James-Bernard Murat est un viticulteur bordelais décédé le 8 décembre 2012 à la suite d’un cancer broncho-pulmonaire contracté en 2010. Un an auparavant, en février 2011, cette maladie avait été reconnue comme maladie professionnelle. En effet, l’agriculteur a, pendant des années, utilisé de l’arsénite de sodium sur ses terres. Les viticulteurs ont recourt à ce produit afin de prévenir la déclaration de l’esca, maladie à laquelle sont sujets les pieds de vigne. Son utilisation est interdite en France depuis 1971 pour les cultures autres que les cultures viticoles. En effet, ce composé chimique est recensé parmi les composés les plus cancérogènes par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC). Néanmoins, son utilisation pour le traitement des vignes a étonnement perduré jusqu’en novembre 2001, date à partir de laquelle celle-ci a été interdite.
Des zones d’ombre subsistent dans cette affaire. En effet, il est indiqué sur le site de Générations Futures, une association de victimes au travers de laquelle Valérie Murat a débuté sa démarche (plainte contre X, voir plus loin), que le viticulteur a utilisé des produits contenant de l’arsénite de sodium « sans jamais être alerté de la toxicité de ces produits pour la santé». Cela semble paradoxal avec le point développé précédemment, puisque le caractère cancérogène du produit était déjà établi trente ans plus tôt. Le viticulteur connaissait-il la composition du produit qu’il épandait sur ses terres ou bien y avait-il un manque de transparence de la part des entreprises phytosanitaires ? Par ailleurs, ce dernier respectait-il toutes les mesures de sécurité relatives à l’utilisation de l’arsénite de sodium ? On comprend bien que la démarche ayant abouti à la caractérisation du cancer de l’agriculteur n’a pas été simple au regard des incertitudes mises en jeu.
Le 27 avril 2015, Valérie Murat, la fille du viticulteur décédé, a déposé une plainte contre X pour homicide involontaire. Cette plainte est une première dans notre pays et vise à dégager des responsabilités vis-à-vis de la mort de son père. Doit-on imputer la mort de James-Bernard Murat à l’entreprise ayant commercialisé le produit nocif ? A l’État, qui a autorisé cette commercialisation en ayant pris en considération les risques encourus par les agriculteurs ? Ou bien à l’agriculteur, dans le cas d’une utilisation pas assez précautionneuse ? Selon elle, une omerta règne sur la question des pesticides dans le milieu agricole. Elle voit donc sa démarche comme une incitation, pour les autres victimes, à se révéler au grand jour dans le cas où elles auraient subi des dommages similaires.