La période d’observation

La question de l’intervalle d’observation est commune à de nombreuses études statistiques. Dans notre cadre spécifique, des facteurs divers sont à prendre en compte.

 

Facteurs technologiques

Les progrès technologiques en matière de fiches pénales et de Casiers judiciaires sont, d’après Pierre-Victor Tournier, « tout sauf linéaires ». Outre les détails donnés dans la partie « Quels moyens d’investigation ? », il s’agit de comprendre que la quantité d’informations auxquelles un statisticien peut accéder pour son étude n’a pas suivi une progression croissante au cours des dernières décennies. L’informatisation des Casiers, au cours des années 70, a permis la mise en place d’études de grandes ampleur dont des exemples parmi les plus récents sont les Infostat Justice. Mention y est d’ailleurs faite de ces progrès, pour expliquer qu’il est impossible, dans une approche rétrospective, de regarder trop loin dans le passé : « Dans la pratique, l’observation s’est limitée aux possibilités techniques offertes par l’exploitation statistique du casier, à savoir une observation remontant jusqu’en 1994. ». Dans le cadre particulier de la récidive, il est de plus expliqué le repérage explicite de la récidive dans les bases statistiques a connu des progrès relativement récents.ilité d’observer le passé pénal trop loin en arrière par manque de données]

 

Facteurs politiques

Un autre facteur essentiel à prendre en compte est d’ordre politique. Jusqu’aux dernières élections présidentielles, chaque début de mandat s’accompagnait d’un projet de loi d’amnistie collective. L’amnistie, lorsqu’elle se réalise, provoque une variation brutale de la population carcérale qui font perdre tout sens à une mesure de l’impact de la prison sur le taux de récidive. Cette contrainte, comme nous l’a expliqué M. Tournier, amène à placer toute étude statistique entre deux amnisties. « Avec le passage du septennat au quinquennat [en 2000, ndr], théoriquement les périodes devraient se réduire, sauf que maintenant il n’y a plus d’amnistie, et on ne sait pas s’il y en aura la fois prochaine. » Cependant, il est également possible de ne pas prendre en compte ces amnisties dans le choix de la longueur de l’intervalle d’observation, en prenant soin d’en signaler les conséquences explicitement, comme le fait la SDSMJ : « On notera que les années présentant les taux les plus élevés sont des années marquées par l’amnistie de 2002, qui a eu pour conséquence de supprimer de la base de calcul des condamnations d’infractions de faible gravité. »

 

Facteurs légaux

Bien que ce facteur ne semble déterminant dans le choix de l’intervalle d’observation pour aucune étude, il est néanmoins signalé que les évolutions pénales, comme les requalifications de certaines infractions d’une catégorie à l’autre, font varier certains taux spécifiques d’une année à l’autre. Par exemple : « la hausse du nombre de condamnations pour délits observée depuis 2005 est due en grande partie à la correctionnalisation de certaines infractions routières ainsi qu’à la prise en compte de nouvelles procédures comme l’ordonnance pénale et la composition pénale. »

 

Facteurs statistiques

Une autre raison, d’ordre purement statistique, justifie que l’on puisse restreindre la longueur de l’intervalle d’observation aux années les plus significatives pour l’évolution du taux. En effet, que ce soit dans l’approche rétrospective ou en observation suivie, pour une cohorte donnée, la proportion de récidivistes en fonction du temps converge vers une limite finie. En d’autres termes, sur tous les individus d’une cohorte amenés à récidiver, la majorité récidivera (ou a récidivé) dans une période finie, et par conséquent, l’agrandissement de l’intervalle (en avant ou en arrière) a une incidence assez faible sur les taux. Cet argument se retrouve dans les rapports de la SDSMJ :

« La restriction de la notion de réitération à une durée de cinq ans, faite dans un souci de comparabilité avec la récidive, se trouve justifiée par un poids décroissant du passé pénal du condamné sur la décision de 2007 »

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mais aussi dans les études de chercheurs comme A. Kensey et A. Benaouda :

« À partir de la quatrième année d’observation, la ligne de tendance s’aplanit. Le choix d’une période d’observation de cinq ans semble donner une image proche du réel taux de récidive »

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Les bornes de l’intervalle d’observation

Un dernier choix est susceptible d’influer sur les données à disposition du statisticien : la nature des bornes de son intervalle d’observation. En effet, il peut soit considérer une date précise, soit une période (e.g. « les condamnés de 2005 », « les libérés de 2005 »). Dans ce dernier cas, il faut prendre en compte le fait qu’il peut y avoir un an de décalage entre les individus d’une même cohorte (e.g. pour l’observation suivie, un individu libéré le 1er janvier 2005 et un individu libéré le 30 décembre 2005, n’auront pas été observés pendant le même période au 1er janvier 2010).

 

Quels moyens d’investigationRespect de la notion de récidive

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