Démocratisation ou mort du système éducatif ?

Un modèle économique ?

La question de la gratuité

En effet, ainsi que le souligne Mathieu Cisel[1], le débat sur la question de savoir si la gratuité est une condition nécessaire au caractère « Open » n’est pas tranché. El Mahdi El Mhamdi affirme que « le VRAI « Open » serait de ne pas avoir de compte sur Coursera » car une telle entreprise fait des profits sur les MOOCs, ce qui suppose forcément un coût pour l’utilisateur.

 

Les dispositifs pour faire du profit

Il est dit que les revenus des MOOCs proviennent en majorité de leurs produits dérivés[2]. Quels sont-ils ?

 

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Un premier produit dérivé, le plus évident, que rappelle François Taddéi, est celui de la rentabilisation de la certification. Cela pèse de façon assez évidente sur l’objectif initial de « démocratisation », car une certification payante exclurait les moins fortunés dans la mesure où même s’ils suivent les cours gratuits ils auront moins la possibilité de le valoriser dans leur formation sans certification. Ce modèle économique se nomme le frenium. Il associe une offre gratuite d’enseignement à une offre payante de certification. Nous observons donc une tension autour de l’évaluation, entre la démocratisation de l’enseignement et le financement. Engel explique même que seuls les cours d’introduction sont gratuits car dès que le niveau augmente, la gratuité disparait et l’évaluation devient extrêmement chère.

François Taddéi affirme qu’une autre façon de rentabiliser les MOOCs est de vendre des produits dérivés à proprement parler, comme des vidéos « en plus », des livres[3], etc. sur le modèle de ce qui se fait déjà avec les manuels, ainsi que le rappelle Pascal Engel. Si cela ne semble pas porter atteinte à l’essence même des MOOCs, soulignons toutefois que ces dispositifs sont loin d’être les plus rentables. Un produit dérivé qui n’est pas encore vendu mais qui pourrait l’être , à termes, est la pratique d’apprentissage utilisée par les MOOCs : si une méthode d’enseignement fonctionne bien, elle pourrait alors être commercialisée[4]. Elle serait alors transposée à d’autres universités et les professeurs pourraient en utiliser tout ou partie, de la même façon qu’il utiliserait un manuel[5].

Une autre source de rémunération est celle suggérée par ce qu’on appelle les « recruteurs de talent »s[6]. Cela consiste en la vente d’informations aux entreprises sur ceux qui postulent chez elles[7]. François Taddéi parle de la vente des CV des étudiants. Cela peut poser des problèmes en relation avec la protection de la vie privée, que nous n’aborderons pas ici.

Enfin, une dernière solution porte sur les relations avec les entreprises[8]. Sebastian Thrun proposait alors de passer des accords avec elles consistant à créer et à diffuser les MOOCs relatifs à leur domaine d’activité, et ce moyennant rémunération. Là encore, cela peut poser des problèmes du point de vue de la privatisation de l’éducation en ne créant des MOOCs que sur les sujets qui sont financés par les acteurs privés (pour plus d’information, rendez-vous ici).

 

Le modèle de la chaîne de valeurs[9]

Les MOOCs apportent plusieurs nouveautés dans le milieu universitaire : le parcours personnel des étudiants est mis en valeur, ce qui donne jour à de nouvelles normes de recrutement. De même, l’esprit philanthropique des universités est mis en avant et c’est une nouvelle source de revenus pour elles.

Mais comment intégrer ces avantages à un cursus universitaire ? Les auteurs Stephan Bourcieu et Olivier Leon suggèrent aux universités de revoir ce qu’ils appellent leurs « chaînes de valeurs », ou autrement dit un classement des priorités et d’arranger leurs budgets en conséquence en établissant :

  • D’une part les activités primaires : recrutement et sélection, programme d’enseignement, etc.
  • D’autre part les activités de soutien : design du programme d’enseignement, recherche, accompagnement et suivi des étudiants.

Pourtant avant cela, d’autres problèmes se posent : que faire de la relation enseignant/élève et comment évaluer les apprenants ?

