Le débat sur la protection des données

« il n’y a pas vraiment d’inquiétude à avoir.” d’après enedis

 

Le débat autour de la protection des données personnelles est l’un des points clés de la controverse Linky. De nombreuses questions se posent : Quelles données Linky recueille-t-il vraiment ? Seront-elles vendues ? Sont-elles bien protégées d’un éventuel piratage ? Quel est leur niveau de précision ?

Le compteur Linky enregistre la courbe de charge (l’évolution de la puissance électrique consommée en fonction du temps) avec un pas défini au préalable. Ce pas de relevé peut varier en fonction du contrat avec le fournisseur. Par défaut, le pas de cette courbe de charge est de 30 minutes, cependant, il peut descendre jusqu’à 10 minutes lorsque le contrat nécessite un relevé plus précis.

 

Voilà à quoi ressemblera la courbe de charge relevée par votre compteur. On comprend bien pourquoi plus le pas est petit, plus on peut avoir une idée précise sur les différents appareils électroménagers qui se trouvent à la maison. Le cadre d’Enedis que nous avons interviewé nous a dit qu’Enedis avait fait plusieurs tests afin de voir de voir quel type d’informations on pouvait réellement obtenir à partir de courbe de charge. Ils ont donné à des ingénieurs des courbes de charges en leur demandant d’en extraire toutes les informations possibles. Le nombre d’informations récoltées sur la quantité d’appareils électroménagers des foyers en question était, d’après lui, assez limité. En revanche, des informations telles que l’heure approximative de lever/coucher, la présence de ballons d’eau chaude étaient accessibles. Mais combiner ces informations avec d’autres données (surface du logement, nombre de personnes vivant dedans…) permet un profilage bien plus précis. Il est ainsi important de protéger ces données et de limiter leur valeur.

Ainsi, dans son Pack de conformité, la CNIL recommande de prendre pour pas de relevé 1h afin de limiter le plus possible les informations accessibles à partir de la courbe de charge. Les informations doivent être également anonymisées afin d’éviter toute dérive.

« Les compteurs communicants nécessitent une vigilance particulière pour protéger la vie privée des personnes concernées. En effet, ces équipements sont notamment en mesure de collecter la courbe de charge, dont l’analyse approfondie peut permettre de déduire un grand nombre d’informations sur les habitudes de vie des personnes concernées. (heures de lever et de coucher, périodes d’absence, nombre de personnes présentes dans le logement, etc.) » -note du CNil (2014)

 

Certaines sources parlent de caméras, de micros implantés dans le compteur Linky, il n’en est rien. D’autres articles disent que Linky peut connaître avec précision les appareils électroménagers en analysant les “empreintes” que ces derniers laissent lors de leur utilisation. Cette technologie est envisageable mais demande des appareils de très haute précision, ce qui n’est, d’après le cadre d’Enedis que nous avons interviewé, pas envisageable à cette échelle car le coût serait vraiment astronomique, sans parler de la dangerosité d’une telle technologie à grande échelle qui fait que la CNIL n’aurait jamais laisser passer une telle intrusion dans la vie privée des consommateurs.

Maintenant que nous avons bien déterminé quelles données sont en jeu, voyons comment Enedis défend son dispositif de sécurité autour de ces données.

Nous avons interrogé le cadre d’Enedis sur les choix de R&D faits lors de la conception du projet Linky. Il nous a indiqué qu’Enedis a choisi de transmettre les données d’abord par CPL puis par réseau téléphonique. Le choix de la transmission CPL entre le compteur et le concentrateur a été fait tout simplement parce qu’Enedis possède déjà un réseau électrique adapté à cette technologie. De plus Enedis insiste sur la sécurité de ce moyen de transmission. Pour eux, il est plus difficile d’intercepter un message circulant dans des câbles électriques qu’un message circulant par ondes radio par exemple.

Pour rendre l’interception de données encore plus difficile, Enedis dit crypter les données des utilisateurs dans le compteur Linky. Une fois les données arrivées au concentrateur, elles sont transmises par GPRS  au centre d’Enedis (autrement dit par réseau téléphonique).

