La réaction d’Enedis

Après vos recherches sur les manifestations anti-Linky, vous vous demandez comment Enedis fait pour essayer de les endiguer ou au moins de se justifier pour les limiter.

Comme nous avons pu le voir au début de ce parcours, la communication d’Enedis se divise en deux parties : une prévention avant l’installation par l’envoi de plusieurs mails/courriers et une intervention post-installation. La première partie a été le fruit d’un long travail des créateurs du compteur pour informer la population sur l’installation et les intérêts de ce changement de compteur. En revanche, c’est la communication post-installation qui pose davantage de problème.

“ Le grand public a peur du changement”, selon Enedis

 

Une fois l’installation effectuée, l’installateur donne au client une brochure décrivant les différentes composantes du compteur. Cependant, malgré ces éléments de communication, de nombreuses frondes s’élèvent comme détaillées dans les points précédents ( inquiétudes financières, sanitaires…) et donc Enedis tente de justifier cette vague d’installation.

Comprenons d’abord la façon dont les salariés d’Enedis reçoivent et perçoivent les critiques autour du compteur Linky. Car de cette perception dépend la réaction de l’entreprise. Ainsi, Enedis fait état de l’opposition en considérant les contestataires comme une minorité:

“En tant qu’Enedis, on a deux types de population. Il y a la très vaste majorité, difficile de donner un chiffre mais c’est plus de 90% des gens qui nous font confiance parce que cela fait des années et des années que l’on fait ce métier là et que pas grand monde n’a eu à en souffrir. Et puis quelques personnes, toujours difficile de donner des chiffres mais on a certaines personnes qui sont arc boutées contre nous.”, selon le cadre d’Enedis interviewé

 

Ainsi, selon Enedis, les efforts mis en oeuvre pour expliquer à la population les raisons d’un changement de compteur ont été suffisamment anticipés:

“Il y a eu de gros efforts qui ont été entrepris par l’entreprise pour justement faire face aux fronts, qui prenaient feu mais ce sont des feux de paille qui sont rallumés toujours par les mêmes personnes.” , selon le cadre d’Enedis

 

On notera notamment qu’Enedis considère que le compteur Linky est en quelque sorte victime d’un acharnement par certains individus et que ces attaques sont isolées d‘où l’utilisation de l’expression “feux de paille”.

Cependant, Enedis ne peut pas faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les critiques existent et Enedis a donc dû modifier sa politique de communication, ou en tout cas l’intensifier, pour répondre aux critiques et autres inquiétudes. Pour cela, l’entreprise use d’une stratégie que l’on peut qualifier de ciblée.

Dès lors, Enedis établit un lien avec les élus des communes où l’opposition se fait sentir:

“De temps en temps, on a un groupement de communes où on a trois maires qui nous appellent catastrophés, « mais qu’est ce qui se passe, Linky arrive, on a la queue des administrés qui n’en veulent pas, qui disent qu’il faut mettre un arrêté ou je ne sais quoi » et donc on organise, toujours avec les élus, une réunion d’informations dans laquelle les gens peuvent s’exprimer, dans laquelle ils peuvent exprimer leurs craintes, et dans laquelle on arrive avec les arguments qui sont les nôtres (c’est le même compteur avec juste un module de communication et avec des capacités en terme d’enregistrement de données) qui nous permettront […] en tout cas d’éteindre ce début d’incendie.”, selon le cadre d’Enedis

 

Pour résumer, Enedis évite de communiquer de façon nationale mais préfère plutôt directement répondre aux communes qui ne comprennent pas l’intérêt d’un tel changement. Cette stratégie de communication peut s’expliquer par la manière dont se déploient les compteurs en France. En effet, les compteurs Linky sont installés progressivement, zone par zone:

“On a un avantage, c’est que le déploiement du Linky n’est pas un national-one shot, c’est un déploiement qui est dit en tâches de léopard, c’est-à-dire on prend une zone et puis on sature la zone et après on passe sur une autre zone et on sature la zone. Parce qu’on ne peut pas tout faire en même temps, 35 millions c’est beaucoup.” selon le cadre d’Enedis

 

Et ce type de déploiement est considéré comme bénéfique dans la mesure où, avec un déploiement national, instantané, Enedis n’aurait peut-être pas su faire face à une opposition nationale. Et l’on retrouve ici le principe même d’une controverse : l’opposition est au départ moins puissante que l’entreprise, elle cherche alors à faire entendre sa voix en se regroupant avec les autres groupes d’opposition. Et donc ici, Enedis profite du déploiement en tâche de léopard pour cibler ses réponses face à ceux qui doutent du projet.

