A l’origine d’une accusation de « biopiraterie » se trouve généralement un dépôt de brevet. Ici, c’est l’obtention par l’IRD d’un brevet sur la molécule antipaludique Simalikalactone E (SkE) issue du Quassia Amara qui a déclenché l’opposition de France Libertés.
La plupart des détracteurs de la « biopiraterie » s’entendent pour dire que la biopiraterie est une appropriation illégitime du vivant et que cette appropriation est permise notamment par un instrument juridique : les brevets. En effet, c’est en déposant un brevet que les chercheurs ou entreprises peuvent obtenir un monopole d’exploitation sur certaines molécules issues de plantes souvent déjà utilisées par les populations autochtones. Un brevet est un titre de propriété industrielle qui confère à son titulaire un monopole d’exploitation sur l’objet du du brevet en question, à partir d’une certaine date et pour une durée limitée (20 ans en général, 25 ans maximum).
Brevet sur la molécule SkE de l’IRD auprès de l’INPI, SOURCE : INPI
La définition de la biopiraterie donnée par Pat Roy Mooney, l’inventeur du terme, met en évidence l’importance des brevets dans le processus d’appropriation des savoirs :
The appropriation of the knowledge and genetic resources of farming and indigenous communities by individuals or institutions seeking exclusive monopoly control (usually patents or plant breeders’ rights) over thèse resources and knowledge.
La Coalition contre la biopiraterie (groupe informel composé d’ONG et emmené par ETC Group qui s’est formé en 1995 à l’occasion de la Conférence des Parties de Jakarta) renforce ce point de vue en définissant la biopiraterie comme
L’appropriation – en général par des droits de propriété intellectuelle – de ressources génétiques, de connaissances et de cultures traditionnelles appartenant à des Peuples ou des communautés paysannes qui ont développé et amélioré ces ressources. La biopiraterie inclut la bioprospection, les brevets sur le vivant (gènes et molécules) et la commercialisation des connaissances culturelles.
La définition de la « biopiraterie » donnée par le l’association France Libertés, confirme le rôle prépondérant des brevets dans le processus d’appropriation des savoirs tel qu’il est dénoncé par les ONG et plus généralement les détracteurs de la biopiraterie. Sur son site internet, l’association France liberté s’exprime en ces termes :
La biopiraterie, c’est la privatisation du vivant et des savoirs traditionnels sur la biodiversité, notamment par le biais de brevets. Elle désigne l’appropriation illégitime des connaissances traditionnelles des peuples autochtones sur l’usage des ressources génétiques, sans leur consentement et sans partage des bénéfices liés à la valorisation des ressources.
Cependant, certains détracteurs de la biopiraterie, à l’image de Thomas Burelli, professeur de droit spécialisé dans la propriété intellectuelle et les droits des peuples autochtones, préfèrent une définition plus large de la biopiraterie qui ne passe pas forcément par le déport d’un brevet. Ce professeur de droit a affirmé lors de l’entretien que nous avons réalisé :
Certains auteurs à l’image de Vandana Shiva (qui a grandement contribué à faire connaître la problématique de la biopiraterie) insistent beaucoup sur l’usage de la propriété industrielle et des brevets comme pratique de biopiraterie. Il s’agit en effet des pratiques de biopiraterie les plus abouties en ce qui concerne l’utilisation abusive des ressources de la biodiversité et des savoirs traditionnels associés. Ma définition de la biopiraterie est plus large et comprend toute utilisation non autorisée des savoirs ou des ressources biologiques détenus par les communautés autochtones et locales. Par exemple, le fait de publier des savoirs traditionnels sans l’accord des peuples autochtones qui les ont développés, même s’il n’y a pas de dépôt de brevet, constitue d’après moi un acte de biopiraterie.
Au vu de ces éléments, et même si certains préfèrent une définition plus large de la biopiraterie, un consensus semble émerger au sein de ses détracteurs : la biopiraterie est une appropriation illégitime des savoirs ancestraux des peuples autochtones et cette appropriation est permise notamment par les brevets qui constituent à ce titre l’instrument indispensable de la biopiraterie et de fait, un élément incontournable de sa définition.
Processus de biopiraterie selon la majorité des détracteur, SOURCE : Groupe de controverses.
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