Pour ce qui est de la sécurité des grands centres de collecte de données, voilà ce que nous a affirmé un ingénieur qui a travaillé sur le projet :

 

“Ces grandes bases de données sont pour le coup très largement sécurisées : c’est sur le réseau interne de l’entreprise qui n’est pas ouvert. C’est la même infrastructure qui est utilisée par les centrales nucléaires pour fixer un peu les idées. Donc d’un point de vue sécurisation des data sur la chaîne de communication, il n’y a pas vraiment d’inquiétudes à avoir.”

 

Ce dernier point reste bien sûr discutable : à partir du moment où il y a communication, il y a bien sûr un risque non nul de piratage des données. Le tout étant de rendre cela suffisamment fastidieux pour décourager un “hacker” de voler ces données.

Enedis justifie également son dispositif en parlant de l’aspect anonyme des courbes de charges, en effet, seul le numéro du compteur est transmis à chaque envoi. Un fichier, à priori sécurisé, associe à chaque compteur les coordonnées de la personne qui sera facturée par le fournisseur. Si ces données sont anonymes, protégées et suffisamment peu précises comme le préconise la CNIL, elles ne sont, à priori, pas intéressantes pour un hacker.

Cependant, ce qui ressort le plus de l’analyse de la contestation autour du projet Linky, ce n’est pas tant la peur d’un possible hack, que le fait qu’Enedis pourrait vendre des données de ses utilisateurs à divers groupes. Pour cela la nouvelle RéGlementation européenne sur la Protection des Données (RGPD) impose de demander le consentement “explicite” et “positif” de l’utilisateur avant tout partage de ses données. Cependant il est possible qu’il y ait dans le futur un malentendu, en effet le client pourrait avoir l’impression de signer un document donnant l’autorisation à Enedis de transmettre ses données au fournisseur d’énergie, alors qu’il s’agit bien d’un document autorisant Enedis à faire commerce de ses données. Il est donc bien important d’encadrer Enedis dans cette démarche, pour être sûr qu’il n’y ait aucun commerce de données sans consentement explicite : c’est le rôle de la CNIL.

Sur la question de la vente des données, Enedis ne s’interdit pas de communiquer des données à des collectivités territoriales et à des start-up partenaires d’Enedis. C’est ce qu’a reconnu Bernard Lassus dans son interview donnée à France Inter. Il est pour l’instant impossible de savoir exactement si oui ou non, Enedis vendra des données. Ce sujet reste encore sensible et les paroles au sein d’Enedis même divergent. Tantôt Bernard Lassus affirme qu’il n’y aura pas de vente de données, tantôt il affirme qu’Enedis envisage des partages de données avec divers acteurs de l’énergie. Dans tous les cas, si Enedis ne vend pas ces données, certains fournisseurs privés disposant des données de leur clients transmises par Enedis pourraient le faire en demandant l’accord préalable aux consommateurs.

Cette discussion sur la possible vente de données par Enedis pose une vraie question sur la nature première d’Enedis qui est une entreprise à capitaux publics, chargée de service public et qui donc, pour certains, ne devrait pas faire de l’argent autrement que dans l’accomplissement de sa mission de service public : faire la passerelle entre les fournisseurs d’électricité et les clients. Nous y reviendrons plus tard.  

Le débat sanitaire

Tout d’abord au sein de la famille des ondes électromagnétiques, il existe plusieurs types d’ondes, classées en fonction de leur fréquence.

 

Le compteur Linky émet des rayonnements non-ionisants basse-fréquence voire très basse fréquence. L’INRS (Institut National de Recherche et Sécurité) a publié une étude sur les effets des rayonnements non-ionisants sur l’homme. Dans cette publication, la dangerosité de ces ondes n’est pas niée (ces ondes sont classées cancérogènes possibles catégorie 2B), mais elle est liée à l’intensité du rayonnement reçu. Cela correspond bien aux arguments avancés par Enedis. Des études ont donc été réalisées pour mesurer l’intensité du rayonnement électromagnétique induit par l’émission de signaux CPL par le compteur jusqu’au concentrateur CPL.

L’ANFR (Agence Nationale de FRéquence) a effectué des mesures en laboratoire et sur le terrain (dans diverses régions de France). Dans une publication grand public, l’ANFR énonce sa conclusion sur la faible émission du compteur Linky, et donc un impact négligeable sur la santé. En effet elle a mesuré une intensité de 0.1 V/m à 50 cm du compteur contre 2.8 V/M pour une box internet ou 4 V/m pour un téléphone portable. Cette étude vient contredire les arguments avancés par certains opposants au projet sur le fait que le CPL ne s’arrêterait pas au simple compteur Linky mais se propagerait dans tous les câbles électriques de l’habitation.