En définitive, Enedis a dû modifier sa communication pour que chacune des communes comprennent la volonté de l’entreprise. Cependant, en plein déploiement des compteurs, la controverse n’est pas prête de s’arrêter comme en témoigne l’arrivée de plus en plus massive des médias avec des émissions radios entièrement dédiées à Linky ( « Le téléphone sonne » sur France Inter ) et même des reportages en prime-time ( Envoyé Spécial). 

 

 

 

La mobilisation contre Enedis

Alors que vous vous promenez calmement dans le centre-ville, vous constatez une présence importante de policiers et que des rues ont été bloquées. Une mobilisation contre Linky et Enedis a été organisée et une grande foule défile dans les rues. Deux semaines plus tard, pendant un pique-nique en famille dans un parc, vous tombez en face d’une centaine de militants anti-Linky distribuant des tracts et brandissant des banderoles représentant un compteur enflammé. Vous êtes surpris par autant de manifestations et commencez vos investigations. Comment les opposants au projet Linky se mobilisent-ils ?

 

Le projet Linky a suscité une très importante quantité de débats (comme on a pu le voir durant ce parcours intéractif), mais leur éclectisme et leur virulence n’ont pas forcément contribué à renforcer la crédibilité de l’opposition. En effet, on retrouve beaucoup de frondeurs qui tendent à faire feu de tout bois et d’instrumentaliser le moindre fait divers où le nom de Linky est mentionné (comme par exemple les incendies imputés à Linky et toujours démentis par les autorités compétentes).

La pluralité des associations de consommateurs, et surtout l’absence de concertations entre ces différentes associations (même si elles n’hésitent pas à s’entre-citer pour étayer leurs arguments) ne permet pas vraiment de constituer un front contestataire uni et crédible. Aussi, des mésententes au sein de la contestation existent. Cela est plutôt en défaveur de la contestation d’autant plus que les débats semblent tourner en rond puisque chacun reprend les arguments/citations du premier qui les a avancés. 

Quant à la façon dont l’opposition semble s’organiser et les moyens qu’elle met en place pour faire pencher le débat en sa faveur, elle semble assez uniforme parmi les différents acteur frondeurs. En effet, le plus courant est le site internet (sans doute de par son importante portée) ainsi que les interviews données à des journaux. On retrouve par exemple des acteurs comme Stéphane Lhomme (propriétaire du site “Refus Linky Gazpar”), très engagé dans la lutte anti-Linky.

Des émissions de radio (France Inter le 07 Juin 2018) et de télévision (Envoyé Spécial le 14 Juin 2018) ont aussi pour sujet la contestation contre le compteur Linky. Ces émissions sont attendues par les contestataires du projet Linky car elles permettent de donner de l’ampleur à la controverse et de la visibilité à la manifestation.

 

 

Aspect financier

Vous venez de recevoir votre facture d’électricité et êtes vraiment surpris des chiffres écrits dessus. Lors de l’installation de votre compteur, le technicien vous avez assuré que cela vous permettrait de mieux gérer votre consommation et donc de moins dépenser d’argent en électricité. Mais ce n’est pas vraiment ce que vous observez sur la facture. Le montant que vous payez n’a pas diminué et a même un peu augmenté par rapport à la facture que vous aviez reçu l’année précédente à la même période de l’année. Vous ne comprenez pas du tout pourquoi cela et décidez de vous renseigner. Pourquoi devez-vous payer plus cher pour une consommation identique ? Le service consommation d’Enedis vous explique que votre facture diminuera dans quelques années, lorsque Enedis aura pu se rembourser les frais d’installation et de construction de Linky.

