Vous pouvez accéder à un schéma interactif des relations qu’entretiennent les divers acteurs entre eux en cliquant ici.
Les professeurs essentiels que nous avons cernés dans notre controverse sont les suivants. Bien entendu, ils ne sont pas les seuls, mais leur nom revenait souvent, ce qui laisse deviner leur notoriété dans le milieu. Ils sont parmi les plus impliqués, du moins en France, et nous avons pour certains eu la chance des les interviewer.
Cécile Dejoux est maitre de conférences en gestion, au CNAM de Paris. Elle a créé le premier MOOC de France, intitulé « Du manager au leader », auquel 36 615 individus ont assisté, répartis sur 55 pays, et comptant des membres des communautés d’étudiants, de retraités, d’entreprises, ou encore des bénévoles, et ce de tout âge. Son MOOC a été le second lancé sur le FUN. Cécile Dejoux est très optimiste et s’est rapidement investie dans cette aventure, cette innovation, sans avoir peur du changement. Elle croit en les MOOCs et en ses valeurs et vertus pédagogiques, bien qu’elle se pose toutefois des questions sur la portée professionnelle de cette méthode d’enseignement. En effet, elle s’attache particulièrement à la forme que doit prendre le MOOC pour être une méthode d’enseignement pertinente.
Il a une formation initiale de biologiste, puis a réalisé un Master en écologie (impact du changement climatique sur la biodiversité). Cependant à la fin de ses études, il s’est complètement réorienté vers le numérique pour étudier la notion d’autoformation, dans laquelle il a fait son doctorat. Actuellement, il est un thésard reconnu et spécialiste des MOOCs. C’est un doctorant de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan, du laboratoire Sciences, Techniques Education et Formation. A l’en croire, suite à l’entretien que nous avons réalisé, il n’y aurait pas de réelle incompatibilité entre sa formation de biologiste initiale et son actuel statut. En effet, étant donné que selon lui il n’y a pas « de formation au numérique », ce n’est pas un problème d’être reparti de zéro. Sa position pourrait être résumée par la citation suivante : « Les MOOC ne sont pas en soi une menace pour les établissements d’enseignement supérieur, ils ne remplaceront ni les enseignants ni les universités. L’objectif n’est pas de réduire la masse salariale, mais d’améliorer la pédagogie sur les campus et d’accroître le rayonnement de nos établissements, et ce malgré la crise budgétaire que nous traversons. Mais le risque de standardisation de l’enseignement est bien réel, d’autant plus réel qu’il n’y aura pas d’offre française de qualité » : autant d’enjeux soulevés par la controverse.
Pascal Engel est un philosophe français spécialisé dans la philosophie de l’esprit et de la connaissance, ainsi que dans la philosophie du langage et de la logique. Il est depuis 2012 directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), où il est d’ailleurs membre du Centre de recherche sur les arts et le langage (CRAL), au sein duquel il effectue ses recherches. Il s’interroge essentiellement sur la question de savoir si les MOOCs ont pour vocation d’être un complément aux cours actuels de l’enseignement supérieur ou de les remplacer, proposant alors un nouveau modèle d’enseignement universitaire. En effet, selon lui, la mise en place des plateformes constitue déjà en soi des violations aux principes de base de l’enseignement supérieur, à savoir notamment : le droit pour tout étudiant à avoir accès au professeur, le droit des enseignants à être les auteurs de leurs cours (et à ne pas se voir déposséder par des tiers), la liberté académique (celle de proposer les enseignements que l’on souhaite) et le droit au savoir (et pas à une information distribuée)[1].
On peut observer les relations qu’entretient Pascal Engel avec les autres acteurs sur ce schéma de Navicrawler. Vous pouvez accéder aux sites présents sur le schéma en cliquant sur l’URL correspondant.
Pascal Engel est l’un des acteurs anti-MOOCs les plus importants de notre controverse. Il publie ses articles sur le site Qualité de la Science Française (www.qsf.fr), lequel renvoie beaucoup :
- Vers les plateformes et les écoles, ce qui s’explique aisément par son affinité avec le sujet des MOOCs et la grande attention qu’il porte à ceux-ci pour fonder son raisonnement. On remarque en effet qu’il cite de nombreux exemple à l’appui de ses arguments.
