Rentabilité : Discussion entre l’État et un écologiste

Greenpeace
Republique-Francaise

Cécile – En tant qu’écologiste, je trouve l’attitude de l’État vis-à-vis du véhicule électrique tout à fait critiquable du point de vue de la rentabilité. En effet, vous ne subventionnez que les constructeurs (l’investissement réalisé dans le programme Zoé développé par Renault, par exemple, est massif), or ceux-ci ont une vision du véhicule électrique bornée à des considérations de marketing. Par exemple, l’empreinte carbone de la Zoé demeure floue ; c’est plutôt la recherche, sur le recyclage et l’allègement des batteries par exemple, que l’Etat devrait subventionner.

François – Je suis François, haut représentant de l’Etat. Nous ne subventionnons pas les constructeurs de véhicules électriques (même si la localisation de la production de Renault dans les usines françaises de Cléon et de Flins pourrait le mériter), mais nous subventionnons l’achat d’un véhicule électrique pour le consommateur. La justification de cette subvention, c’est le fait que, lorsque j’achète une voiture électrique, je collectivise le bienfait (l’environnement sonore, la qualité de l’air profitent à tous), et je privatise les contraintes (charges régulières, autonomie limitée). (1) Cet apport à la collectivité mérite une subvention de celle-ci.

Cécile – Cependant, vous subventionnez un projet qui ne peut aboutir dans les conditions dans lesquelles il est lancé. Les technologies ne sont pas prêtes : nous ne savons pas comment recycler les batteries qui sont commercialisées, personne ne sait d’où viendra le surplus d’électricité nécessaire à l’utilisation des véhicules électriques (s’il est issu du nucléaire, les dangers nous en ont été démontrés de façon spectaculaire dans l’histoire récente) : la transition énergétique est nécessaire, mais elle doit se faire par étape. Ainsi, le véhicule électrique est aujourd’hui un concentré de technologies nouvelles, toutes très chères, et par conséquent, il n’est pas rentable, ce qui empêchera son développement. Vos subventions à l’achat de ces véhicules sont donc inutiles ; c’est dans la recherche en amont qu’il faudrait investir.

François – Certes, sans subvention, le véhicule électrique n’est pas rentable. Cependant, en comptant les subventions de l’Etat, vous ne pouvez pas affirmer qu’il n’est jamais rentable : il l’est, mais pour certains seulement, qui ont des usages particuliers. Cette part d’utilisateurs qui a intérêt à opter pour le véhicule électrique, constitue une raison suffisante pour développer et lancer une telle gamme de produits, que nous subventionnons pour les bienfaits qu’ils apportent et la transformation de l’environnement urbain qu’ils préparent.
De plus, l’évolution est favorable au véhicule électrique, dans la mesure où, même si le prix de l’électricité augmente, cette augmentation aurait beaucoup moins d’incidence que l’augmentation que l’on peut prévoir du prix du pétrole sur le véhicule thermique (la tendance est stable : 3 à 4% par an). En effet, un plein, pour un véhicule électrique, ne coûtera que quelques euros. Même en rapportant au nombre de kilomètres parcourus, le prix de revient de l’énergie électrique est 5 à 10 fois moindre que celui de l’essence. Un doublement du prix du baril de pétrole aura donc plus d’impact qu’un doublement des tarifs de l’électricité, ce qui ira dans le sens de la rentabilité du VE. De plus, le pétrole étant en voie d’épuisement, son prix augmentera plus vite que celui de l’électricité. Bref, si le VE est déjà rentable pour certaines utilisations grâce à nos subventions, il le sera de plus en plus à l’avenir.

Cécile – Ce dont vous ne tenez pas compte dans ces prévisions, c’est l’épuisement des ressources de la planète en matières premières, abondamment utilisées dans la fabrication de batteries. Par exemple, un seul pays dans le monde exploite le lithium : la Chine. On peut donc prévoir une explosion du coût de ces matières premières, qui aura certainement un impact sur le coût des batteries similaire à celui de l’épuisement des ressources pétrolières sur les tarifs à la pompe…

François – A priori, les réserves en matières premières sont suffisantes. Par exemple pour le lithium, si la Chine est actuellement le seul pays à l’exploiter, il existe d’autres réserves, en Bolivie par exemple, qui suffisent largement aux besoins pour la fabrication des batteries. Ainsi, l’augmentation du prix de ces matières premières devrait rester mesurée.

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Note :
(1) D’après Philippe Hirtzman (CGIET), qui nous a accordé un entretien. (retour au texte1)

   

École des Mines de Paris - Cours de controverse - 2012/2013

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