Deuxième étape : Mener l’enquête. Quels moyens d’investigation ?

Maintenant que les règles de l’enquête sont fixées se pose le problème beaucoup plus terre-à-terre de sa réalisation pratique. Où va-t-on trouver toutes les données dont on a besoin ? Pour une cohorte de sortants de prison donnée, de quelles données dispose-t-on sur leur passé pénal, leurs actions une fois sortis de prison, et sur la chronologie de ces évènements ?

Tout d’abord une règle de bon sens s’applique: il faut utiliser les bases de données déjà existantes. En effet, les outils de recherche sont déjà nombreux et parfois sous-exploités, et leur création est complexe.

Deux documents sont utilisés pour les recherches: la fiche pénale et le casier judiciaire.

 

Un peu d’histoire pour mieux comprendre ces sources :

L’exploitation statistique du Casier judiciaire en vue de produire un taux de récidive est une idée vieille de plus d’un siècle. En 1895, Émile Yvernès, Chef du Bureau de la Statistique et des Casiers Judiciaires du Ministère de la Justice, écrivait déjà : « Aussi la Commission pose-t-elle en principe fondamental qu’il faut, avant tout, s’attacher à fixer le chiffre exact des individus capables de récidiver ». Yvernès parle bien ici de l’ensemble des condamnés.

« La mise en pratique de ce principe […] n’est possible qu’à l’aide des casiers judiciaires qui, seuls, offrent les moyens de connaître exactement le nombre des individus capables de récidiver. »

En cette fin de 19ème siècle, les problèmes que rencontrait le statisticien pour mesurer la récidive étaient liés au manque de centralisation des Casiers judiciaires, qui rendait impossible le dénombrement de tous les condamnés d’une année donnée. En effet, un accusé pouvait passer par plusieurs tribunaux sans que ceux-ci s’en informent mutuellement.

L’accessibilité des documents a été grandement améliorée ces dernières années. En effet, depuis la fin des années 1970, les casiers judiciaires sont centralisés à Nantes et informatisés. Depuis 1984, les outils statistiques sur la base des casiers informatisés sont en place et ne changeront plus considérablement. Ces outils sont d’ailleurs d’assez bonne qualité.

Même à partir de 1984, il faut rester conscient du fait que les lois évoluent, et avec elles la nature des infractions. Ainsi une étude sur une période trop longue perd-elle en partie son sens. Notons quelques évolutions importantes:

  • En 1986, le législateur a disqualifié certains délits en contraventions de 5e ou 4e classe comme le défaut d’assurance ou la conduite sans permis.
  •  En 1992, le contentieux des chèques sans provision quittait le champ pénal pour être traité directement par la Banque de France.
  • En 1994, l’entrée en vigueur du Nouveau Code pénal venait sensiblement modifier la nature de certaines peines, la définition de certaines infractions, ainsi que l’inscription des condamnations de mineurs au casier judiciaire.
  • En 2001 une contravention de 5e classe a été créée pour sanctionner le grand excès de vitesse (> 50 km/h). La récidive est un délit.
  • En 2004 le défaut d’assurance et le défaut de permis de conduire ont été correctionnalisés. Les règles d’effacement des condamnations de mineurs ont été modifiées.

De ce fait, la nature même de certaines infractions dépend de la période considérée, une même condamnation sera inscrite différemment selon la date à laquelle elle s’est produite.

 

Science et confidentialité

Notre statisticien va également se heurter à un problème de confidentialité lorsqu’il va avoir besoin d’accéder à ces fichiers. En effet il s’agit là de documents nominatifs qui ne sont pas faits pour être reliés. Un croisement abusif de ces fichiers est passif de cinq ans de prison, même dans un but scientifique. La seule façon d’en extraire les données statistiques dont notre enquêteur a besoin est de passer par le ministère de la justice. Les fichiers aussi bien papiers qu’informatiques restent dans l’administration pénitentiaire, dans un cadre tout à fait contrôlé.

 

Les casiers judiciairesLa période d’observation

znak36gznak36