- Vers la presse généraliste. On peut supposer que les avis sur la scène médiatique étant plutôt favorables aux MOOCs, son opinion contradictoire et relativement marginale obtient alors une plus grande résonance.
Henri Isaac est un enseignant-chercheur, actuellement maitre de conférences à l’Université Paris-Dauphine. Il est également membre du centre de recherche « Dauphine Recherches en Management » (DRM), au sein duquel et pour lequel il travaille. Il travaille actuellement sur toutes ces formes d’innovations numériques dans l’enseignement supérieur. D’ailleurs, cet intérêt avait déjà pu s’observer dans un rapport écrit à la demande de Madame la Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, intitulé « L’université numérique »[2] ; un rapport qui précisons-le a été publié en 2008, soit avant la mise en place des MOOCs. Ce rapport se propose d’abord de dresser un bilan des initiatives prises par le gouvernement depuis les années 2000 pour promouvoir le numérique dans l’enseignement supérieur, avant de relever les freins qui entravent encore le développement du numérique, notamment sur les plans stratégique, organisationnel, pédagogique et juridique. Enfin, il met l’accent sur les problèmes de la propriété intellectuelle liés au développement du numérique dans le système universitaire. Aussi, il propose une politique visant à faciliter l’accès à toutes les ressources pédagogiques sur des Espaces Numériques de Travail (ENT), visant à démocratiser l’accès à internet chez tous les apprenants.
Sebastian Thrun est un chercheur en informatique allemand. Professeur à l’université Stanford et directeur du Stanford Artificial Intelligence Laboratory (SAIL), il a dirigé le développement du véhicule robotisé « Stanley » qui a remporté le DARPA Grand Challenge 2005. Il est le créateur de la plateforme Udacity, et considéré comme l’initiateur de la « MOOC mania » depuis 2011. Aux vues de son engagement, il est facile de comprendre qu’il est naturellement favorable aux MOOCs. Il veut rompre avec l’éducation traditionnelle et libérale que les riches et les puissants donnent. Il pense que le système universitaire va sûrement évoluer en des formes de cours plus courts, focalisés sur un développement plus professionnalisant. Sa vision future du monde scolaire académique est la suivante : la révolution MOOC conduirait à faire émerger une communauté où les meilleurs professeurs du monde feront des cours en ligne, suivis par des centaines de milliers d’étudiants du monde entier. L’idée est de briser les frontières économiques, géographiques raciales et de genres, pour démocratiser l’éduction supérieure, avec une gratuité de l’enseignement, ou du moins de très faibles frais d’inscription. Il s’agit comme d’une mission pour lui, puisqu’il est convaincu que les cours en ligne sont plus efficaces que les cours traditionnels.
François Taddéi est un biologiste français. Il est directeur du CRI, Centre de recherches interdisciplinaires à Paris. Il milite activement pour l’innovation dans l’éducation, d’où son intérêt pour les MOOCs et la raison pour laquelle nous l’avons interrogé. Participant à différents groupes de travail sur l’avenir de la recherche et de l’enseignement supérieur, François Taddéi a notamment contribué à « France 2025 », aux réflexions de la Commission européenne sur le rôle de la créativité dans l’éducation, à l’élaboration de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur et au conseil d’orientation stratégique de France Université Numérique. Notamment dans un rapport sur l’éducation remis à l’OCDE, il indique qu’au XXIe siècle tout le monde doit avoir appris à apprendre, à coopérer, et à utiliser tous les savoirs disponibles, notamment ceux rendus accessibles par les nouvelles technologies. Il est donc un fervent défenseur des MOOCs, tout en invoquant les limites auxquelles ils nous confrontent. Selon lui, s’engager dans la MOOC mania est un risque à prendre, nécessaire et intéressant ; et il compte le prouver scientifiquement. Pour ce faire, il met à profit et transpose les résultats issus de sa thèse sur l’évolution des bactéries, c’est-à-dire la manière dont elles augmentent leur taux d’erreur pour s’adapter à un environnement qui change : si elles n’augmentent pas leur taux d’erreur pour s’adapter, elles se font éliminer. De même, dans un environnement de l’enseignement supérieur qui est changeant, les universités et professeurs doivent prendre des risques, et donc aller de l’avant.
