Souvent réputées comme infaillibles, les mathématiques ont fait leurs preuves dans de nombreux domaines de la physique. À l’époque, la modélisation financière s’est basée sur des théories de la physique moderne.
En voici un exemple :
Le mouvement brownien utilisé par Louis Bachelier pour décrire la dynamique des cours de la Bourse a d’abord été inventé par le botaniste Robert Brown pendant la première moitié du XIXème siècle pour décrire les trajectoires aléatoires de particules dans un fluide. Le mouvement brownien a également été utilisé par le physicien Albert Einstein au début du XXème siècle pour décrire une particule qui diffuse : des molécules en agitation thermique transmettent des impulsions aux particules, ce qui engendre leur mouvement aléatoire.
Néanmoins, les mathématiques traditionnelles qui ont été développées souvent pour les besoins de la physique ne sont pas nécessairement aussi pertinents par ailleurs. Les modèles actuels sont aussi remis en cause pour ces raisons :
« Devant les succès de la mécanique statistique [et de la mécanique quantique, qui sont] une très belle construction intellectuelle, […] il y a de très grands noms qui [s’y] attachent à juste titre […]. Et donc l’idée qu’on continue dans cette voie-là était naturelle […] mais c’était naïf. » Michel Fliess
Pensez pouvoir modéliser l’économie par des modèles purement mathématiques relève, selon certains chercheurs, d’une faute épistémologique, car d’une part, l’économie et la physique ou les mathématiques ne sont pas des sciences comparables. En effet, d’après Ibrahim Warde, les modèles mathématiques utilisés en finance présentent des incohérences. Il est impossible de dégager des lois générales en économie comme on peut le faire en physique [WAR] : un modèle en physique reproduit des évènements dont l’expérience donne toujours le même résultat, ce qui est loin d’être le cas en économie. Un modèle en physique a une vocation descriptive : il décrit la réalité et n’intervient pas dans l’expérience. En finance, le sociologue Donald MacKenzie a mis en évidence un phénomène de performativité des modèles mathématiques en étudiant la formule de Black-Scholes : un modèle créé la réalité quand il est utilisé.
« [The] option pricingtheory has been performative. Ratherthan simply describing a pre-existing empiricalstate of affairs, it altered the world, in general in a way that made itself more true. » Donald MacKenzie [MCK]
D’autre part, l’économie repose sur de nombreux phénomènes impossibles à modéliser, car elle se rapproche beaucoup des activités humaines. C’est notamment le cas des comportements humains, qui peuvent être parfois irrationnels.
L’économie et la finance sont ainsi bien plus vastes que la mathématique financière. Nous reviendrons plus en détail sur ces deux points :
- En quoi le modèle performe-t-il la réalité ?
- Les acteurs agissent-ils toujours de manière rationnelle ?