Les casiers judiciaires

Le casier judiciaire est le premier document auquel on pense en matière de justice. Très utilisé par les statisticiens, il contient les informations suivantes:

  • Les condamnations prononcées par les juridictions pénales
  • Certaines condamnations prononcées par les juridictions commerciales (liquidation judiciaire, faillite personnelle…)
  • Certaines décisions civiles, administratives ou disciplinaires

C’est la seule source permettant de décrire à la fois les infractions sanctionnées par les juridictions, les procédures de jugement, la nature et le quantum des peines prononcées, ainsi que le profil sociodémographique des condamnés.

Il s’agit d’un document nominatif sous l’autorité de la Garde des Sceaux.

On peut donc en extraire, à l’aide des différentes dates, l’âge auquel les faits sanctionnés ont été commis, ainsi que leur nature, des informations qui seront précieuses dans la suite de notre étude. En effet on va discrétiser ces informations en créant par exemple trois catégories pour l’âge et trois pour la nature des faits.

Cette source a cependant ses limites, surtout lorsque l’on cherche à l’utiliser pour la statistique.

 

Une source non exhaustive

  • Tout d’abord, il est évident que toutes les infractions ne sont pas condamnées, soit parce que certaines ne sont pas élucidées, soit parce qu’elles sont classées sans suite. Les taux de récidive ne peuvent pas prendre en compte les individus qui récidivent impunément.
  • De plus, certaines affaires ne sont pas inscrites au casier judiciaire ! En effet même lorsque l’affaire fait l’objet d’un jugement ou d’un arrêt, il peut être prononcé une relaxe ou un acquittement, lesquels ne feront pas l’objet d’une inscription au Casier judiciaire.
  • Ensuite, certaines infractions, douanières par exemple, sont réglées par des voies non judiciaires, et n’apparaissent pas non plus.
  • Un autre problème relève des informations portées au CJ. En effet, celui-ci ne porte mention que de la durée de la peine d’emprisonnement prononcée ; il ne fournit aucune indication sur la date réelle de libération du condamné. Pour considérer des durées plus proches de la réalité, les statisticiens ne peuvent qu’utiliser des moyennes en fonction du type d’infraction, tirées d’autres études.
  • Par ailleurs, en se bornant à l’étude des CJ, il est impossible de savoir si la peine prononcée a été effectivement appliquée ou non. Dans un rapport au Président de la République, Éric Ciotti, député UMP, soulignait en 2011 que « Les peines d’emprisonnement restent trop souvent en attente d’exécution ». Le chiffre est en effet loin d’être négligeable : « au début de l’année 2009, près de 82.000 peines d’emprisonnement ferme étaient toujours en attente d’exécution, soit 13 % des peines de prison ferme qui n’étaient pas exécutées ». L’état de l’exécution d’une peine n’étant pas une information reportée au CJ, ceux-ci constituent, d’après P.V. Tournier, des supports insuffisants pour établir un taux de récidive valable. Ceci n’est pas aidé par le manque d’études statistiques approfondies sur l’application des peines en France.
  • Enfin, et c’est sans doute la limite la plus restrictive d’un point de vue scientifique, le casier judiciaire n’est pas un document à visée statistique mais obéit plutôt à une logique gestionnaire. Lors d’une amnistie par exemple, dès la loi promulguée, les infractions n’apparaissent plus au casier judiciaire, causant ainsi une baisse importante (et fictive) des condamnations les années d’amnisties.

 

Une source fondamentalement lente

  • Il faut avoir à l’esprit que les condamnations ne peuvent légalement être inscrites au casier qu’après la communication de la décision au condamné et l’expiration du délai d’appel.
  • Dans le cas des jugements « à signifier », qui correspondent à environ 20% des condamnations, le jugement est considéré comme définitif dix jours après la date de signification. Le délai de signification est de quatre mois en moyenne, mais peut s’avérer très long, notamment lorsque des recherches doivent être effectuées.
  • Il y a également un délai administratif (c’est à dire le temps de transmission des jugements à l’enregistrement du casier judiciaire), qui est en principe de quinze jours mais peut être allongé en fonction de l’encombrement des services.
  • Il faut y ajouter le temps nécessaire à la saisie des fichiers, et à la validation de certaines données. Ce délai est de l’ordre de deux mois.

Au total, on compte en moyenne 6 mois entre le rendu d’une décision par le tribunal et son enregistrement au casier judiciaire. Ce délai est cependant très variable et il faut attendre presque deux ans pour que 98% des condamnations d’une année donnée soient enregistrées.

Pour pallier à cela, on effectue des estimations du nombre de condamnations qui n’ont pas encore été enregistrées et on dispose ainsi de données provisoires sans attendre deux ans.

Le casier judiciaire national reste cependant une source précieuse d’informations statistiques par la quantité d’informations qu’elle contient, en dépit de ses nombreuses limites.

 

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