Courbe de consommation disponible aux clients d’Enedis

 

Le changement de compteur occasionné par l’apparition du compteur Linky suscite également un débat de nature pécuniaire. En effet, combien coûte réellement ce compteur ? Quelles garanties a-t-on qu’Enedis ne gagne pas plus d’argent sur le dos du consommateur ?

 “Le coût ramené au compteur est de 130 €” selon le rapport de la  cour des comptes.

 

Tout d’abord, il faut garder en mémoire que la source de financement d’Enedis est le TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité), et que le fait d’investir massivement dans l’implémentation d’un nouveau type de compteur occasionne nécessairement des frais élevés. Il est donc logique que l’entreprise cherche à rentabiliser cet investissement le plus rapidement possible pour rester compétitive, ou au moins à flot. L’incertitude sur le coût du projet (entre 5 et 6 milliards d’euros) ne permet pas d’évaluer finement le prix que chaque compteur coûte de façon unitaire, cependant, selon le rapport de la  Cour des comptes, “le coût ramené au compteur est de 130 €”. Toujours selon le rapport de la cour des comptes, “La fourniture du compteur proprement dit représente un tiers de ce coût, sa pose un autre tiers, le dernier tiers correspondant aux autres éléments du dispositif.” Cela donne donc une estimation un peu plus fine du coût des différents éléments du dispositif.

Grâce à la modernisation du réseau, Enedis compte diminuer fortement les frais qu’occasionnent la maintenance des compteurs, les déplacements physiques des techniciens, la maintenance des infrastructures liés aux problèmes de surcharge éventuels (les postes source par exemple), la meilleure gestion des PNT (pertes non techniques). C’est de cette économie qui devrait (en majorité) rembourser les investissements sur le projet Linky.

Comment expliquer alors que de nombreux clients se plaignent de devoir payer plus cher leur électricité ? Selon Enedis, ces augmentation constatée sont des aux précédents compteurs. Ces derniers disposait d’un mécanisme utilisant un ressort pour mesurer la consommation d’un foyer, et avec le temps ce ressort a tendance à se tasser, sous-évaluant donc la consommation. Les nouveau compteurs étant dépourvus de cette défaillance, les clients sont chargés pour leur exacte consommation, d’où la hausse du prix.

Par ailleurs, la facture devrait effectivement augmenter pour tout le monde, pour rembourser les coûts de création et d’installation des compteurs, mais seulement en 2021.

 

Troubles sanitaires

Vous êtes en vacances depuis une semaine et vous passez votre temps dans votre garage, là où se trouve votre petit atelier de bricolage. Vous entreprenez de vous construire une belle table basse pour remplacer celle qui se trouve dans votre salon. Le travail avance bien et le soir du septième jour, la table est enfin terminée ! Vous allez vous coucher, satisfait par le travail effectué. Mais un mal de tête apparaît. Vous n’arrivez pas à vous endormir du fait de l’importance de la douleur. Vous vous demandez alors d’où vient cette douleur. Serait-ce parce que vous avez travaillé dans votre garage pendant une semaine et que le manque d’air vous est monté à la tête ? Ou serait-ce lié à la proximité avec votre compteur Linky qui est installé à moins de deux mètres de votre atelier ? Vous savez que les données sont envoyées via des CPL et que ceux-ci produisent des ondes électromagnétiques ? Seraient-elles les coupables de votre mal de tête ?

 

Effectivement, du fait de son aspect “connecté”, il n’est pas étonnant de voir émerger des questions concernant les conséquences et les effets des ondes émises par Linky sur la santé. C’est en fait un débat d’ordre assez général qui tend à revenir à l’ordre du jour dès qu’un nouvel appareil connecté apparaît. En effet, nombreuses sont les associations de consommateurs qui critiquent le projet sans toutefois pouvoir produire des mesures fiables. C’est ce qui s’est passé avec l’association Robins des Toits, interrogée par le magazine 60 Millions de Consommateurs. Le magazine voulait avoir des précisions quant aux mesures qui avaient été faites par l’association prouvant l’existence du rayonnement de Linky. Celle-ci a été incapable de fournir lesdites mesures selon le journal 60 Millions de Consommateurs, qui titre même son paragraphe “des critiques dénuées de fondement”

 

“Le problème, c’est que nous avons demandé fin février à Robin des Toits quelles mesures avaient été faites pour mesurer ce rayonnement. Mais l’association n’a pas pu nous en fournir et elle a répondu qu’elle était en train de les organiser !” selon 60 Millions de Consommateurs.

