Un problème de congestion ?
L’écotaxe s’inscrit dans une taxation européenne des poids lourds qui, dans les autres pays d’Europe, est liée à un problème de congestion sur certains axes routiers. Certains acteurs considèrent ainsi que l’écotaxe doit être liée à un objectif de réduction de la congestion, tandis que d’autres préfèrent accentuer sur d’autres dimensions de la taxe.
Un outil efficace pour réguler les flux sur les routes
Historiquement, la réflexion autour du principe de l’écotaxe a été initiée en France à la suite de l’accident du tunnel du Mont Blanc qui a fait une trentaine de morts : un camion transportant des matières chlorées a pris feu, ce qui a intoxiqué d’autres conducteurs et gêné le travail des pompiers par la suite. Le site internet http://www.ina.fr/ présente dans la vidéo ci-dessous un bref exposé des faits mettant en évidence la responsabilité des poids lourds dans l’accident :
Pour certains acteurs comme l’association France Nature Environnement (FNE), ce problème de congestion est ainsi l’élément déclencheur de la réflexion autour d’une nouvelle taxe sur les poids lourds. En effet, ils mettent en avant le fait qu’il faudrait penser à encourager le report modal afin d’éviter la répétition de ce type d’événements. En d’autres termes, ils interprètent cet accident comme un indicateur de la sur-utilisation des routes, aux dépens d’autres modes de transport comme le ferroviaire ou le maritime. Les représentants de la FNE ont dès lors collaboré avec d’autres associations environnementales européennes pour élaborer une écotaxe à la française ; ils ont par exemple travaillé avec la Suisse, qui a lancé un projet similaire en 1986 pour les mêmes raisons. Les deux arguments principaux avancés par les Suisses étaient à l’époque :
- L’écotaxe permettrait de faire diminuer le nombre de poids lourds sur les routes, donc éviter les accidents liés à la congestion.
- Le ferroviaire crée moins de pollution que le mode routier.
Ce point de vue a été repris par le gouvernement, notamment après l’instauration de la RPLP en Suisse et de la LKW-Maut en Allemagne, qui a déclenché un important report du trafic des routiers allemands sur les routes alsaciennes. C’est donc l’un des moteurs du projet d’écotaxe depuis le commencement. On le voit en particulier dans le Rapport d’information sur l’écotaxe du 14 mai 2014, qui la présente comme un outil de régulation du trafic sur les routes :
a
Proposition n°11 : prendre en compte le niveau de congestion sur certains axes particulièrement encombrés, établir ou accroître l’éco-redevance sur certains axes pour lesquels le report modal ou autoroutier est possible.
La congestion : une responsabilité collective ?
L’idée que les poids lourds seraient responsables de la congestion s’attire pourtant une vive critique de la part des syndicats de transport routier. La FNTR Alsace critique l’idée de faire baisser le trafic de poids lourds grâce à l’écotaxe. En effet, ils avancent que :
Il ne faut pas rêver : taxer le trafic PL [Poids Lourds] en Alsace ne va pas envoyer les camions de l’autre côté du Rhin. Tout simplement parce que 80% de ce trafic concernent du transport courte distance qui ne peut, par conséquent, se faire en passant par l’Allemagne…
Ils plaident ainsi pour une solution « à grande échelle », qui permettrait de fluidifier le trafic sans porter uniquement la faute sur les poids lourds. Ils avancent notamment l’idée de créer un autre axe autoroutier pour rééquilibrer le trafic, dans la mesure où le report ne serait pas possible. En effet, aujourd’hui l’A35 en Alsace permet certes aux poids lourds de circuler, mais concentre également les flux de déplacement des ménages, à l’échelle locale ou nationale. Il y aurait donc une responsabilité collective dans les problèmes de congestion, et non une cause unique liée au transport de marchandises.
On voit ainsi que l’écotaxe n’est pas objectivement un outil pour répondre à un problème de congestion, mais qu’elle est mobilisée par certains acteurs dans ce but.
N.B: Tous les schémas de ce site sont interactifs.