Cependant pour les personnes se déclarant éléctro-hypersensibles, une émission supplémentaire, aussi faible soit-elle, n’est pas négligeable. Il est donc important d’étudier de plus près l’hypersensibilité aux ondes électromagnétiques. L’INSR ne nie pas que l’hypersensibilité aux Ondes Electro-Magnétiques peut exister.

 

“La perception d’un risque peut elle-même induire des effets non directement liés à la cause. Cela peut notamment être le cas pour les femmes enceintes, c’est pourquoi il est parfois préconisé de soustraire ces personnes à ce type d’exposition si elles sont inquiètes”, position de l’INSR sur l’hypersensibilité.

 

Pour pallier ce genre de situation, Enedis a mis en place un service de réclamations pouvant mener à une médiation qui vise à reporter l’installation du compteur ou à l’installer plus loin de certaines maisons. C’est tout du moins ce qu’affirme Bernard Lassus, directeur du projet Linky dans une interview au “Téléphone Sonne” de Radio France.

Il est cependant évident que la procédure pour refuser l’installation du compteur Linky sans devoir payer le relevé de compteur après 2020 reste compliquée et qu’Enedis aurait tout intérêt à simplifier cette procédure pour que le compteur soit plus attrayant.

En ce qui concerne les incidents électriques survenus ces derniers temps, Enedis se défend en invoquant deux choses. Tout d’abord le fait que des accidents de la sorte existaient bien avant l’installation des compteurs Linky et que sur un projet d’une si grande ampleur, la survenue d’accidents lors de la pose est statistiquement inévitable.

Développons le premier point; il est vrai que 30% des incendies domestiques sont d’origine électrique et la plupart du temps dus à une mauvaise utilisation des appareils électroménagers (pour plus d’information). Cependant cela ne veut pas dire que certains incendies se sont déclarés par défaillance du compteur Linky. Au sujet de ce type d’accident, Enedis préfère jouer la carte de la mauvaise installation pour éviter à tout prix l’idée d’un dysfonctionnement de certains compteurs.  

Enedis fait appel à des entreprises privées pour installer ces compteurs, à la question sur l’encadrement par Enedis/ la formation des installateurs, un cadre d’Enedis nous a dit (voir l’interview) que ces installateurs ne sont pas contrôlés directement par Enedis. Enedis a établi un cahier des charges pour ces entreprises, se dédouanant ainsi de toute responsabilité en cas d’accidents lors de la pose. Un reportage d’Envoyé Spécial du 14 Juin 2018 montre qu’il arrive que les installateurs des compteurs ne sont pas toujours suffisamment formés, provoquant ainsi des risques d’accident élevés.

 

La crainte de la concurrence

L’idée de l’introduction d’une concurrence plus forte dans des domaines jusqu’alors exempt de concurrence car fortement dominés par des entreprises publiques (SNCF, EDF…) provoque un vrai débat de société et suscite de vives oppositions. L’un des objectifs de Linky étant de faciliter la concurrence entre les producteurs d’électricité, on comprend pourquoi cet aspect du projet est critiqué par certains qui voient se profiler une hausse des tarifs de l’électricité. Dans ce cas tout le problème réside dans le fait de savoir si la concurrence est systématiquement profitable au consommateur.

Pour la doctorante en sociologie Aude Danieli, le compteur Linky pose quelques risques notamment l’aggravation de la précarité énergétique avec les coupures d’électricité, le risque de la marchandisation de données et enfin la marchandisation de l’énergie (service considéré comme essentiel).

Ces opposants sont attachés à l’ancienne configuration de la production électrique en France, centralisée autour d’EDF, entreprise publique sous contrôle de l’état qui encadrait très strictement les tarifs d’électricité. Cependant cette vision du service publique en France est à remettre en question avec la privatisation annoncée de plusieurs grands groupes appartenant à l’État.

Un compteur dangereux ?

