Rémi Sharrock est un enseignant-chercheur de l’école Télécom ParisTech, au département informatique et réseau. Il est aussi membre d’un groupe de recherche qui s’appelle S3, c’est-à-dire « System, Software, Services ».
El Mahmdi el Mhamdi est un étudiant diplômé de Polytechnique, en sciences fondamentales, ayant ensuite intégré l’Ecole Polytechnique Francaise de Lausanne (EPFL), où il a réalisé son Master et créé la plateforme Wandida.
Rémi Sharrock est extrêmement favorable aux MOOCs et défend l’idée selon laquelle il ne s’agirait pas d’une menace pour l’enseignement traditionnel. Lorsque nous l’avons rencontré, il avait invité El Mahdi El Mhamdi à participer à l’entretien. Ce double entretien nous a ainsi permis d’assister à des débats et échanges, qui ont permis de faire naitre des idées nouvelles et inédites.
Ces deux acteurs ont créé ensemble une vidéo pour pallier à des « treshold knowledge ». Ce sont des connaissances nécessaires à la compréhension de certaines unités de cours et qui manqueraient à certains étudiants. Cette vidéo est postée sur la plateforme de El Mahdi El Mhamdi, Wandida. La pédagogie permise par les MOOCs les intéresse donc. En effet, Rémi Sharrock explique vouloir comprendre ce qui « crée de la cognition » dans le cerveau des élèves. L’idée est donc de proposer à l’élève une nouvelle façon de s’approprier un savoir. Si ces deux acteurs sont conscients que les MOOCs ou les vidéos sur Wandida sont des dispositifs innovants, ils s’accordent néanmoins sur le fait qu’ils ne peuvent pas se substituer à l’ensiegnement traditionnel. Rémi Sharrock avance notamment son statut de professeur pour affirmer que les MOOCs ne constituent pas une menace pour la formation initiale, notamment dans le cadre du système éducatif français privilégiant largement le lien physique social entre apprenants et instituteurs.
Dans cette optique, les MOOCs seraient davantage un outil utile à la formation continue. La question de la complémentarité ou de la substitution ne semble pas être tranchée, mais il y a consensus autour du fait qu’il faudrait simplement envisager cette innovation technologique comme une nouvelle modalité d’apprentissage. Selon eux : « si un enseignant est remplaçable par une machine, ainsi soit-il ». Dans cette optique, les MOOCs ne peuvent remplacer l’enseignement présentiel que si celui-ci est insuffisant. Dès lors, les MOOCs menaceraient l’enseignement autant que l’imprimerie aurait pu le faire à son apparition. Toutefois, ils pensent qu’il n’y a pas de doute : le cours en présentiel ne cessera pas d’exister. Ils analysent les MOOCs en termes de transformation et non pas de révolution, dans la mesure où une transformation est toujours censée apporter une amélioration, une plus-value.
Concernant la démocratisation, les deux interviewés ont soulevé les problèmes que le caractère « Open » peut poser. En effet, l’objectif initial des MOOCs était de toucher « tout le monde » (voir l’article sur les publics visés), mais les problèmes techniques, juridiques et politiques entourant ce phénomène rendent difficile l’idéal visant à « connecter les deux tiers restants ». Mais selon eux, il faudrait garder espoir puisque les avancées technologiques récentes, notamment par les satellites, devraient permettre de garantir à tout le monde un accès effectif à Internet.
Par ailleurs, ils admettent que le côté « Massif » est effectif même s’il faut le nuancer par le fait que le public suivant les MOOCs « de A à Z » est souvent mal cerné. Aussi, il ne faut pas oublier que se lancer dans les MOOCs résulte de la stratégie d’un établissement en particulier, tout comme l’utilisation de cette innovation en tant qu’un outil marketing pour se donner plus de visibilité. Sharrock et El Mhamdi sont précautionneux et appellent à ne pas être dupes de ce côté « utilitariste » des MOOCs.
D’ailleurs, il faut bien remarquer qu’il n’existe, à l’heure actuelle, aucun business modèle stable pour les MOOCs. Néanmoins, il ne faut pas se méprendre en croyant que les MOOCs répondent à un besoin d’efficience économique, puisque les MOOCs coûtent très cher. Ils ne sont pas encore rentables financièrement, c’est pourquoi il faut chercher un modèle pour l’avenir (pour plus d’informations, voir l’onglet y relatif).
Un point est néanmoins resté sans consensus : la qualité de l’apprentissage sur internet et la pertinence des MOOCs face au recrutement. En effet, si El Mahdi El Mhamdi revendique l’apprentissage en ligne et l’autoformation, Rémi Sharrock nuance en précisant qu’il n’existe pas encore de modèle unique d’utilisation des MOOCs. Cela est notamment le résultat d’un fort ancrage de la méritocratie dans les mentalités, faisant que les employeurs regardent le CV plus que l’apprentissage autonome. On est donc encore dans une « culture du diplôme ».