Rémi Sharrock est un enseignant-chercheur de l’école Télécom ParisTech, au département informatique et réseau. IL est aussi membre d’un groupe de recherche qui s’appelle S3, c’est-à-dire « System, Software, Services ». Ses grands sujets de recherche sont les grands systèmes informatique (utilisés massivement), dont une des applications est justement le MOOC ; le caractère massif nécessitant une infrastructure matérielle et logicielle spécifique. Au départ, il faisait beaucoup de vidéos de tutoriels pédagogiques (il a aussi un diplôme en communication), lequel format s’est avéré indispensable lors de la « sortie » des MOOCs. C’est donc par ce biais ci qu’il s’est intéressé aux MOOCs. Son idée est d’essayer de comprendre comment il serait possible de transformer tous les matériaux pédagogiques textuels existant en des formats différents, notamment vidéo ou audio. Cet objectif s’inscrit dans une perspective plus large, relative à la pédagogie, la question centrale étant de savoir ce qui peut engendrer de la cognition, une activation du cerveau de l’étudiant quand il apprend. Rémi Sharrock reconnaît que les MOOCs sont très innovants, mais ne les perçoit absolument pas comme un substitut à la formation initiale. Etant lui-même professeur, il insiste sur l’importance du lien social physique, qui ne doit pas tendre à se dissoudre ou se réduire au virtuel.
El Mahdi El Mhamdi
El Mahmdi el Mhamdi est un étudiant ayant eu son diplôme d’ingénieur à Polytechnique en 2010, en sciences fondamentales, puis ayant intégré l’Ecole Polytechnique Francaise de Lausanne (EPFL), où il a réalisé son Master. Après avoir réalisé des expériences concernant la Physique expérimentale, il s’est ensuite intéressé à l’éducation. En effet, dès 2013, il a rejoint un laboratoire de programmation qui réfléchit sur les outils éducatifs en ligne. Dans cette perspective, il a d’ailleurs, avec un collègue du nom de Rachid Guerraoui, lancé la plateforme Wandida. Il s’agit d’une sorte de librairie de vidéos traitant de concepts ou de notions, et ce de manière ponctuelle. De fait, il souhaite présenter dans son site les « treshold knowledge », c’est-à-dire les connaissances de base pouvant manquer à quelqu’un pour comprendre un concept plus compliqué. L’idée n’est donc pas complètement similaire à celle des MOOCs, mais reste dans l’optique d’aider les étudiants à se former, et à éviter le décrochage. Avec Wandida, l’élève peut « rattraper » seul les notions qu’il a manquées et donc réintégrer le rythme de sa formation. Les différences avec les MOOCs sont notamment claires quant au public visé, qui est bien plus jeune et touche essentiellement les étudiants en licence. Aussi, cette plateforme est plutôt à appréhender comme un « moteur de recherche » qu’un cours à suivre en soi, et le format des vidéos est bien plus court. El Mhamdi est globalement très favorable aux MOOCs, même s’il se méfie de leur évolution.
[1] ENGEL Pascal, “Les MOOCs : cours massifs ou armes de destruction massive ?”, dans http://www.qsf.fr/, mis en ligne le 24 Mai 2013. Disponible sur http://www.qsf.fr/2013/05/24/les-moocs-cours-massifs-ou-armes-de-destruction-massive-par-pascal-engel/
[2]ISAAC Henri, « L’université numérique : rapport à Madame Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche », 2008, 54 pages. Disponible sur http://media.education.gouv.fr/file/2008/08/3/universitenumerique_22083.pdf (consulté le 6/05/2015).