L’installation obligatoire d’un appareil communicant supplémentaire chez les particulier suscite certaines inquiétudes. Cet appareil est-il sûr ? A-t’il un impact sur la santé des utilisateurs ?

Certaines personnes ont fait part de l’apparition de troubles suite à l’installation de ce compteur. En fonction des témoignages il peut s’agir de maux de tête ou de troubles du sommeil. Ainsi dans Le téléphone Sonne sur France Inter, une auditrice nommée Brigitte témoigne sur ce sujet. Elle affirme avoir des certificats médicaux qui prouvent que l’exposition aux ondes électromagnétiques lui est fortement déconseillée.

Ici la volonté de généraliser l’installation du compteur Linky dans toute la France s’oppose à des situations individuelles. Le principe de précaution voudrait qu’en cas de doute sur l’impact sur la santé de personnes électrosensibles, Enedis n’installe pas de compteur ou du moins l’installe le plus loin possible du lieu de vie.

Certains pensent également que si un compteur Linky n’est pas dangereux en tant que tel, il peut le devenir quand il fonctionne en réseau. Ils évoquent ainsi une analogie avec une caisse de résonance. Les signaux CPL ne se propageront pas seulement vers le concentrateur mais dans d’autres maisons aussi selon eux, ce qui fait qu’on pourrait ressentir la somme de plusieurs signaux CPL.

Outre ce questionnement sur les risques sanitaires engendrés par l’émission d’onde électromagnétiques ou radioélectriques du compteur Linky, il y  a aussi des questionnement sur les risques possibles lors de l’installation du compteur Linky. Certains départs de feu ont été associés dans la presse à une défaillance du compteur Linky. A priori ces accidents sont dus à une erreur de l’installateur, mais certains détracteurs pensent que c’est le compteur lui-même qui présente des défauts.

Quelle utilité pour quel coût ?

“Le programme Linky est un programme qui est financé entièrement par les habitants de ce pays” –???

Une bonne partie des consommateurs se demande quel est le but de ce changement de compteur. Quel est l’intérêt pour Enedis et quel est l’intérêt pour le consommateur ? Stéphane Lhomme, président de Refus Linky Gazpar dénonçait lui une aberration écologique et économique puisque selon lui cela allait simplement remplacer 34 millions de compteurs électromécaniques encore fonctionnels par de nouveaux compteurs. L’impact écologique est donc très significatif (très peu de recyclage des anciens compteurs), pour un intérêt pas toujours évident. Le tout se faisant pour un coût estimé à 4,7 milliards d’euros.

Ce coût élevé jette le doute sur le financement de ce projet. Des opposants comme Stéphane Lhomme craignent que ce coût soit absorbé par une hausse des tarifs de l’électricité via une hausse du TURPE (la taxe pour l’entretien du réseau de distribution). Sur cela, Stéphane Lhomme nous a dit, lorsque nous l’avons interviewé, que :

“Le programme Linky est un programme qui est financé entièrement par les habitants de ce pays, or les gains en question devraient servir à renforcer des lignes ou enterrer des lignes, ces milliards sont gaspillés dans le programme Linky au lieu de renforcer et d’améliorer la distribution d’électricité.” — Stéphane Lhomme

 

Seul un véritable apport pour le consommateur peut, d’après eux, justifier une opération aussi importante. Or justement, beaucoup de consommateurs, d’associations de consommateurs (comme l’UFC-que-choisir) et même la Cour des Comptes dénoncent un compteur qui n’apporte pas assez d’avantage aux consommateurs. Ces derniers auraient attendus par exemple un suivi en temps réel de leur consommation électrique afin de pouvoir faire attention et réduire leur facture d’électricité. En pratique seule l’énergie consommée est affichée en temps réel, étant données les variations de la tarification du kWh en fonction du temps, cela ne donne que peu d’information sur l’évolution de la facture d’électricité. A ce sujet la Cour des Comptes souhaite que le compteur Linky devienne un véritable outil de maîtrise de la consommation énergétique”.

                  

Utilisation des données personnelles

Les compteurs Linky collectent les courbes de charge (autrement dit la puissance consommée en fonction du temps) et la distribuent notamment aux fournisseurs d’énergie.