 

Ce point particulier du débat est donc assez compliqué à baliser car de nouvelles études sont souvent réalisées sur le sujet et ne permettent donc pas de produire un avis fiable à 100 %. Cependant, les informations sûres sont que la technologie CPL émet du rayonnement électromagnétique classé “cancérogène possible” par le Centre international de la recherche sur le cancer, mais qu’Enedis certifie que la technologie Linky ne présente pas de danger pour la santé des utilisateurs. En effet, Linky n’émet que quelques secondes par jour, et ce faisant, le champ magnétique résultant n’est que de 0,8 V/m, en dessous de la limite réglementaire de L’ANF (Agence Nationale des Fréquences), fixée à 87 V/m. De plus, il est rare que les compteurs soient installés dans les lieux de vie, le gestionnaire de réseaux préférant les installer dans des endroits où ils sont plus discrets, ce qui limite l’exposition de chacun aux ondes émises par le compteur.

La question des habitations partagées se posent. Que se passe-t-il dans un immeuble ? Si l’émission d’un unique compteur respecte les limites de l’ANF, qu’en est-il de l’émission d’une centaine de compteurs placés au même endroit? Les ondes produites peuvent interférer et résonner, dépassant ainsi les réglementations. Une étude d’Enedis pour justifier le caractère non néfaste du regroupement de compteurs semble alors nécessaire si l’entreprise veut essayer d’éteindre au mieux la controverse liée à l’aspect sanitaire.

 

Utilisation des données

Très vite cependant, sans doute influencé par les débats actuels sur l’utilisation des données qui refont surface dans les média, plusieurs considérations se bousculent dans votre tête : et si Linky cachait quelque chose ? Et s’il était une brèche dans votre vie privée, un espion ? Vous relisez attentivement le premier mail que vous avez reçu d’Enedis et vous vous rendez compte que l’entreprise utilise bel et bien vos données, mais elle vous assure que vos données sont codées et suffisamment protégées. Comment Enedis s’assure de la protection de vos données ? Et surtout, comment Enedis traite-t-il vos informations et à quoi servent-elles ?

 

Les données permettent “une analyse infiniment plus fine des profils de consommation et éventuellement des anomalies de consommation”, selon le cadre d’Enedis

 

Un des points les plus controversés de la mise en place du compteur communicant est la potentielle vulnérabilité des données de chacun, ou en tout cas le relatif manque de transparence d’Enedis vis à vis de leur politique d’utilisation des données. En effet, il est légitime de se demander ce qu’Enedis peut faire avec les différentes informations récupérées. Le but premier de la démarche est, selon le cadre d’Enedis interviewé, de permettre “une analyse infiniment plus fine des profils de consommation et éventuellement des anomalies de consommation”.

ENEDIS et les données, image issue du reportage d’Envoyé Spécial du 14/06/18

En effet, la communication de données permet de mieux (et surtout plus rapidement) identifier les problèmes électriques éventuels, et donc de diminuer drastiquement le temps de réaction d’Enedis, sans forcément devoir faire appel à un technicien. D’autre part, cela permet de détecter (même si cela correspond à une minorité des cas) de potentielles fraudes au compteur. Enedis ne peut, en outre, intervenir à distance uniquement s’il s’agit d’un problème d’ordre technique. Pour tout ce qui est coupure d’électricité en cas d’impayés, l’entreprise se doit d’adopter des démarches physiques. Ainsi, les données auxquelles Enedis a accès sont des “données de comptage donc de consommation et donc de transit d’énergie” (selon le cadre d’Enedis) qui vont permettre d’adapter réellement le réseau à la demande en énergie (évitant ainsi d’éventuels problèmes de surcharge de poste source. Plus précisément, le compteur enregistre des index quotidiens, les valeurs de la puissance maximale et de l’intensité ainsi que la courbe de charge du client.

