Démocratisation ou mort du système éducatif ?

MOOC et apprentissage

Quelles conséquences le MOOC a t-il sur l’apprentissage ?

 

Les conséquences des MOOCs sur l’apprentissage sont multiples. Certaines d’entre elles sont « idéologiques » dans la mesure où elles découlent directement du point de vue adopté par les acteurs sur la théorie de l’apprentissage en général. Toutefois, certaines sont aujourd’hui vérifiées empiriquement.

 

Un « plus » des MOOCs : la diversification des approches

 

Les MOOCs provoqueront inévitablement une diversification des points de vue enseignés sur un sujet. En effet, si l’Université de Shangai et Harvard lancent chacune un MOOC sur l’évolution des technologies, les deux cours n’auront très certainement ni la même approche, ni le même contenu. Cela permettrait, selon François Taddéi, une diversification des approches et une meilleure appréhension du sujet.

Il s’agit néanmoins de souligner que la massification pourrait également avoir un effet d’homogénéisation des savoirs. En effet, l’enseignement supérieur étant un monde de lutte et de concurrence, l’une des façons pour un acteur de se donner une certaine légitimité serait de se calquer sur les modèles reconnus par tous comme étant de qualité, comme par exemple les universités du MIT.

 

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Les difficultés posées par les MOOCs

 

L’accroissement des inégalités face à l’apprentissage

Les inégalités face à l’apprentissage peuvent être de trois ordres : elles peuvent être relatives à l’accessibilité des contenus, à l’orientation et à la culture.

L’accessibilité des cours

Les statistiques montrent que ceux qui suivent les MOOCs jusqu’au bout et les réussissent le mieux sont les plus diplômés.

 

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Le public des MOOCs en fonction de son niveau d’éducation

 

En effet, les MOOCs supposent une autodiscipline, une capacité de travail et une auto motivation très importantes, lesquelles qualités sont acquises lors de l’enseignement. Ceux qui sont le plus éduqués sont donc immédiatement favorisés. Le MOOC peut dès lors difficilement être vu comme une formation initiale puisqu’il requiert des acquis. Par ailleurs, dans la mesure où le travail serait un cadre, tous les étudiants ne sont pas égaux face à cela. Ceux qui disposent d’un environnement calme et d’un entourage pouvant leur prêter main forte face aux difficultés seraient donc immédiatement avantagés, comme le rappelle la sénatrice Fabienne Keller qui a travaillé sur les jeunes des quartiers défavorisés.

Pour plus d’information, se référer à l’article dédié aux publics visés par les MOOCs.

 

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L’orientation

En outre, l’enseignement suppose un encadrement, notamment en ce qui concerne l’orientation des étudiants. Les étudiants risqueraient dès lors d’êtres perdus face à une telle diversité[1].

De plus, certains, comme Matthieu Cisel, estiment que beaucoup d’étudiants ne sont pas demandeurs mais passifs et prennent ce qu’on leur donne. Or, les MOOCs supposent une démarche active. Avoir une plus grande diversité ne servirait à rien parce que les étudiants, en plus d’être perdus, ne seraient pas dans cette démarche active. Par conséquent, les MOOCs risqueraient de ne faire qu’accroître la confusion face à la diversité des savoirs et des enseignements proposés.

Les barrières culturelles

L’une des caractéristiques des MOOCs est la massification du cours ou, autrement dit, l’explosion du nombre d’étudiants, de leur diversité et notamment culturelle et géographique. Or, on n’apprend pas de la même façon aux Etats-Unis qu’en Chine, ni même en Allemagne qu’en France. Par exemple, si l’enseignement des langues est très porté sur l’écrit en France, c’est davantage l’oral qui est enseigné en Allemagne. Dès lors, les MOOCs produits dans un pays avantageraient forcément les étudiants de ce pays par rapport aux autres.