La question posée par de nombreux clients concerne l’usage de ces données : sont-elles uniquement données aux distributeurs et fournisseurs, ou bien sont-elles vendues à des sociétés privées ? Rien n’empêcherait à priori Enedis de vendre ces données à des sociétés qui souhaiteraient par exemple connaître les heures de coucher et de lever d’un groupe d’individus, pour cibler une clientèle. Ce risque a valu au compteur Linky de se faire appeler “compteur espion”.

Certains opposants considèrent ce dispositif comme une caméra. ENEDIS certifie que c’est une simple diode.

Ce point de l’utilisation des données par Linky s’inscrit dans un débat de société plus large : la protection des données personnelles, relancée récemment par le scandale Cambridge Analytica.

La nouvelle réglementation européenne sur la protection des données (RGPD) impose des règles plus strictes sur l’information et la prise de consentement de l’utilisateur pour le partage de ses données numériques. L’obligation d’installation du compteur est, pour les détracteurs du projet, en total désaccord avec cette nouvelle directive.

Un plus ample développement sur ce sujet sera effectué dans l’onglet “Le futur du service public de l’énergie”.

Des clients informés et en accord avec le projet Linky

Grâce au compteur Linky, les clients pourront être mieux informé sur leur mode de consommation (soit directement via la consultation en ligne de la courbe de charge, soit indirectement puisqu’Enedis prévoit de sensibiliser les consommateurs sur les moyens de réduire sa consommation). Enedis ne souhaite pas avoir d’opposition mais souhaite réduire au maximum le coût du projet. Ainsi la communication effectuée auprès des clients doit être le plus efficace et le plus économique possible. Une simple brochure explicative donnée lors de l’installation, la mise en place d’un site internet et d’un numéro vert devrait suffire pour informer tous les consommateurs sur les possibilités offertes par Linky.

Extrait de la brochure sur le compteur Linky

De plus pour avoir un réseau bien uniforme, il faut remplacer la totalité des compteurs électriques. L’installation des compteurs se devait d’être obligatoire, rapide et sans opposition afin de permettre de rester dans des coûts et des délais raisonnables.

Mieux gérer le réseau

Enedis souhaiterait aussi pouvoir mieux piloter le réseau électrique à distance pour mieux pallier aux éventuelles pannes. Lorsque des pannes surviennent dans les branches situées en bout de réseau, il n’existe à l’heure actuelle que peu de moyen de détection et de solution de substitution. Ainsi Enedis met un certain temps à déplacer des agents sur place pour mettre fin à la panne et pendant ce temps-là, les foyers situés sur cette branche sont privés d’électricité. L’un des objectifs d’Enedis est d’éviter ces pannes en limitant mieux la puissance qui passe dans ces câbles, de pouvoir les détecter plus rapidement et d’assurer une alimentation électrique minimale pendant ces pannes.

Des compteurs électriques « pilotables » à distance aideront à cet objectif en permettant de couper l’électricité aux clients « non prioritaires » en cas de rupture d’un câble ou en permettant de réduire automatiquement la consommation électrique de clients non impactés par une rupture de câble pour assurer aux personnes impactés un accès minimum à l’électricité ; mais aussi de de détecter et résoudre certains problèmes électriques à distance puisque les compteurs communiquent régulièrement des informations au centre de gestion.  On trouve de tels exemple en Californie avec des compteurs radio sur lesquels on peut agir en temps réel.

Pour Enedis, ces compteurs amélioreront la qualité de service. Autre avantage, ils permettront aux clients d’être justement facturés. En effet avant, la facture d’électricité se basait sur une estimation de la consommation électrique, et non sur l’exacte consommation. La mesure en temps réel de la consommation permet donc au client d’être facturé exactement sa consommation. Le consommateur sera également moins dérangé par les opérations comme les relevés de compteur ou changements de puissance (ces derniers se faisant par téléopération).

Enedis pourra aussi grâce à ces compteurs, mieux savoir où il est crucial d’investir dans le réseau. Bernard Lassus, directeur du programme Linky affirme ainsi :

« Nous détectons mieux les pannes et nous ciblons de manière plus pertinente nos investissements dans les réseaux “. Bernard Lassus

 

Notamment Enedis mettra à disposition des communes des données d’utilisateurs afin de pouvoir mieux anticiper quand il sera nécessaire de remplacer les équipements du réseau.

