Lors d’un entretien que nous avons réalisé avec Maître LAFFORGUE, avocat de Phyto-Victimes, ce dernier nous a confié que le système actuel présentait quelques limites. Selon lui, le système de reconnaissance d’une maladie professionnelle est plutôt efficace lorsque cette dernière figure dans le tableau des maladies professionnelles présent dans la législation. En revanche, dès que l’on en sort, c’est-à-dire dès que l’on entre dans le système complémentaire, les démarches deviennent plus difficiles. Il faut alors passer par les comités de reconnaissance des maladies professionnelles avec lesquels les démarches sont longues et incertaines. Toujours selon François LAFFORGUE, les médecins rassemblés dans ces comités n’ont pas toujours les compétences nécessaires afin de rendre une expertise claire et irréfutable. Ils suivraient la logique inadaptée à la situation, à savoir » A chaque cause correspond un seul et unique effet ». Or cette façon de raisonner ne peut être retenue, compte tenu de l’existence d’effets cumulés. Ces derniers ne sont pas encore pris en compte pas la réglementation, tout comme les risques liés aux faibles doses. Actuellement, la réglementation se base sur des doses d’exposition seuil. Etant donné que les effets des pesticides sur la santé ne sont pas linaires, la pertinence de ces doses seuils est remise en cause.
La législation actuelle ne prend pas en compte les effets cumulés. Toutes les études menées par les industriels en amont de la commercialisation d’un produit sont effectuées sur le principe actif du pesticide et non sur le pesticide lui-même. Les adjuvants, parfois bien plus toxiques que le principe actif lui-même, ne sont absolument pas pris en compte. A cela s’ajoute un cruel manque de transparence de la part de l’industrie. A l’heure actuelle, les compositions et les dosages des pesticides sont des données confidentielles auxquelles très peu d’experts ont accès. Selon un chercheur du CRIIGEN, la transparence de l’industrie serait la solution au débat actuel sur la question de la dangerosité des pesticides. Elle permettrait notamment la réalisation d’études scientifiques menées par des organismes indépendants auxquels on pourrait accorder davantage de crédit. A cela s’ajoute de nombreux conflits d’intérêts. Selon le chercheur du CRIIGEN, de nombreux comités sollicités dans le processus d’homologation d’un produit sont acquis à la cause des industriels ce qui fausse considérablement les décisions.
Selon François Lafforgue, un renversement de la preuve doit s’effectuer. Actuellement, c’est aux victimes de prouver la dangerosité des produits qu’ils utilisent alors que ce devrait être aux industrielles de prouver l’innocuité des produits qu’ils souhaitent commercialiser.