 

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Le lien social

Selon Kolb, a trois critères sont essentiels dans l’apprentissage : le social, le cognitif et la présence de l’enseignement[2]. Si les deux premiers semblent pouvoir être reproduits (le premier dans les forums et le second lors des cours et des quizz), le troisième n’est pas reproductible virtuellement. En effet, le rôle de l’enseignant serait d’aider l’étudiant à reconstruire le savoir lui-même. Or, un tel encadrement n’est pas possible dans la mesure où il y a un professeur pour des milliers d’élèves. Dès lors, le lien social tel que pensé dans les forums ne serait pas suffisant.

En outre, l’éducation n’est pas seulement une question d’acquisition de savoirs[3]. En effet, il y a également une grande partie de savoirs-faires sociaux. Par exemple, les grandes universités organisent des débats, des concours d’éloquence, des travaux en groupes, des gestions d’équipe, qui permettent aux étudiants d’apprendre à travailler en relation avec d’autres. De plus, ils le permettent de nouer des relations, ce qui est non négligeable dans nos sociétés. Or, de tels travaux semblent, là encore, difficiles à reproduire sur internet.

Enfin, une autre critique porte sur ce que permet le lien social lui-même. En effet, le professeur Pascal Engel affirme qu’il est nécessaire au bon apprentissage car l’enseignant est face à son auditoire et peut s’y adapter. Par exemple, lorsqu’il voit qu’un point n’a pas été compris, il peut tenter de le réexpliquer différemment. Une telle démarche serait rendue impossible par les MOOCs. Toutefois, cette critique est contredite par les promoteurs des MOOCs, comme Anant Agarwal, qui affirment que ces derniers permettraient à chacun d’avancer à son rythme, en faisant des pauses, en rembobinant la vidéo[4], etc. Comme nous le verrons dans les solutions apportées, il s’agit aujourd’hui de concilier ces deux approches.

 

Le niveau de l’enseignement

Enfin, la question du niveau de l’enseignement délivré par les MOOCs interroge. Rémi Sharrock craint un nivellement par le bas : ce serait le cas des MOOCs comme cours initial. Il s’agirait d’adapter le niveau des cours sur le niveau le plus bas qui peut être attendu des étudiants afin de le rendre le plus accessible possible pour répondre au caractère « massif ». Néanmoins, comme nous l’avons dit précédemment, cela semble compliqué car les MOOCs requièrent des compétences acquises au cours d’une scolarité. De plus, ce nivellement par le bas aurait pour conséquence de baisser le niveau général des MOOCs et de l’enseignement lui-même si les MOOCs venaient à remplacer l’enseignement traditionnel, ce qui irait à l’encontre de l’idéal de la propagation d’un enseignement de qualité pour tous.

 

 

Surmonter les difficultés →


[1] KOP Rita, FOURNIER Hélène, SUI FAI MAK John, « A pedagogy of abundance or a pedagogy to support human beings ? Participant support on Massive Open Online Courses », International Review of Research in Open and Distributed Learning, 12 (7), 2011, p. 74-93. Disponible sur : http://www.irrodl.org/index.php/irrodl/article/view/1041/2025 (consulté le 6/05/2015).

[2] KOP Rita, FOURNIER Hélène, SUI FAI MAK John, « A pedagogy of abundance or a pedagogy to support human beings ? Participant support on Massive Open Online Courses », International Review of Research in Open and Distributed Learning, 12 (7), 2011, p. 74-93. Disponible sur : http://www.irrodl.org/index.php/irrodl/article/view/1041/2025 (consulté le 6/05/2015).

[3]COLAJANNI Gautier, DELABRE Cyrille, LOBJOIT Dorian, GUILLEMOT Laura, ROMDHANE Nour , « Les MOOCs remettent-ils en cause le système de l’enseignement supérieur ? », INSA Rennes, 10/02/2014, 48 pages. Disponible sur http://moocs.insa-rennes.fr/download/moocs.pdf (consulté le 6/05/2015).

[4] AGARWAL Anant, “Why massive open only courses (still) matter”, Ted talks: ideas worth spreading, Juin 2013.