Concernant le transit de l’information, celui-ci est assez complexe : tout d’abord, l’information, chiffrée au préalable, passe en CPL par un concentrateur (situé au niveau du poste BT dont dépend le client) pour enfin finir dans une base de données centrale. En terme de sécurisation de l’information, selon le cadre d’Enedis, celle-ci est comparable au protocole de sécurité utilisé pour les centrales nucléaires (donc très bien protégée). Il reconnaît que ce système n’est pas à 100% infaillible. Le hacker le plus aguerri pourrait parvenir à passer outre le système de protection. La question à se poser est surtout : que ferait un individu des informations récoltées par Enedis ?

Les conséquences si quelqu’un parvenait à décrypter les informations envoyées à Enedis seraient assez préoccupantes : ayant accès à votre courbe de charge, le pirate pourrait estimer combien de personnes se trouvent dans la maison, quels sont leurs horaires de travail (s’ils travaillent) et donc avoir une idée assez fiable de votre emploi du temps. Il pourrait alors revendre ces informations à des groupes organisés, qui auraient la possibilité de cambrioler un nombre non négligeable de logements. Mais, l’investissement en effort serait-il récompensé par cette action ? Le pirate pourrait préférer revendre les informations à d’autres organismes.

Outre le piratage, la question de la possible vente de données par Enedis ou par un fournisseur d’énergie se pose. Ces données pourraient éventuellement intéressé certaines entreprises. Si l’utilisateur a donné son autorisation à Enedis pour faire usage de ses données et les transmettre à d’autres entreprises comme les fournisseurs d’énergie, se pose alors la question de qu’est-ce qui empêche Enedis de les vendre?  Et bien pour l’instant pas grand-chose, même si Bernard Lassus garantit qu’Enedis, en tant que société publique, ne vendra jamais ces données.

 

Incendies domestiques

Votre compteur est à présent installé chez vous. Vous ne le trouvez pas très séduisant avec sa couleur verte mais cela ne vous pose pas trop de problèmes, il est caché dans votre garage et vous ne l’apercevez pas souvent. Vous cohabitez donc avec votre compteur sans trop de mécontentement. Deux mois plus tard, vous lisez dans un journal local qu’un incendie s’est déclaré dans un quartier voisin du vôtre. Cela vous intrigue et vous menez votre propre enquête. Vous tombez alors né à né avec un individu distribuant des tracts devant l’immeuble incendié avec ces mots écrits dessus : “Non à Linky !”. Vous lui demandez pourquoi il manifeste contre le nouveau compteur intelligent et ce dernier vous pointe le bâtiment du doigt. L’immeuble aurait pris feu à cause du compteur linky. Mais Enedis dément entièrement.

 

“Le compteur Linky fait hélas son premier mort”, selon Stéphane Lhomme.

 

Ce cas de figure n’est pas quelque chose d’aberrant selon Stéphane Lhomme. En effet, dans son article, il dénombre déjà plusieurs cas d’incendies imputés à Linky (ce qu’Enedis semble nier, toujours selon Stéphane Lhomme). Dans la majorité des cas décrits par l’auteur, le compteur semble avoir pris feu spontanément, mettant en cause la déficience de l’appareil causant la surchauffe des circuits. Dans le billet, Il décrit notamment le cas d’un homme retrouvé mort dans son appartement à Laxou-Champs-Le-Boeuf le 7 Mars 2018, avec son compteur Linky entièrement fondu. Selon lui, c’est uniquement ce compteur qui est la source de l’incendie. En outre, Stéphane Lhomme mentionne également  une dizaine d’autres occurrences d’incendies supposément dûs au compteur communiquant.

« Il n’a jamais été question que l’origine de l’incendie soit liée au compteur », selon la préfecture de Laxou-Champs-Le-Boeuf.

