Une écotaxe pour répondre à plusieurs problèmes ?
La controverse sur le principe guidant l’écotaxe ne concerne pas seulement la hiérarchisation entre les différents principes, mais également la compatibilité de ces principes les uns avec les autres.
Des problèmes conciliables ?
Le projet d’écotaxe monté par la mission tarification avait pour ambition de répondre aux trois problèmes que sont la congestion, la pollution et les surcoûts d’entretien des routes. La taxe devait en effet générer une recette fiscale suffisante pour combler le manque à gagner de l’État, tout en respectant une grille de taxation établie de telle sorte que les camions les plus polluants subissent une charge plus lourde. De plus, l’augmentation des coûts du transport routier était supposée encourager les entreprises de fret à minimiser leurs frais en faisant circuler des camions plus chargés, ce qui devait induire mécaniquement une diminution du nombre de camions circulant sur les routes. Enfin, le signal prix envoyé par l’écotaxe devait favoriser le report modal à long terme en faisant augmenter le coût du mode routier relativement aux autres modes.
Certains sites internet insistent ainsi sur la triple dimension du projet :
Les coûts du transport routier, liés à ses impacts sur la congestion, les accidents, la pollution, les nuisances sonores et enfin l’entretien des infrastructures, sont aujourd’hui assumés par la collectivité toute entière qui, via les impôts locaux notamment, participe au financement des routes mais aussi à l’atténuation des autres nuisances.
Le site internet Pollutaxe
Des scientifiques analysent également l’écotaxe en articulant ses différents principes. L’économiste des transports Patrick Salini présente par exemple sur son site internet les cinq principes qui sous-tendent l’écotaxe. Dans un premier temps, l’écotaxe est un moyen de limiter la pression fiscale d’un État endetté, puisque l’on transforme une taxe en péage. Dans un contexte européen où les pays voisins installent des dispositifs du même type, l’écotaxe française permettrait de réduire le report de trafic vers les routes françaises tout en régulant la congestion générale sur ces routes. Il ajoute que les usagers sont en général disposés à payer pour un service coûteux pour l’Etat si le projet est présenté sous cet angle. Enfin, la logique de pollueur-payeur permet d’envoyer un signal prix reflétant les multiples externalités négatives rejetées par les poids lourds.
L’idée derrière le projet serait in fine d’impacter la demande de transport pour pouvoir réaliser pleinement cette triple dimension. C’est notamment la position de la Direction générale des infrastructures, des transports et la mer :
Le sujet c’est plutôt la demande de transports, c’est-à-dire qu’en augmentant le prix du transport, vous pouvez espérer avoir une réflexion sur la demande. Changer de mode de transport, si c’est encore une fois pour transporter n’importe quoi n’importe où, ce n’est pas vraiment le raisonnement de long terme.
Entretien avec Olivier Quoy, Mission tarification
Cependant, ce n’est pas uniquement en agissant sur la demande que l’écotaxe devait atteindre ces trois objectifs. Il s’agirait aussi de repenser l’aménagement du territoire et la délocalisation des activités, en d’autres termes de favoriser l’économie locale pour minimiser l’utilisation des transports en tout genre. C’est en ce sens qu’elle paraît être un outil adéquat pour réaliser un projet ambitieux.
Une contradiction dans les principes ?
Les opposants au projet d’écotaxe porté par le gouvernement, tels que les syndicats, ont avancé que la volonté de répondre à plusieurs problèmes avec une unique mesure visant les poids lourds provoquait des paradoxes. Le syndicat de transporteurs AUTF (Association des Utilisateurs de Transport de Fret) insiste sur ce point sur son site internet :
Présenter sans nuance l’écotaxe à la fois comme un instrument d’incitation au report modal et de financement des infrastructures de transport non routières recèle en effet une contradiction intrinsèque.
Leur analyse présente donc une opposition entre le principe d’utilisateur-payeur et celui de pollueur-payeur. En effet, il serait selon eux difficile de penser que l’écotaxe permette à long terme de financer l’entretien et le développement des infrastructures routières puisque, suivant le principe du report modal, les recettes fiscales devraient décroître au fil du temps. A fortiori, il semblerait impossible de dégager de ces recettes décroissantes le montant de l’investissement nécessaire pour développer des modes de transport alternatifs. Ils suggèrent donc d’apporter des modifications au projet pour qu’il devienne cohérent avec les objectifs affichés. Ils insistent notamment sur l’engagement volontaire des chargeurs à réduire leurs émissions de CO2 en renouvelant leurs camions le plus fréquemment possible. Or, de tels investissements seraient mis en péril par une diminution de leurs profits.
N.B: Tous les schémas de ce site sont interactifs.