Multiplicité des critères statistiques

Les notions juridiques de récidive et de réitération que nous avons pu voir sont multiples, mais présentent deux défauts : d’une part, elles sont trop spécifiques (par exemple, la récidive de délit à délit ne prend pas en compte le cas ou les deux termes de la récidive sont distincts). D’autre part, elles ne sont pas toujours limitées dans le temps, et comme nous le verrons dans la partie Quelle chronologie ?, l’intervalle d’observation des études statistiques est loin d’être extensible à volonté. Le statisticien se trouve dès lors obligé de définir ses propres critères de récidive, que ce soit simplement en adaptant les critères légaux, ou en proposant des critères plus innovants.

 

Adapter les définitions légales
Les moyens d’investigation à disposition du statisticien conditionnent, dans une certaine mesure, le choix de ses critères de récidive. Dans le cas de la SDSMJ, ces moyens se limitent à une exploitation statistique du Casier Judiciaire. Il est par conséquent possible de calculer directement le « taux de récidive légale », qui regroupe les 4 cas de récidive possible.

La méthode de calcul du « taux de réitération statistique » est apparemment plus délicate puisqu’elle impose de chercher manuellement si un individu condamné l’a déjà été par le passé. De plus, il ne s’agit pas du critère légal dans la mesure où l’intervalle d’observation d’une étude statistique est nécessairement de longueur finie. Puisqu’il faut dès lors choisir une longueur, la décision s’est portée sur un intervalle de 5 ans, « afin d’obtenir une notion comparable à la récidive, car prenant en compte le « passé pénal » du condamné sur une même période. »

Il est ensuite possible de construire des taux spécifiques, comme par exemple le taux de criminels en réitération selon le type d’infraction sanctionnée antérieurement.

 

Des critères de récidive emboîtés

Pour trouver d’autres critères de récidive dans des études statistiques, il faut sortir du Ministère de la Justice et aller voir du côté de chercheurs comme P.V. Tournier, directeur de recherche au CNRS et criminologue. Avec A. Kensey notamment (démographe et chef du Bureau des Études et de la Prospective à l’Administration Pénitentiaire), ils a réalisé plusieurs études portant entre autres sur la récidive des sortants de prison (on pourra à ce sujet se reporter à notre bibliographie). Dans l’une de ces études, ils utilisent cinq critères emboîtés de récidive qui ne relèvent pas de la récidive légale :

- Niveau 5. Est considéré comme étant en récidive de niveau 5, toute personne dont le casier judiciaire porte mention d’au moins une condamnation prononcée pour des faits postérieurs à la libération et sanctionnés par une peine de détention ou de réclusion criminelle.

- Niveau 4. Aux peines de détention / réclusion criminelle (niveau 5), sont ajoutées les peines d’emprisonnement ferme.

- Niveau 3. Aux peines fermes privatives de liberté, sont ajoutées les peines alternatives qui s’accompagnent d’une « supervision » (assistance et contrôle) : sursis avec mise à l’épreuve (SME) ou sursis avec mise à l’épreuve accompagné d’un travail d’intérêt général (SME-TIG) ou travail d’intérêt général, peine principale (TIG-PP).

- Niveau 2. Sont ajoutées les condamnations au sursis simple.

- Niveau 1. Sont retenues toutes les condamnations postérieures à la libération : dispense de peine, confiscation, annulation, interdiction, jour-amende, amende, sursis simple, SME, SME-TIG, TIG-PP, emprisonnement ferme, détention, réclusion criminelle. On peut alors parler de taux de recondamnation.

 

Récidive et réitération ou recondamnation ?

Le lecteur attentif aura pu remarquer, dans le dernier paragraphe, l’utilisation du mot « recondamnation ». En quoi opère-t-on ainsi une distinction essentielle avec la récidive ou la réitération ? Comme a pu nous le faire remarquer P.V. Tournier dans l’interview qu’il nous a accordée, seuls les individus condamnés pour la seconde affaire peuvent être considérés comme récidivistes ou réitérants aux yeux de la loi – et des auteurs des études statistiques sur la question. Autrement dit, deux types d’individus ne sont pas pris en compte : ceux qui ont commis une nouvelle infraction mais n’ont pas été attrapés, et ceux qui ont été attrapés dans l’intervalle d’observation de l’étude, mais pas encore jugés. On mesure donc bel et bien le taux de nouvelles condamnations, et pas vraiment celui de nouvelles infractions, comme pourrait le laisser entendre le sens premier des mots « récidive » et « réitération ».

 

La notion de peine principale

Comme on l’a vu dans le paragraphe « Définition légale du concours d’infraction », une même affaire peut entraîner l’inscription de plusieurs infractions au Casier Judiciaire. Or, il semblerait qu’aucune étude statistique ne rende compte de cette éventuelle multiplicité des infractions pour la première affaire. Quels choix ont été faits pour ramener cet ensemble à un unique crime ou délit ? La pratique courante consiste à considérer une « infraction principale », entraînant une ou plusieurs peines dont la plus grave est désignée comme la « peine principale ». Comme précisé dans le rapport du Ministère de la Justice sur les condamnations de 2009 : « La notion de peine principale n’a de sens que pour les besoins de la statistique. En réalité, la sanction prononcée est réputée commune et forme un tout, même si elle comprend plusieurs peines. »

Dès lors, comment choisir cette infraction principale ? Quelle relation d’ordre (au sens mathématique) entre les infractions ? On peut prendre la première infraction inscrite au Casier Judiciaire dans la catégorie la plus grave, ou encore l’infraction sanctionnée par le peine la plus lourde (les deux coïncidant souvent). Dans le deuxième cas, il faut bien comprendre que les taux qui en découlent reposent sur la nature de la sanction, et non pas la nature de l’infraction, comme on pourrait le croire à tort.

 

Dans quelle direction regarder ?Les définitions légales

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