Les entreprises de l’industrie phytosanitaire sont représentées en France par une organisation les représentant et jouant le rôle de porte-parole : l’UIPP, ou Union des Industries de la Protection des Plantes. Une telle organisation existe également au niveau européen, il s’agit de l’ECPA (European Crop Protection Association), à laquelle l’UIPP adhère. Les entreprises phytosanitaires agissent souvent conjointement derrière l’UIPP ou l’ECPA auprès des agriculteurs au sujet des risques liés aux pesticides.
Le risque lié à l’utilisation de pesticides
Selon Jean-Charles Bocquet, ancien directeur de l’UIPP qui tient aujourd’hui les rênes de l’ECPA et que nous avons pu rencontrer, la mesure du risque lié à l’utilisation des pesticides pour les entreprises phytosanitaires répond à une équation schématique :
risque = danger * exposition
C’est sur cette base que les entreprises phytosanitaires se fondent pour développer des solutions afin de réduire les risques liés à l’utilisation des pesticides.
Selon Jean-Charles Bocquet toujours, la diminution du risque se fait en agissant sur les deux paramètres de l’équation : le danger et l’exposition.
La limitation du danger consiste à modifier directement le produit en changeant sa formule. Si l’industrie se targue d’avoir beaucoup travaillé sur cet aspect en 65 ans, les associations de victimes et des journalistes, comme Elise Lucet dans son reportage « Cash Investigation » (Elise Lucet. Cash Investigation. 02 février 2016. France 2.), soutiennent que l’évolution de la réglementation a contraint les industriels à revoir les formules commercialisées.
La limitation de l’exposition consiste à protéger physiquement l’agriculteur du produit. C’est sur cet aspect que les industriels de l’agrochimie agissent le plus. Les industries phytosanitaires organisent des campagnes de sensibilisation et des formations auprès des agriculteurs à cet effet. Les industriels justifient la priorité d’une telle approche par rapport à un retrait radical du produit incriminé, par le fait que si des pesticides sont commercialisés, c’est que les autorités compétentes n’autorisent que des produits qui présentent des risques maîtrisables.
Les actions menées par les représentants des entreprises phytosanitaires
L’activité des organismes représentant les entreprises phytosanitaires, comme l’ECPA, se décompose en trois branches :
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L’activité réglementaire : le secteur des pesticides étant très réglementé, l’activité réglementaire consiste à anticiper et à influencer la réglementation « pour qu’elle aille dans un sens plus pragmatique, équilibré, qui permette de concilier la sécurité des consommateurs, des agriculteurs et le respect de l’environnement » explique Jean-Charles Bocquet.
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Le stewardship : C’est le suivi des produits et de leur utilisation. C’est dans ce cadre que s’insère les programmes « Safe Use Initiaive » et « Container Management System », dont on donne une description afin d’illustrer le principe du stewardship :
Le « Safe Use Initiative » consiste à mener des enquêtes auprès des agriculteurs travaillant dans des cultures où le risque d’exposition aux pesticides est élevé, pour dégager des améliorations possibles de l’utilisation des pesticides. L’ECPA, parfois en partenariat avec les autorités, dispense ensuite des formations auprès des agriculteurs. Celles-ci concernent le stockage des produits à la ferme, la préparation du pulvérisateur pour traiter dans le champ, son rincage… Il s’agit de la phase de mise en œuvre du produit.
Le « Container Management System » est un système de collecte, de récupération des emballages vides de pesticides.
Jean Charles Bocquet affirme que « toutes ces mesures de sécurité, ces bonnes pratiques ont un seul objectif : diminuer l’exposition des opérateurs »
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L’advocacy ou le lobbying : il s’agit d’actions de communications menées auprès des pouvoirs politiques et du grand public pour défendre une thèse et faire valoir une idée. Sur le sujet de la santé et des pesticides, l’ECPA a lancé des initiatives telles que « hungry for change » et « with or without », des campagnes de sensibilisations afin de favoriser l’acceptation sociale des pesticides.
Selon Jean Charles Bocquet, l’enjeu de ces initiatives est de mettre en avant une démarche de progrès en matière de réduction de l’utilisation des pesticides :
« Face au constat qu’il existe aujourd’hui un fossé entre la perception du grand public par rapport aux pesticides, qui est une perception plutôt négative, et ce que nous faisons réellement, en pratique, soit au niveau de l’industrie, soit au niveau des agriculteurs, soit au niveau justement des autorités chargées de la réglementation, d’accélérer les démarches pratiques pour montrer qu’on fait tout pour diminuer l’impact des pesticides : sur l’eau, sur la biodiversité, sur la santé principalement des agriculteurs et tous ceux qui sont dans les champs, parce que c’est là que l’exposition potentielle est la plus élevée et quatrième volet, produire une alimentation abordable d’un point de vue économique »
Cette activité a une connotation négative auprès de l’opinion publique, qui associe la notion de lobbying à celle de pression exercée par un groupe influent sur des personnalités politiques afin d’aboutir à des décisions en sa faveur. Toutefois, selon Jean-Charles Bocquet, les lobbies en France ne sont pas l’UIPP ou les entreprises phytosanitaires, mais les ONG :
« En France , les plus fort en matière de lobbying, ce sont les ONG, comme France Nature Environnement, Générations Futures »
Les entreprises phytosanitaires, en plus de commercialiser des semences, des produits chimiques et des produits de biocontrôle, proposent des outils d’aide à la décision. Ils sont des moyens de diagnostiquer une maladie en incubation, afin de permettre à l’agriculteur de traiter ses cultures au bon moment, où les pesticides sont les plus efficaces, et de réduire par la sorte le nombre d’épandages. Ces prestations, bien que payantes, permettent également de limiter l’exposition des agriculteurs aux pesticides.
Selon Jean-Charles Bocquet toujours, les entreprises phytosanitaires n’ont pas communiqué sur cette démarche auprès du grand public, ce qui a contribué à l’image de vendeurs de seuls pesticides chimiques que se fait d’elles l’opinion publique.
Dans ce débat autour des produits phytosanitaires, lorsque l’on compare la taille des pro et anti-pesticides, on peut se demander si ces derniers ne sont pas étouffés par les premiers ; quelle est l’importance du poids des lobbys, en particulier aux niveaux politique et législatif ?