 

Le problème des droits d’auteurs

 

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Selon Henri Isaac[10], le problème du business model est abscons car il suggère un problème sous-jacent bien plus important : la problématique des droits d’auteurs. Il prend l’exemple d’un enseignant qui rédige un manuel sur l’e-commerce puis décide de créer un MOOC en suivant la trame de son manuel. Celui-ci risquera d’avoir des problèmes avec son éditeur, car celui-ci possède déjà des droits voisins sur le manuel. Ce qu’il souligne avec cette problématique est le modèle du : « there’s no such thing as a free lunch » : la seule façon de gagner de l’argent avec les MOOCs serait alors de monétiser de tels droits.

C’est d’ailleurs à cela que reviennent certaines méthodes de rentabilisation des MOOCs, comme celles de la vente des MOOCs ou des méthodes d’enseignement[11]. On est donc dans une véritable « chasse aux droits d’auteurs », qui se traduit notamment dans la compétitivité entre plateformes. Gilles Dowek[12] affirme que l’idéal serait qu’il y ait une plateforme par continent mais que le risque de n’en avoir qu’aux Etats-Unis reste non négligeable. Cela s’explique notamment par l’élitisme dont les MOOCs résultent, dans la mesure où ils sont, au moins pour une partie, un produit d’appel (pour plus d’information, rendez-vous ici).

 


[1] CISEL Mathieu, « Guide du MOOC », France Université Numérique (FUN), octobre 2013, 46 pages. Disponible sur http://www.france-universite-numerique.fr/IMG/pdf/guide_mooc_complet_vf.pdf (consulté le 6/05/2015).

[2]IHEST (Institut des Hautes Etudes pour la Science et la Technologie), « Rapport d’étonnement de l’atelier : les cours en ligne ouverts et massifs », cycle national de formation 2013-2014, promotion Boris Vian, 17/07/2014, 74 pages. Disponible sur http://www.ihest.fr/IMG/pdf/20140717-rapport_etonnements_mooc.pdf (consulté le 6/05/2015).

[3]IHEST (Institut des Hautes Etudes pour la Science et la Technologie), « Rapport d’étonnement de l’atelier : les cours en ligne ouverts et massifs », cycle national de formation 2013-2014, promotion Boris Vian, 17/07/2014, 74 pages. Disponible sur http://www.ihest.fr/IMG/pdf/20140717-rapport_etonnements_mooc.pdf (consulté le 6/05/2015).

[4]DAVIDENKOFF Emmanuel, « Avec les Mooc, ‘la formation tout au long de la vie va exploser’ : interview avec Daphne Koller », dans http://lexpress.fr , 12 /12/2014. Disponible sur : http://www.lexpress.fr/emploi/formation/avec-les-moocs-la-formation-tout-au-long-de-la-vie-va-exploser_1631039.html (consulté le 6/05/2015).

[5]AGARWAL Anant, “Why massive open only courses (still) matter”, Ted talks: ideas worth spreading, Juin 2013.

[6]IHEST (Institut des Hautes Etudes pour la Science et la Technologie), « Rapport d’étonnement de l’atelier : les cours en ligne ouverts et massifs », cycle national de formation 2013-2014, promotion Boris Vian, 17/07/2014, 74 pages. Disponible sur http://www.ihest.fr/IMG/pdf/20140717-rapport_etonnements_mooc.pdf (consulté le 6/05/2015).

[7]DAVIDENKOFF Emmanuel, « Avec les Mooc, ‘la formation tout au long de la vie va exploser’ : interview avec Daphne Koller », dans http://lexpress.fr , 12 /12/2014. Disponible sur : http://www.lexpress.fr/emploi/formation/avec-les-moocs-la-formation-tout-au-long-de-la-vie-va-exploser_1631039.html (consulté le 6/05/2015).

[8]DURANCE Philippe, « Les MOOCs (massive open online courses), entre mythes et réalités », Annales des Mines – Gérer et comprendre, 115, 2014/1, p. 22-39.

[9]BOURCIEU Stéphan, LEON Olivier, « Les MOOC, alliés ou concurrents des business schools ? », L’Expansion Management Review, 149, 2013, p. 14-24, doi: 10.3917/emr.149.0014.

[10]ISAAC Henri, « L’université numérique : rapport à Madame Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche », 2008, 54 pages. Disponible sur http://media.education.gouv.fr/file/2008/08/3/universitenumerique_22083.pdf (consulté le 6/05/2015).

[11]AGARWAL Anant, “Why massive open only courses (still) matter”, Ted talks: ideas worth spreading, Juin 2013.

[12]DOWEK Gilles, « Une brève histoire des MOOCs », Recherche en cours, 9 janvier 2015.