Les producteurs d’électricité, représentés en France par EDF et en Europe par l’association EURELECTRICS, sont bien évidemment directement concernés par le développement possible de la mobilité électrique. Mais la mesure dans laquelle il peut impacter le marché de l’énergie électrique reste assez floue, et reste à nuancer.
Une augmentation de la consommation en électricité
À première vue, les producteurs d’électricité ne peuvent voir le développement du VE que d’un bon œil, dans le sens où chaque véhicule électrique est amené à consommer entre 8 et 20 kWh aux cent kilomètres. Cette augmentation de la consommation de l’électricité est d’autant bénéfique que les véhicules électriques seraient essentiellement branchés de nuit, c’est-à-dire au moment où la production est excessive. Ainsi, non seulement le développement du véhicule électrique augmentera indéniablement la quantité d’électricité achetée, mais aura le bon goût de lisser la courbe de consommation. Ceci est un point essentiel : EDF ne sait que faire de l’électricité qu’elle produit de nuit, mais est obligé de la produire car il est impossible d’arrêter et de redémarrer une centrale nucléaire en une demi-journée. Cet aspect du développement du VE va dans le sens du fameux smart-grid que l’État et EDF cherchent à mettre en place : il s’agit d’un concept de production/consommation intelligente de l’électricité.
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Le développement des batteries : un espoir de stockage efficace
Les producteurs d’électricité voient une autre opportunité dans le phénomène VE, et non des moindres. Grâce aux investissements dans la filière électrique, les recherches sur les batteries ont connu un nouvel essor. Ainsi, la technologie de stockage s’améliore d’année en année (même si elle reste pour l’instant en deçà de ce qu’on peut en attendre). A terme, les producteurs d’électricité pourraient investir dans de grandes masses de stockage. N’oublions pas que le grand point faible de l’électricité est depuis toujours l’impossibilité pour l’homme de la stocker. Si les batteries se développent suffisamment, EDF en achètera encore une fois dans une optique de lissage de la consommation, voire dans une optique de trading sur l’énergie. Il est notable que cette vision est loin d’être insensée : l’entreprise Bolloré, constructeur des Autolib’, travaille sur le projet de vente de masses de stockage. En Allemagne, certains camions sont remplis de batterie également à cette fin. Toujours faut-il que la technologie de stockage connaisse une réelle percée, pour que ce système se mette en place.
Dans la même optique, les constructeurs automobiles pensent à vendre leurs batteries usagées, devenues trop peu performantes pour un véhicule. Les producteurs d’électricité seraient alors les premiers acheteurs de ces batteries, certes peu efficaces, mais d’un coût bien inférieur au prix du marché.
Un profit économique tout relatif
Néanmoins, tout ceci ne prendra réellement forme que si le développement du marché de la mobilité électrique est suffisant. Or, le marché du VE est estimé à 5% du marché automobile total d’ici à une dizaine d’années. Faisons un rapide calcul de l’augmentation de la consommation d’électricité due à ce nouveau marché. Un véhicule fait environ 40 km par jour, et consomme entre 0,8 et 2 KWh par kilomètre : un véhicule consomme donc entre 32 kWh et 80 kWh par jour. Le marché automobile étant composé de 38 millions de voitures, on aurait environ 2 millions de VE en France. La consommation des voitures électriques s’élèverait donc à environ 100 GWh par jour… Et EDF produit 90 GW, donc 90×24 = 2160 GWh par jour. L’apparition de la VE dans 5% du marché automobile représenterait donc une augmentation de moins de 5% de la consommation française. Et n’oublions pas que les prévisions à 5% sont souvent considérées trop optimistes.
D’autre part, le développement du VE est censé s’inscrire dans un mouvement plus large de création du réseau électrique intelligent en smart-grid. Or, ce système induit une décentralisation de la production, donc un réseau matériel à redessiner complètement. Ainsi, le smart-grid donnant un sens écologique au développement du VE, est infiniment plus coûteux que ce que peut rapporter l’augmentation de la consommation.
Des espoirs à modérer, mais des espoirs quand même
Finalement, le bénéfice que les producteurs d’électricité peuvent retirer du développement de la voiture électrique dépend énormément de la façon dont on appréhende le réseau électrique de demain. Certains points sont des invariants : la volonté d’utiliser des batteries comme on utilise les réservoirs de pétrole est soutenue par le développement de la technologie embarquée dans les voitures électriques, quel que soit leur développement. D’un autre côté, le profit réalisé par l’élargissement du marché est non négligeable, surtout s’il atteint les 5% d’augmentation de la consommation d’électricité. Mais cet élargissement est trop incertain pour que de grands travaux de réaménagement du réseau électrique se mettent en place sereinement. Néanmoins, si l’on garde le réseau actuel, les producteurs d’électricité ont tout à gagner dans le développement de la mobilité électrique.
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