Rappelons-le, un des objectifs essentiels des MOOCs était de permettre une véritable démocratisation de l’enseignement. En effet, certains, à l’instar de François Taddéi, pensent que les MOOCs sont un moyen de combattre les inégalités sociales et de permettre à tous d’accéder à des métiers auxquels, sans la communauté d’apprenants, certains n’auraient pu avoir accès. Au contraire, d’autres comme Valluy[1] ou encore Pascal Engel, voient plutôt les MOOCs comme une forme de dégradation sociale et de débudgétisation participant à la promotion des universités plutôt qu’à la formation des étudiants.
Mais après quelques mois de lancement, il convient de faire un constat d’étape quant à cette démocratisation. En effet, malgré les avis divergents, les tentatives sont certaines et ont plus ou moins abouti.
On constate tout d’abord que la gratuité et la propagation des cours semblent avoir réussi à minima. Même si c’est dans une moindre mesure puisqu’il est en réalité impossible de « toucher tout le monde », les cours restent globalement accessibles à tous ceux qui ont une connexion internet[2]. En outre, ils permettent à n’importe qui de suivre les cours des professeurs éminents des institutions prestigieuses, telles que les universités du MIT ou encore les Grandes Ecoles comme Polytechnique.
Toutefois, tous ceux qui prédisaient que les MOOCS allaient rendre obsolètes l’université se sont trompés. C’est notamment ce que Matthieu Cisel est attaché à rappeler et ce pour plusieurs raisons :
- Les différences culturelles limitent beaucoup l’accès au savoir, avec notamment la barrière de la langue. Pour plus d’informations, rendez-vous sur Les MOOCs et l’apprentissage.
- Certaines connaissances ne sont pas encore transmissibles par les MOOCs, ce qui laisse toute sa place à la formation initiale[3], aussi décrite comme « celle où l’on apprend à apprendre ». Pour plus d’informations, rendez-vous sur Les MOOCs et l’apprentissage.
- L’accès aux cours est limité par l’accès aux technologies[4]. Pour plus d’informations, rendez-vous sur L’accessibilité des MOOCs.
- Donner l’accès ne suffit pas : il faut donner aux étudiants les moyens de suivre les cours d’excellence proposés. En l’absence de telles mesures, le taux de suivi est très largement affecté. Pour plus d’informations, rendez-vous sur Le suivi des MOOCs.
Par ailleurs, à ces limites à la démocratisation s’ajoutent celles de nature politique, voire idéologique, lesquelles sont non négligeables. En effet, les pouvoirs politiques propres à chacun des pays du monde peuvent utiliser les MOOCs comme vecteur de « propagande », en instrumentalisant la connaissance qu’ils diffusent. Un exemple révélateur pourrait être celui relatif à l’Histoire. En effet, dans ces matières, les connaissances sont plutôt relatives, tant le vécu des peuples peut différer. Par exemple, si en France on parle de génocide arménien, tel n’est pas le cas en Turquie. De même, la seconde guerre mondiale n’est pas expliquée de la même façon en France qu’en Allemagne. De telles différences résultent de choix stratégiques et politiques, complexifiant alors le savoir, rendant impossible l’universalisation de la connaissance souhaitée. Si un tel constat est vrai pour une connaissance historique, il reste vrai pour certaines autres matières, non scientifiques essentiellement. Par conséquent, si l’on ne peut pas apprendre la même chose partout, les MOOCs n’ont pas un pouvoir démocratisant si effectif que cela.
Ce graphique de Scopus, qui effectue une comparaison entre les origines des MOOCs selon les pays montre l’avance prise par les Etats-Unis par rapport au reste du monde dans la bataille de création de MOOCs, dite aussi « MOOC mania ». En effet, les publications américaines sont plus de 40% plus nombreuses que le second : l’Espagne. De surcroit, la grande majorité des pays citées dans cette comparaison sont des pays développées et riches ce qui relativise la démocratisation et l’ouverture de la connaissance aux pays en court de développement et des pays pauvres.
On remarque donc une démocratisation du côté de l’offre, mais celle-ci semble inadaptée à la demande. L’égalité effective d’accès à l’éducation ne semble pas atteignable, ni par les cours traditionnels, ni par les MOOCs, ni même par leur association. Alors comment y parvenir ?
Il semblerait qu’il faille chercher ailleurs, ou approfondir la réflexion et élaborer un nouveau dispositif, encore plus performant, combinant les acquis actuels. C’est notamment ce sur quoi travaillent des chercheurs scientifiques en se demandant si l’université en ligne pourra vraiment, un jour, démocratiser le savoir. Selon eux : « We really have to completely reimagine it [education] […] Even the infrastructure has to change. Everything has to change »[5],[6]. Reste à savoir comment la situation évoluera : le savoir peut-il vraiment être accessible à tous ?
[1]STIVE Dany, « L’université en ligne va-t-elle démocratiser le savoir », dans http://www.humanite.fr/, 24/01/2014. Disponible sur : http://www.humanite.fr/societe/l-universite-en-ligne-va-t-elle-democratiser-le-sa-557683 (consulté le 6/05/2015).
[2] DOWEK Gilles, « Une brève histoire des MOOCs », Recherche en cours, 9 janvier 2015.
[3] DOWEK Gilles, « Une brève histoire des MOOCs », Recherche en cours, 9 janvier 2015.
[4]KOP Rita, FOURNIER Hélène, SUI FAI MAK John, « A pedagogy of abundance or a pedagogy to support human beings ? Participant support on Massive Open Online Courses », International Review of Research in Open and Distributed Learning, 12 (7), 2011, p. 74-93. Disponible sur : http://www.irrodl.org/index.php/irrodl/article/view/1041/2025 (consulté le 6/05/2015).
[5] « On doit ré imaginer complètement [l’éducation] […]. Même l’infrastructure doit changer. Tout doit changer. »
[6] AGARWAL Anant, “Why massive open only courses (still) matter”, Ted talks: ideas worth spreading, Juin 2013.