantage, ils permettront aux clients d’être justement facturés. En effet avant, la facture d’électricité se basait sur une estimation de la consommation électrique, et non sur l’exacte consommation. La mesure en temps réel de la consommation permet donc au client d’être facturé exactement sa consommation. Le consommateur sera également moins dérangé par les opérations comme les relevés de compteur ou changements de puissance (ces derniers se faisant par téléopération).

Enedis pourra aussi grâce à ces compteurs, mieux savoir où il est crucial d’investir dans le réseau. Bernard Lassus, directeur du programme Linky affirme ainsi :

« Nous détectons mieux les pannes et nous ciblons de manière plus pertinente nos investissements dans les réseaux “. Bernard Lassus

 

Notamment Enedis mettra à disposition des communes des données d’utilisateurs afin de pouvoir mieux anticiper quand il sera nécessaire de remplacer les équipements du réseau.

Des clients informés et en accord avec le projet Linky

Grâce au compteur Linky, les clients pourront être mieux informé sur leur mode de consommation (soit directement via la consultation en ligne de la courbe de charge, soit indirectement puisqu’Enedis prévoit de sensibiliser les consommateurs sur les moyens de réduire sa consommation). Enedis ne souhaite pas avoir d’opposition mais souhaite réduire au maximum le coût du projet. Ainsi la communication effectuée auprès des clients doit être le plus efficace et le plus économique possible. Une simple brochure explicative donnée lors de l’installation, la mise en place d’un site internet et d’un numéro vert devrait suffire pour informer tous les consommateurs sur les possibilités offertes par Linky.

Extrait de la brochure sur le compteur Linky

De plus pour avoir un réseau bien uniforme, il faut remplacer la totalité des compteurs électriques. L’installation des compteurs se devait d’être obligatoire, rapide et sans opposition afin de permettre de rester dans des coûts et des délais raisonnables.