Après vos recherches sur les manifestations anti-Linky, vous vous demandez comment Enedis fait pour essayer de les endiguer ou au moins de se justifier pour les limiter.
Comme nous avons pu le voir au début de ce parcours, la communication d’Enedis se divise en deux parties : une prévention avant l’installation par l’envoi de plusieurs mails/courriers et une intervention post-installation. La première partie a été le fruit d’un long travail des créateurs du compteur pour informer la population sur l’installation et les intérêts de ce changement de compteur. En revanche, c’est la communication post-installation qui pose davantage de problème.
“ Le grand public a peur du changement”, selon Enedis
Une fois l’installation effectuée, l’installateur donne au client une brochure décrivant les différentes composantes du compteur. Cependant, malgré ces éléments de communication, de nombreuses frondes s’élèvent comme détaillées dans les points précédents ( inquiétudes financières, sanitaires…) et donc Enedis tente de justifier cette vague d’installation.
Comprenons d’abord la façon dont les salariés d’Enedis reçoivent et perçoivent les critiques autour du compteur Linky. Car de cette perception dépend la réaction de l’entreprise. Ainsi, Enedis fait état de l’opposition en considérant les contestataires comme une minorité:
“En tant qu’Enedis, on a deux types de population. Il y a la très vaste majorité, difficile de donner un chiffre mais c’est plus de 90% des gens qui nous font confiance parce que cela fait des années et des années que l’on fait ce métier là et que pas grand monde n’a eu à en souffrir. Et puis quelques personnes, toujours difficile de donner des chiffres mais on a certaines personnes qui sont arc boutées contre nous.”, selon le cadre d’Enedis interviewé
Ainsi, selon Enedis, les efforts mis en oeuvre pour expliquer à la population les raisons d’un changement de compteur ont été suffisamment anticipés:
“Il y a eu de gros efforts qui ont été entrepris par l’entreprise pour justement faire face aux fronts, qui prenaient feu mais ce sont des feux de paille qui sont rallumés toujours par les mêmes personnes.” , selon le cadre d’Enedis
On notera notamment qu’Enedis considère que le compteur Linky est en quelque sorte victime d’un acharnement par certains individus et que ces attaques sont isolées d‘où l’utilisation de l’expression “feux de paille”.
Cependant, Enedis ne peut pas faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Les critiques existent et Enedis a donc dû modifier sa politique de communication, ou en tout cas l’intensifier, pour répondre aux critiques et autres inquiétudes. Pour cela, l’entreprise use d’une stratégie que l’on peut qualifier de ciblée.
Dès lors, Enedis établit un lien avec les élus des communes où l’opposition se fait sentir:
“De temps en temps, on a un groupement de communes où on a trois maires qui nous appellent catastrophés, « mais qu’est ce qui se passe, Linky arrive, on a la queue des administrés qui n’en veulent pas, qui disent qu’il faut mettre un arrêté ou je ne sais quoi » et donc on organise, toujours avec les élus, une réunion d’informations dans laquelle les gens peuvent s’exprimer, dans laquelle ils peuvent exprimer leurs craintes, et dans laquelle on arrive avec les arguments qui sont les nôtres (c’est le même compteur avec juste un module de communication et avec des capacités en terme d’enregistrement de données) qui nous permettront […] en tout cas d’éteindre ce début d’incendie.”, selon le cadre d’Enedis
Pour résumer, Enedis évite de communiquer de façon nationale mais préfère plutôt directement répondre aux communes qui ne comprennent pas l’intérêt d’un tel changement. Cette stratégie de communication peut s’expliquer par la manière dont se déploient les compteurs en France. En effet, les compteurs Linky sont installés progressivement, zone par zone:
“On a un avantage, c’est que le déploiement du Linky n’est pas un national-one shot, c’est un déploiement qui est dit en tâches de léopard, c’est-à-dire on prend une zone et puis on sature la zone et après on passe sur une autre zone et on sature la zone. Parce qu’on ne peut pas tout faire en même temps, 35 millions c’est beaucoup.” selon le cadre d’Enedis
Et ce type de déploiement est considéré comme bénéfique dans la mesure où, avec un déploiement national, instantané, Enedis n’aurait peut-être pas su faire face à une opposition nationale. Et l’on retrouve ici le principe même d’une controverse : l’opposition est au départ moins puissante que l’entreprise, elle cherche alors à faire entendre sa voix en se regroupant avec les autres groupes d’opposition. Et donc ici, Enedis profite du déploiement en tâche de léopard pour cibler ses réponses face à ceux qui doutent du projet.
En définitive, Enedis a dû modifier sa communication pour que chacune des communes comprennent la volonté de l’entreprise. Cependant, en plein déploiement des compteurs, la controverse n’est pas prête de s’arrêter comme en témoigne l’arrivée de plus en plus massive des médias avec des émissions radios entièrement dédiées à Linky ( « Le téléphone sonne » sur France Inter ) et même des reportages en prime-time ( Envoyé Spécial).