 

Cependant, cet argument est mis en doute par un autre article affilié au journal Libération : contactée par un de leurs journalistes, la préfecture a répondu qu’ «il n’a jamais été question que l’origine de l’incendie soit liée au compteur», affirmant de plus que le compteur du logement était en fait un “compteur classique”. La prudence est donc de mise quant à l’interprétation des différents avis, du fait du peu d’informations qui transitent depuis les différentes sources. Cependant, le manque d’étais scientifiques avancés par les détracteurs de Linky sur le sujet des risques incendiaires liés au compteur contribue à décrédibiliser les arguments de l’opposition. De plus, la raison couramment avancée par les structures pro-Linky pour de tels incendies seraient plutôt le fait d’une mauvaise installation des câbles qu’une défaillance du compteur lui-même. De fait, aucune structure publique (pompiers, préfecture) n’a jamais pu établir la culpabilité de Linky dans les cas d’incendie.

 

 

Installation du compteur

Le technicien arrive chez vous à la suite de votre échange de mail. Vous lui demandez cependant s’il est possible de refuser l’installation du compteur communicant, ce à quoi il répond par la négative. En effet, selon la loi en vigueur, chacun se doit d’être muni de Linky. Vous vous demandez alors quelques questions : ce compteur m’appartient-il ? Mon compteur a t-il bien été installé ? C’est-à-dire, est-ce que le technicien a-t-il bien suivi les conseils d’installation et n’a-t-il pas fait preuve de négligence dans les branchements ?

Cette constatation dont vous faites preuves en vous posant ces dernières question soulève un point important : le cadre légal de l’installation et plus généralement du déploiement du compteur communiquant. En premier lieu, la question de l’appartenance du compteur pose problème : êtes-vous propriétaires du compteur ? Selon un cadre d’Enedis, le compteur appartient “au distributeur et au client à partir du moment où il a signé un contrat”, de ce fait le distributeur a en théorie le droit de venir toucher au compteur pour y remplacer des éléments ou y apporter des modifications à n’importe quel moment.

“Le client n’a, en aucun cas, le droit de quoi que ce soit sur le choix de l’équipement, l’installation ou la désinstallation de l’équipement” selon le cadre d’Enedis.

 

Ainsi, le client qui s’oppose à l’installation ou au changement de son compteur Linky n’a en aucun cas le droit de le faire. En revanche, les compteurs appartiennent également aux communes, qui elles ont le droit de s’opposer, ou tout du moins de retarder l’installation des compteurs. En pratique cependant, presques toutes ces dernières ont délégué les droits de gestion à l’entreprise, et ont donc sensiblement moins de levier.

Un autre problème peut aussi être identifié : lors de l’installation des compteurs, il peut y avoir négligence de la part de l’installateur (mauvaise jonction de câbles les rendants vulnérable à un début d’incendie par exemple), cela peut-il est alors imputé à Linky alors que cela ne concerne pas directement le compteur ? Cela n’est pas clair juridiquement et c’est d’ailleurs sur ce point qu’Enedis et ses détracteurs connaissent certains de leurs débats les plus vifs.

 

 

Mail

Vous recevez un mail d’Enedis, qui vous informe de l’installation prochaine du compteur Linky. Ce mail vous demande à quel moment vous préfereriez que le technicien vienne chez vous. Le compteur doit être installé dans moins de 3 mois dans votre commune conformément à la loi. Il vous promet que ce compteur permettra une meilleure gestion du réseau électrique et accélèrera la transition énergétique. Une pièce jointe justificative vous est envoyée pour répondre à vos questionnements sur le projet Linky. Comment un petit boitier vert peut-il aider le distributeur d’énergie à optimiser son réseau électrique ? Comment ce réseau fonctionne-t-il ?

Avant de répondre à cette question, il convient de préciser un peu le cadre dans lequel s’inscrit le compteur Linky. On distingue plusieurs types de réseaux électriques : HTB (haute tension : 50 kV), HTA (moyenne tension : 1 à 50 kV) et BT (basse tension : < 1kV) directement géré par ENEDIS, et chargé de desservir les particuliers et les entreprises.

“Le terme Smart Grid désigne un réseau électrique s’inscrivant dans un objectif d’économie d’énergie et de développement durable. Les Smarts Grids visent à réduire les coûts réseaux”  selon le MIG ALEF

 

Désormais, les distributeurs essaient de faire adopter au réseau une dynamique de Smart Grid. Cela entraîne de lui faire subir de nombreux et importants changements, afin de le rendre plus résilient et fiable. C’est pourquoi la volonté d’atteindre l’instantanéité dans le transit de l’information de consommation est apparue.


