En France, l’alcoolodépendance est majoritairement considérée comme une maladie dont le traitement relève de l’intervention socio-médicale. Selon la Fédération Addiction, la prise en charge de l’alcoolodépendance est souvent placée en tête de liste des affections les plus dures à traiter par les médecins généralistes. Ceci a été confirmé lors de l’entretien avec le médecin urgentiste Dr Nadine Lasserre-Reinette. Selon les cas et le degré d’alcoolisme, et surtout la politique du médecin en charge, guérir peut prendre différentes acceptions.
Néanmoins, aujourd’hui, la visée de la majorité des traitements reconnus et approuvés par l’ANSM et la communauté scientifique médicale est l’abstinence totale. Ce but implique la prise en compte de l’individualité et du passé du patient, il s’agit d’établir un programme thérapeutique clair en accord avec le patient qui n’est pas fondé sur une procédure standardisée.
L’objectif thérapeutique est la rupture durable avec l’alcool. L’obtention de l’abstinence se fait en deux phases : sevrage et maintien. Le sevrage n’est pas un objectif en soi, mais est souvent considéré comme le moyen le plus efficace pour atteindre l’objectif thérapeutique global de santé. L’objectif alcoologique est généralement doublé d’un objectif addictologique (aspects comportementaux de la dépendance) mais aussi d’un objectif personnel : améliorer la qualité de vie et l’équilibre personnel du patient. Il est donc fondamental, pour un traitement médicamenteux de l’alcoolodépendance, de ne pas négliger l’aspect thérapeutique et psychologique. La prise en charge est pluridisciplinaire : médicale, sociale, psychologique.
En effet, un schéma classique de traitement est de considérer que les problèmes d’alcool ne sont que les conséquences de problèmes sociaux, affectifs, psychologiques…qui engendrent une dépression. Cet état s’accompagne d’une vision pessimiste et insupportable de la réalité . Le patient qui n’arrive pas à gérer ses soucis, oublie un temps dans les vapeurs de l’alcool, cache ses difficultés, mais cela ne l’aide pas du tout à les surmonter. Dès lors, un système cohérent (cercle vicieux) dépression-alcool se met en place. Le rôle des médicaments d’alcoologie se limite alors à sortir le patient de l’état d’ébriété et de dépendance afin de permettre au psychiatre de travailler avec un patient alerte et pouvoir s’attaquer “à la racine du mal”.
À vrai dire, traiter un patient alcoolodépendant, ce n’est pas que prescrire des médicaments. La prescription est l’aboutissement d’un long processus : établissement d’un climat de confiance permettant la déculpabilisation, puis construction d’un projet thérapeutique sur le long terme. La phase de sevrage est cruciale, car elle met à l’épreuve la volonté et la résistance du patient. C’est une phase de souffrance qui doit être voulue par le patient. En général, ce sont les benzodiazépines (médicaments psychotropes utilisés dans le traitement de l’anxiété, l’insomnie, le sevrage,etc.) qui accompagnent cette étape.
C’est dans la phase de maintien de l’abstinence que la psychothérapie prend toute son ampleur : il s’agit d’affronter concrètement l’appétence à l’alcool, et parfois d’aider à retrouver l’autonomie. Pour cela des médicaments comme l’Aotal ou le Revia sont utilisés, mais leur efficacité à long terme est discutée.
Le médecin doit ainsi favoriser le dialogue dont l’objectif absolu est l’abstinence, et qui doit composer entre les difficultés du suivi psychologique et la délicatesse de l’usage des médicaments dont les conséquences sont variables.
Néanmoins, cette conception traditionnelle de la guérison par l’abstinence commence à être remise en question, comme en témoigne cet extrait d’une interview du docteur Philippe Batel, chef du service d’addictologie de l’hôpital de Clichy-Beaujon et administrateur de la SFA (Société Française d’Alcoologie):