On note que nombre de constructeurs automobiles se sont lancés dans des projets électriques. Comment ont-ils évalué la rentabilité des projets ?

Des débuts difficiles, comme prévu

Prenons l’exemple de Renault. Le développement de la nouvelle Zoé a coûté 4,5 milliards d’euros, contre 1 milliard pour la Clio lancée en même temps. Les ventes de la Zoé restent cependant faibles face à celles de la Clio. Le projet électrique coûte pour l’instant plus qu’il ne rapporte. Ceci est expliqué par l’inertie induite par le changement de grille de lecture des caractéristiques techniques des véhicules, nécessaire pour qu’un consommateur investisse dans l’électrique : il faut créer le marché, ce qui prend du temps (contrairement à la Clio, pour laquelle le marché existe déjà).

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Un coup de pouce de l’État

Avant que le véhicule électrique ne puisse se démocratiser, il faut donc passer une période transitoire pendant laquelle le rapport du consommateur à son véhicule change pour s’adapter aux nouvelles caractéristiques du véhicule thermique (c’est pourquoi de nouvelles formes d’utilisation apparaissent, comme l’autopartage). Le projet ne deviendra rentable pour le constructeur qu’une fois passée cette période transitoire : pendant celle-ci, l’État a mis en place des subventions visant à promouvoir une mobilité durable. Béatrice Foucher (Directeur du Programme VE de Renault) et Dominique Lucas (Directeur du Produit VE) reconnaissent que, sans initiative gouvernementale, le véhicule électrique est plutôt non rentable pour l’utilisateur, mais il le devient avec les subventions. Selon D. Lucas, pour une Zoé, à partir de 12 000 km, le coût d’usage devient inférieur à celui d’une Clio, et en prenant le TCO (Total Cost of Ownership, qui inclut la totalité des coûts d’utilisation et d’entretien), le kilométrage à partir duquel l’électrique devient intéressant est inférieur à 10 000 km. Ce chiffre est à comparer avec le kilométrage moyen d’une voiture de ce segment, qui se situe entre 12 000 et 13 000 km. La rentabilité du véhicule électrique dépend cependant des usages : certaines utilisations le rendent moins coûteux, en coût d’utilisation, que le véhicule thermique (mais d’autres sont moins adaptées à l’électrique).

Une importance à nuancer

Comme nous l’ont montré B. Foucher et D. Lucas de Renault, le fait que, pour certains usages, le véhicule électrique ne soit pas rentable par rapport à un véhicule thermique, a une importance à relativiser. En effet, ce n’est pas pour cette raison que le client ne va pas l’acheter. Par exemple, tous les constructeurs vendent actuellement des diesels à des clients qui ne rentabilisent pas le surcoût initial. On peut voir deux raisons à ce phénomène :
- en achetant un diesel, le consommateur a la satisfaction de payer peu au quotidien ;
- le prix de revente d’un diesel est supérieur à celui d’un essence.
Comme il n’existe pas encore de marché de l’occasion pour l’électrique, seule la première raison se transpose à la voiture électrique. Si le critère de choix d’un véhicule est la dépense au quotidien, alors l’électrique est la jouissance totale, le prix d’un plein étant de l’ordre de 1€. Même si, sur un bilan global, le véhicule électrique n’apparaît pas toujours plus rentable que son homologue thermique dans l’état actuel des choses (la situation pourrait devenir plus favorable à l’électrique avec l’augmentation du prix du pétrole et la baisse des coûts de production du VE), des utilisateurs pourraient tout de même privilégier l’électrique pour cette raison.

Une vision à long terme

Renault a choisi d’investir massivement dans un projet qui, pour l’instant, n’est pas rentable. Ceci résulte d’une stratégie à beaucoup plus long terme. L’objectif final est de lancer un marché électrique s’étalant sur 5 à 10% des véhicules neufs vendus. Avec cela, les productions devraient augmenter et, leur prix baisserait d’autant. En parallèle, la technologie (notamment la batterie) tendrait à s’améliorer et coûter moins cher. Le but final est d’atteindre un marché conséquent, tout en ayant abaissé les coûts de productions de la voiture. Si Renault prend de l’avance technologique et s’impose comme leader sur le marché de l’électrique, cela pourrait lui rapporter beaucoup.

Pour conclure, les constructeurs n’ont pas trouvé leur compte à se lancer dans les productions de voiture électriques jusqu’à aujourd’hui, mais s’ils s’y lancent maintenant, c’est dans une vision à long terme : ils pourraient relancer le marché de l’automobile. On notera que, dans certaines régions françaises où le véhicule électrique est clairement promu, ses ventes décollent réellement : en mars 2013, 80% des véhicules neufs vendus en Alsace étaient électriques *.

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