Pour Enedis, l’idéal serait un réseau décentralisé (qui permettrait l’intégration des productions renouvelables directement au niveau des foyers), résilient et surtout pilotable : c’est ici notamment que Linky entre en ligne de compte puisqu’il serait l’instrument principal de la pilotabilité et du contrôle. Le contact direct entre les données du consommateur et de l’entreprise permettent une meilleure adaptabilité de la stratégie de celle-ci.

 

 

Conception du compteur

La décision a donc été prise de développer un compteur communicant. Les équipes d’Enedis se lancent ainsi dans la conception de ce petit boitier. Un cahier des charges est rédigé afin de bien définir les caractéristiques de ce compteur. Le but de ce compteur communicant est principalement de permettre aux clients de mieux gérer leur consommation mais aussi de participer à une optimisation du réseau en apportant plus d’informations sur la consommation des utilisateurs.

                  

Le compteur Linky n’est pas le premier de son genre. Il s’inscrit dans une lignée de compteurs communicants, et peut donc être comparé à eux (principalement en terme de fonctionnalités, ou au moins de problématiques). Enedis a réalisé un certain  nombre de choix techniques importants, notamment pour ce qui est de la prise d’informations de l’utilisateur. A mi-chemin entre le compteur Italien (seulement capable de mesurer la consommation de l’utilisateur) et du compteur radio Californien (capable d’éteindre l’électricité à distance et de diagnostiquer les problèmes en un temps record), Linky se positionne comme un compteur sans puce radio dont les capacités se rapprochent de son homologue Californien sans pour autant rivaliser avec sa relative toute-puissance.

Le compteur Linky communique avec le concentrateur via CPL (courant porteur en ligne). Le choix de cette technologie était à peu près évident puisque certains pays comme l’Italie par exemple utilisait déjà cette technologie dans le cadre des compteurs communicants. Cela est en effet bien pratique pour un utilisateur de réseau électrique puisque le CPL est un moyen de communication transitant dans les câbles électriques.

Dès lors que l’on parle de transmission de données, il faut aussi parler de sécurisation. Enedis a choisi d’implanter un dispositif de chiffrage des données dans le compteur afin de protéger un minimum celles-ci dès leur création. Ces données sont anonymisées lors de l’émission. Seul le numéro du compteur est transmis, le lien entre ce numéro et l’adresse client étant fait dans un fichier très sécurisé d’après Enedis.

Pour ce qui est de l’information client, Enedis a choisi d’installer un écran d’affichage sur lequel s’affiche la date, le tarif actuel (heure pleine, heure creuse…) et l’énergie consommée depuis la dernière facture mais le compteur enregistre plus d’informations que cela. Enedis, pour des raisons de coût et de complexité, a choisi de mettre à disposition ces informations sur son site internet ou sur celui du fournisseur d’électricité pour ce qui est du montant de la facture. Sur les choix effectués en R&D, voici ce que nous a confié un ingénieur du projet Linky:

« Linky souffre d’un défaut de jeunesse, ou une erreur de conception je ne sais pas comment l’appeler; Linky ne communique pas en temps réel, et ne peut pas être actionné immédiatement. […] c’est clairement un frein à tout un tas de services qui auraient pus être offerts comme le fait d’avoir le montant de sa facture en temps réel. » selon un cadre d’enedis

 

Il n’en reste pas moins que, bien utilisé, ce compteur peut être un outil important dans la gestion de sa consommation énergétique pour Enedis. Il permet à l’utilisateur d’accéder à sa courbe de charge (Puissance consommée en fonction du temps). En Europe, le pas de temps de mesure préconisé pour cette courbe de charge est de 15 min. Cependant, pour se conformer aux préconisations de la CNIL, ce pas de relevé est fixé par défaut à 30 minutes. 