Rendre le réseau plus résilient

Un réseau électrique doit :

  • pouvoir résister à certains aléas (rupture de câble…)
  • subvenir à la consommation sans que le câble ne soit jamais en surcharge.
  • être légèrement surdimensionné pour pallier à une éventuelle hausse de la consommation.

Le tout bien évidemment en essayant de diminuer le coût au maximum.

Des études préalables sont nécessaires pour estimer les pics de consommation et dimensionner le réseau (i.e. la taille des câbles) en fonction de ces pics. Pour faire cela, Enedis a donc besoin d’évaluer au mieux les ‘pics’ de consommation. Jusqu’à présent, la connaissance de la consommation électrique se localisait surtout sur les centres de production donc pas dans le domaine d’Enedis qui gère majoritairement le réseau BT (basse tension). Pour estimer ces pics Enedis prenait des ordres de grandeurs type et surdimensionnait le réseau. Le déploiement des compteurs communicants permettra à Enedis de mieux appréhender la consommation électrique de manière décentralisée.

Linky, installé dans les maisons, s’inscrit au cœur du développement des smart grids.

On comprend alors mieux pourquoi connaître plus précisément la consommation électrique française de manière très localisée est un enjeu important pour Enedis, qui permettra de faire de nombreuses économies dans l’installation et l’entretien du réseau.

Pour aller plus loin : cette meilleure connaissance de la consommation locale aura des conséquences entre autres sur la conception de smart grid (réseau intelligent) comme le montre l’étude de cas menée par des élèves de l’école Mines ParisTech en partenariat avec Enedis sur l’étude d’un smart grid à Paris-Saclay (mig-alef-2017).

Changer le réseau pour décentraliser la production et introduire la concurrence

Enedis souhaite modifier la configuration générale du réseau.

Le réseau centralisé que nous connaissions jusqu’à présent ne laissait que peu de place à l’installation d’une concurrence. EDF était en situation de monopole et possédait tous les gros sites de production. Le passage d’un réseau centralisé autour des gros sites de production électrique

à un réseau décentralisé permettra l’intégration de la production renouvelable localisée souvent au niveau des consommateurs, permettra l’apparition de nouvelles formes de concurrence pour les producteurs d’énergie, et offrira de nouvelles possibilités pour la création de smart grid.

Pour ce qui est de la concurrence : l’Union européenne a en effet annoncé dès 1996 que tous les états de l’union devraient adapter petit à petit leur réseau intérieur électrique pour permettre la mise en place d’une concurrence entre les producteurs d’énergie. Il s’agissait de la Directive européenne concernant des règles ‎communes pour le marché intérieur de l’électricité (lien). Quelques années plus tard, en 2006-2007 des débats à l’assemblée nationale ont mené au vote d’un texte stipulant la nécessité de rendre le marché de l’énergie plus concurrentiel, en donnant à la CRE (commission de régulation de l’énergie) le rôle de gendarme de cette concurrence et au distributeur les droits de gestion de réseau pour mettre en place cette concurrence :

un gestionnaire de réseau de distribution d’électricité ou de gaz naturel est notamment chargé […] de fournir aux utilisateurs des réseaux les informations dont ils ont besoin pour un accès efficace aux réseaux, de réaliser l’exploitation et la maintenance desdits réseaux et […] la gestion des données et toutes missions afférentes à l’ensemble de ces activités.” -projet de loi à l’assemblée nationale, texte 607 (lien explicatif)

 

Comme nous l’avons vu précédemment, Enedis a tous les droits nécessaires pour définir et mettre en œuvre des politiques de renouvellement de réseau tant que ces dernières s’inscrivent dans la politique énergétique européenne. A l’heure actuelle, comme le réseau est avant tout conçu dans un sens unique (production centralisée vers consommation), l’énergie produite à petite échelle et très localisée (panneau solaire, petit champ éolien etc…) doit être consommée dans un voisinage proche du lieu de production ou stockée en vue d’une consommation ultérieure. Étant donnée les coûts assez élevés pour stocker de l’énergie, la plupart du temps, les producteurs renouvelables (au nombre de 400.000 en France) se retrouvaient obligés de couper de la production.

Cette refonte du réseau électrique permettra de mieux intégrer la production renouvelable en évitant les pertes et en liant plus facilement lieu de consommation et lieu de production.