La contrainte européenne imposée par la directive Interopérabilité

Le directive européenne Interopérabilité sert de cadre à l’instauration d’un dispositif technique de collecte et de contrôle au niveau national. Elle amène donc des contraintes juridiques, techniques et économiques dont la légitimité est remise en cause par certains acteurs.

 

Comprendre l’interopérabilité

La directive 2004/52/CE du 29 Avril 2004 a pour objectif d’instaurer un service européen de télépéage garantissant l’interopérabilité de tous les systèmes nationaux en Europe. Cette directive introduit les notions de collecteur et d’émetteur : alors que les premiers sont les gestionnaires des infrastructures de collecte des données, les seconds sont les sociétés proposant des services de télépéage. Dès lors, la directive « Interopérabilité » fournit des recommandations sur l’élaboration du dispositif technique de la taxe :

Un usager doit pouvoir disposer d’un contrat unique auprès d’un émetteur européen de son choix.

Directive 2004/52/CE

 

Les avantages de l’interopérabilité

L’équipement électronique répond de cette façon au principe d’interopérabilité, car il a la capacité de fonctionner avec d’autres systèmes existants. L’émetteur fournit ainsi au redevable un équipement électronique pouvant être utilisé sur l’ensemble des routes gérées par les collecteurs, puis perçoit le péage ou la taxe et la reverse aux collecteurs.

Les entreprises de péage soulignent ainsi que l’interopérabilité permet une simplification du système, à la fois pour les sociétés et les bureaux étatiques qui collectent la taxe, et pour les poids lourds :

Ils veulent de la simplicité.

Entretien avec Philippe Duthoit, directeur général d’Eurotoll

Les effets bénéfiques de l’interopérabilité sont aussi mis en avant par la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer. En effet, l’interopérabilité permettrait de gagner en efficacité en simplifiant la contractualisation pour les transporteurs et en intégrant la taxe dans un espace européen :

Ce qui permettait de manière très ouverte aux transporteurs d’avoir un contrat unique pour circuler sur les autoroutes concédées – sur le réseau taxe poids lourds a minima, mais éventuellement, en plus, à l’étranger. Et qui permettait aussi de faire émerger des acteurs proposant des services plus larges puisqu’ils pouvaient choisir leur propre technologie.

Entretien avec Olivier Quoy, Mission tarification

 

L’application nationale de la directive sur l’interopérabilité

La problématique soulevée par cette directive, selon la Direction des infrastructures, des transports et de la mer, était de trouver le système technique efficace lors de la mise en place de l’écotaxe :

Le premier sujet, dans l’ordre chronologique, mais aussi par ordre d’importance, était le sujet technique. Dès le départ le souhait était de s’intégrer dans le cadre communautaire, donc dans le respect des directives Eurovignette et Interopérabilité. Il y avait alors plusieurs technologies possibles, les balises micro-ondes à courte portée ou le système satellitaire comme en Allemagne.

Entretien avec Olivier Quoy, Mission tarification

Les solutions techniques sont fortement encadrées par la directive européenne Interopérabilité. Celle-ci laisse un seul choix technologique aux industriels, celui du degré d’intelligence qu’ils mettent dans les équipements embarqués.

La société Ecomouv’ devant suivre des déplacements sur un réseau très important (15 500 km) avec près de 800 000 conducteurs, la solution recommandée par Eurovignette III est la mise en place de péages électroniques. Plusieurs rapports d’experts soulignent ainsi l’adéquation entre le dispositif technique de l’écotaxe et les contraintes européennes :

La directive prévoit que, depuis le 1er Janvier 2007, seules les technologies fondées sur la localisation par satellite, les communications mobiles selon la norme GSM-GPRS et les micro-ondes 5,8 GHz (DSRC) et s’appuyant sur des spécifications disponibles publiquement, pourront être utilisées pour la mise en service de nouveaux systèmes de télépéage. Il est à souligner que le système de télépéage TIS-PL mis en place par les sociétés concessionnaires françaises, basé sur la technologie DSRC et utilisant les spécifications normalisées CEN, est conforme aux dispositions communautaires de la directive. Par ailleurs, le mécanisme de l’écotaxe poids lourds est fondé sur les principes du SET.

Rapport de l’Assemblée Nationale n°844

On retrouve l’application juridique de ces contraintes européennes au niveau national. Ainsi, un ensemble de normes juridiques définissent le cadre d’application de ces directives au niveau du dispositif de collecte de la taxe :

[Chaque véhicule est donc obligé d’être équipé] d’un équipement électronique embarqué permettant l’enregistrement automatique, à chaque franchissement d’un point de tarification, des éléments nécessaires à la liquidation de ladite taxe.

Article 276 du Code des Douanes

Ainsi, selon certains experts, la France aurait appliqué l’interopérabilité au niveau national lors de l’élaboration du dispositif technique :

Pour le projet français, on avait décliné véritablement l’architecture européenne, c’est-à-dire la possibilité (…) d’avoir des fournisseurs de service de télépéage qui soient complètement autonomes et indépendants.

Entretien avec Olivier Quoy, Mission tarification

 

Une application stricte de la directive ?

Selon certains experts, les modalités pratiques de l’écotaxe ne révèlent qu’une application stricte des directives européennes, qui a permis, justement, d’obtenir une taxe qui respecterait mieux ce cadre que les autres taxes européennes. Ainsi, l’écotaxe s’inscrirait dans un véritable mouvement d’harmonisation des dispositifs de péage :

Une architecture complètement ouverte, alors que souvent l’Interopérabilité va se limiter – en Allemagne il commence à s’ouvrir mais c’est plutôt de l’interface de paiement, ce n’est pas vraiment la technologie ; et en Belgique ce n’est pas clair. Et la Commission nous soutenait de manière importante puisqu’on était le premier projet national à véritablement mettre en place une architecture interopérable.

Entretien avec Olivier Quoy, Mission tarification

Cependant, les sociétés privées montrent la nécessité de réviser la directive pour pouvoir l’appliquer au niveau national. Elles mettent notamment en avant la nécessité qu’ont eu Ecomouv’ et les Sociétés Habilitées de Télépéage (SHT) de modifier les critères d’application des directives européennes d’Interopérabilité, compte tenu des objectifs techniques formulés par les pouvoirs publics. Ainsi, les spécificités du projet français ont requis une déviation par rapport aux normes européennes :

Des modifications lourdes ont aussi eu lieu face aux règles européennes. (…) Quelles contraintes empiriques ? Le projet mené – première norme de télépéage européen, norme qui n’était pas finalisée, donc jamais mise en place de façon opérationnelle. La discussion avec les SHT a concerné la mise en place d’interfaces techniques entre nous et eux. L’opérabilité est décrite dans cette norme mais elle a dû être précisée, car elle n’était pas tout à fait adéquate avec le projet voulu. Au final on a été amené à réduire la richesse des échanges d’informations et de données. Cela s’est fait dans les deux premières années et plusieurs choses ont dû être revues de façon assez lourde.

Entretien avec Jean-Christophe Damez-Fontaine, Directeur Général Adjoint d’Écomouv

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