Des formes qui font consensus
La maladie de Lyme se manifeste à travers de nombreux symptômes étalés au cours du temps. Il y a consensus sur le fait que les Borrélies puissent entraîner des troubles musculaires, neurologiques et articulaires quelques semaines après l’inoculation des bactéries. On parle alors de stades primaire (Erythème migrant) et secondaire. Ces symptômes étant d’origine bactérienne, une cure d’antibiotiques d’un à deux mois en vient la plupart du temps à bout.
Une forme tertiaire ou chronique incomprise
C’est un des nœuds principaux de la controverse. En effet, les associations de malades s’accordent avec la ligne officielle, concernant les deux premières formes, les débats renaîssent à propos d’une troisième forme « chronique ». Ses symptômes se rapprochent de ceux des premières formes (une très grande fatigue, des douleurs articulaires aiguës) mais s’étalent sur plusieurs années. Par ailleurs, cette forme préferentiellement dite « tertiaire » par les sceptiques, pourrait rester imperceptible de nombreuses années après la piqûre, et ne se développer et s’affirmer que de nombreuses années plus tard, consécutivement à un traumatisme quelconque. De plus, les traitements classiques (antibiotiques sur court terme) ne sont pas toujours efficaces, ou ne le sont que quelques jours : cette forme est ainsi bien plus handicapante que les deux formes classiques. Enfin, les tests sérologiques (ELISA et Western Blot) sont souvent négatifs pour les porteurs de cette affection.
Il reste donc à déterminer pourquooi le patient souffre, si la cause de la maladie n’est pas une Borrélie, ou si les tests échouent à ce niveau, ou encore s’il s’agit de séquelles d’une Borreliose soignée. Des sequelles temporaires, ou non, pourraient expliquer des symptômes durables, même en l’abscence de bactéries.
Une forme peu prise en compte
Cette forme de la maladie n’est pas bien reconnue en France. Entre autres, elle ne possède pas le statut d’affection de longue durée permettant de toucher des indemnités d’invalidité, alors qu’elle est clairement invalidante. De plus, la plupart des médecins se refusent à prescrire des longues cures d’antibiotiques (pour plusieurs mois voire des années). En effet, une surconsommation d’antibiotiques fait baisser leur efficacité, au niveau du patient directement, mais aussi et surtout collectivement. Les bactéries développent petit à petit des résistances vis-à-vis des antibiotiques en cas de contact prolongé, et l’on risque d’annihiler leurs effets, qui pourtant fonctionnent déjà aux premiers stades de la maladie. Un des principaux combats des associations est donc de faire reconnaître cette forme qu’elle nomme chronique, et de nier la guérison automatique et totale de la maladie de Lyme suite à une prise d’antibiotique. Il arrive même que ces malades soient diagnostiqués comme étant victimes de troubles psychosomatiques, et soient ainsi orientés vers des structures psychiatriques inadaptées.
La grande question est de savoir comment les soulager. En effet, ils doivent être traités pour ce qu’ils ont mais Lyme ne doit pas devenir une conclusion hâtive.
L’errance médicale
Les malades souffrant des symptômes de cette troisième forme ne sont pas forcément pris en charge à la hauteur de leurs souffrances et espérances. Aussi, nombre d’entre eux n’hésitent pas à parcourir la France et même l’Europe pour trouver des médecins qui les comprennent, et essaient de s’attaquer à une maladie bactériologique plutôt que psychologique. C’est notamment le cas lorsque les tests sérologiques (Elisa) sont négatifs : il est alors très compliqué d’avoir accès à des traitements antibiotiques. Certains médecins ont outrepassé les règles en prescrivant tout de même des antibiotiques, tandis que des laboratoires de tests ont dérogé aux normes prescrites sur ces tests, ce qui a été suivi de plusieurs procès médiatisés. Cet état d’errance médicale, dont on trouve de nombreuses traces sur des forums internet, pousse certains patients à dépenser des sommes importantes dans des tests effectués à l’étranger, ou dans des traitements à l’efficacité discutée.
La position des partisans de l’evidence-based medicine
Vis à vis de cette forme chronique, la position du professeur Benoît Jaulhac, avec qui nous nous sommes entretenus, est très nuancée. D’ailleurs, ils parlent plutôt de forme tertiaire de la maladie. Tout d’abord, le professeur ne nie absolument pas les souffrances de ces personnes : ce sont à ses yeux des personnes gravement malades. Les patients souffrent bien de quelque chose. Toutefois, il milite pour que la maladie de Lyme ne devienne pas un grand « sac fourre-tout » : cette forme tertiaire n’a pas encore de liens établis avec les bactéries borrélies, et ces formes chroniques sont extrêmement diverses. Il est donc mauvais selon lui de regrouper mécaniquement des maladies probablement diverses, en tout cas incomprises, sous le terme de maladie de Lyme, et d’ainsi appliquer des traitements potentiellement inadaptés (pas plus efficace que les placebos selon certaines études). Il faudrait donc prendre en compte ces malades, essayer de les soigner, mais en effectuant de la recherche assez générale quant aux causes de leurs douleurs.
Il est possible que ces affections soient en lien avec les tiques, ou corrélées à une maladie de Lyme, mais qu’elles soient liées à d’autres bactéries, ou même à des virus ou à d’autres mécanismes pathogènes n’est pas à exclure. Tout le rôle de la recherche est de mettre en avant un lien clair et prouvé entre des causes et des troubles, et entre des remèdes et des améliorations.