Pour ce qui est du coût du projet en règle générale, cela est un peu flou car beaucoup de chiffres sont avancés par les différents acteurs : on peut tout de même raisonnablement penser que l’entreprise investira entre 5 et 6 milliards d’euros dans cette opération en recoupant les différentes sources (comme l’interview du cadre d’Enedis et le rapport de la Cour des Comptes). Fait intéressant, selon le cadre d’Enedis, c’est surtout le déploiement des compteurs (et donc l’intervention physique d’un technicien) qui revient cher à l’entreprise puisque cela constitue à peu près 50 % du budget du projet de celle-ci.

Avec les choix qui ont été faits par les ingénieurs d’Enedis, le coût du compteur Linky s’élève à 140€ environ. Ce qui le place dans le milieu/haut de gamme des compteurs communicants.

 

Assemblée, début du projet

 

Vous assistez aux débats publics se tenant dans diverses assemblées et observez l’élaboration des lois concernant les compteurs électriques et le réseau de distribution. L’idée d’un monde plus écologique et d’une meilleure gestion du réseau électrique enchante la plupart des députés présents. Un compteur intelligent doit être installé partout en France et en Europe suivant les directives de l’Union Européenne avant 2022.

En 1996, le parlement européen émet une directive (96/92/CE) posant des règles communes pour les marchés intérieurs de l’électricité dans les différents états membres. Son objectif premier est d’obliger les différents états membres à faire les transformations nécessaires pour faire de leur marché intérieur de l’électricité “un marché de l’électricité concurrentiel et compétitif”.

Pour contrôler ce marché “ les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l’électricité des obligations de service public, dans l’intérêt économique général, qui peuvent porter sur la sécurité, y compris la sécurité d’approvisionnement, la régularité, la qualité et les prix de la fourniture, ainsi que la protection de l’environnement. Ces obligations doivent être clairement définies, transparentes, non discriminatoires et contrôlables…”

Cette directive impose entre autre la séparation des distributeurs et des producteurs d’énergie. Ainsi quelques années plus tard, en 2008, EDF Distribution devient ERDF, entreprise indépendante d’EDF. Elle est en charge de l’entretien du réseau BT (basse tension), doit assurer une bonne qualité de service aux consommateurs et ne faire aucune discrimination sur la distribution d’électricité en fonction du fournisseur.

En ce qui concerne directement les compteurs en tant que tel ; en 2009, l’UE a émis une directive (2009/72/CE) dans laquelle elle définit le cadre dans lequel doivent s’inscrire les nouveaux compteurs : les consommateurs doivent être “dûment informés de la consommation réelle d’électricité et des coûts s’y rapportant, à une fréquence suffisante pour leur permettre de réguler leur propre consommation d’électricité. Cette information est fournie à des intervalles appropriés, compte tenu de la capacité du compteur du client et du produit électrique en question. Il y a lieu de prendre dûment en compte le rapport coût-efficacité de telles mesures. Ce service ne donne lieu à aucun surcoût pour le consommateur

Il est également stipulé que “les États membres veillent à la mise en place de systèmes intelligents de mesure qui favorisent la participation active des consommateurs au marché de la fourniture d’électricité.”

Si l’Union Européenne reste assez flexible sur le calendrier, le gouvernement français lui est ferme: “Au 31 décembre 2020, tout gestionnaire de réseau public de distribution d’électricité desservant moins de cent mille clients est tenu, pour toutes les installations d’utilisateurs raccordées en basse tension (BT) ou en haute tension (HTA ou HTB), d’avoir rendu conformes aux prescriptions de l’arrêté prévu à l’article 4 au moins 95 % des dispositifs de comptage mis en place aux points de raccordement à son réseau.” [source : https://www.legifrance.gouv.fr/]. Dit autrement, Enedis doit avoir installé 95% de compteurs Linky d’ici à 2020.

 

On voit bien à travers ces textes que le compteur Linky doit permettre au consommateur de mieux s’informer sur sa consommation et n’engendrer aucun surcoût. C’est en effet l’une des promesses du compteur Linky. Nous verrons ultérieurement dans quelles mesures cette promesse est respectée.

En 2015, le sénateur Ronan Dantec a proposé un amendement pour rendre non-obligatoire l’installation du compteur Linky. Son amendement proposait de consulter le client avant de venir installer un compteur chez lui. Suite à une séance de débat très intéressante, le texte a été refusé [lire la séance de débat].