Une controverse est souvent vue de façon négative par la société : on l’impute à un manque de pédagogie ou de volonté chez les décideurs, ou à des rapports sociaux conflictuels dont le fondement serait irrationnel. Les controverses peuvent pourtant être positives car elles enrichissent les rapports sociaux déjà complexes. D’ailleurs, de nombreuses situations impliquent une controverse publique qui, si elle est contournée au lieu d’être affrontée, peut être un élément bloquant. Il ne faut pas négliger l’aspect social de la connaissance et de l’information, sans cependant oublier que la moelle épinière de l’information scientifique, c’est la technique. Laisser la place à tous les points de vue et traiter un problème dans sa pluralité, c’est faire de la controverse un apprentissage.
Il ne s’agit donc pas d’évaluer la justesse d’une solution mais sa résistance aux conflits inter-acteurs.
Ce processus ne consiste pas en la juxtaposition de considérations divergentes, ni en la confrontation de points de vue trop consensuels en en négligeant certains, ce qui mènerait à un semblant de solution. De plus, la confrontation publique de points de vue fait s’affronter des savoirs pluriels (experts, profanes) qui s’enrichissent mutuellement : des citoyens peuvent très bien s’approprier voire produire des savoirs complexes. La confrontation incite les spécialistes à clarifier leur position, et peut toucher l’ensemble de la population, d’où une mise en exergue de la souveraineté citoyenne.
Dans notre cas, l’alcoolo-dépendance pose de nombreuses questions qui remettent en cause les notions bien établies de guérison, de maladie, de responsabilité individuelle et de l’État et jette un nouvel éclairage sur les rapports entre l’industrie, les associations gouvernementales de santé et les membres d’associations de profanes qui se font les porte-parole de milliers d’alcoolo-dépendants.