Les sceptiques

Ils considèrent que la tendance actuelle est d’utiliser Lyme comme justification de nombreux maux que l’on ne comprend pas forcément: ils sont donc sceptiques vis à vis de l’importance donnée par leurs opposants (les pro-Lyme) à cette maladie. Pour la plupart, ils ne rejettent pas les normes officielles imposées par l’État; nombre d’entre eux ont d’ailleurs participé à l’écriture de ces normes.

Selon eux, les tests sérologiques tels qu’ELISA  ne sont pas à remettre en cause : c’est l’utilisation qui en est faite qu’il faut revoir. Ils estiment généralement qu’un traitement antibiotique de trois semaines maximum est suffisant pour éradiquer les bactéries causant la maladie lorsque celle-ci est détectée à temps. Ils acceptent cependant les propositions d’innovations dans ce domaine, à condition que leurs effets soient documentés et prouvés de manière indiscutable.

Ils distinguent plusieurs forment de la maladie : primaire, secondaire et tertiaire. La première correspond à la maladie lorsqu’elle est détectée tout de suite (souvent par la présence d’un érythème migrant ).

La seconde forme est celle pour laquelle Lyme a été diagnostiquée un peu plus tardivement mais est toujours soignable avec un traitement antibiotique plus long. La dernière pose plus de questions. La communauté des pro-Lyme parle de forme chronique de la maladie là où les sceptiques réfutent catégoriquement cette appellation. Selon eux, une forme plus aiguë de la maladie existe bien et doit être étudiée. Elle reste cependant rare et correspondrait à des séquelles encore mal comprises, où à d’autres maladies encore peu étudiées. Le terme de chronique ne peut alors pas être employé. Selon une définition de l’HCSP, la chronicité est avérée si le pathogène est présent dans le corps après un temps long suite à une contamination. Or, il n’a jusqu’ici pas été trouvé de cas tertiaire où la présence de l’organisme pathogène est avérée.

S’ils ne sont pas en mesure de donner un traitement précis, ils ne veulent pas d’un traitement antibiotique à long terme. Ce dernier peut mener à une augmentation de la résistance des bactéries. Certains médecins encouragent par ailleurs à prendre en compte une possible réponse psychologique du patient à des symptômes qu’il n’arrive pas à expliquer. D’autres insistent sur la possibilité de co-infections. Ils diagnostiquent généralement d’autres maladies que Lyme ce qui leur vaut de nombreuses critiques de la part de patients qui ne se sentent pas écoutés.

Benoît Jaulhac [30]

A première vue, ce groupe semble mal identifié car il est moins présent sur la scène médiatique que les pro-Lyme. Pourtant, certains d’entre eux lèvent la voix pour faire part de leur opposition à leur discours. C’est le cas de Benoît Jaulhac avec qui nous avons pu nous entretenir. Professeur responsable du Laboratoire de Bactériologie et du Centre National de Référence des Borrélias du CHU de Strasbourg, il incarne ce qu’on pourrait appeler la « ligne officielle ». Il travaille notamment sur l’étude des borrélioses et encourage la mise en place de nouvelles recherches sur Lyme. Durant notre interview, il nous a assuré ne pas renier l’existence d’une forme plus sévère de la maladie mais refuser le terme chronique. Il estime que les recherches doivent se tourner vers des tests basés sur la reconnaissance directe de la bactérie. Il défend aussi une recherche approfondie autour des bactéries transmises par les tiques, sujet sur lequel il travaille aujourd’hui. Cela est nécessaire pour comprendre le phénomène de co-infection et délimiter précisément ce qui est dû à la maladie de Lyme et ce qui ne l’est pas. S’il ne réfute pas les maux des patients, il considère que Lyme ne peut être l’unique source des douleurs et rappelle que la solution peut être ailleurs (sclérose en plaque ou psychologique par exemple).

Aux côtés du Docteur François Bricaire, chef du service Maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital la Pitié-Salpêtrière de Paris, et du Professeur Daniel Christmann, attaché au service de Maladies Infectieuses du CHU de Strasbourg, il combat les polémiques naissantes et s’oppose fortement à toute forme d’auto diagnostic. Tous ces médecins pensent que ces polémiques sont néfastes pour la recherche sur Lyme et trouvent que la peur qu’elle génère auprès des associations de patients est excessive. Ces médecins subissent des attaques virulentes de la part des associations de patients, notamment Lyme sans Frontière, suite à leurs propos.

Daniel Christmann [32]
François Bricaire [31]