Plusieurs solutions existent pour répondre aux problèmes techniques que pose l’évaluation par les MOOCs développés dans l’onglet précédent. Il faut réinventer la méthode d’évaluation en se démarquant de la validation des connaissances proposée par le système traditionnel. Dans ce cas, quelle est la meilleure façon d’évaluer les utilisateurs de MOOCs ?
Une solution hybride
Une première solution consiste à ne certifier que les étudiants qui le souhaitent en utilisant la méthode présentielle du système traditionnel. Il s’agit alors d’une formule hybride entre l’université et l’enseignement en ligne. La certification serait assurée par l’université pour conserver une possibilité de contrôle de l’identité de l’apprenant et le MOOC ne serait utile que pour transmettre le cours aux étudiants.[1]
La méthode présentielle laisse une grande importance au cadre de travail, pour plus d’informations, rendez-vous ici. Ainsi, elle permet d’éviter l’évaluation à distance et de créer un cadre propice à l’évaluation en sortant du cadre domestique quotidien. Cependant cette méthode d’évaluation a deux limites :
- Elle réduit la démocratisation des MOOCs en créant un système à « deux vitesses » entre ceux qui auront accès à une telle certification et les autres.
- Par ailleurs, elle limite le nombre d’élèves pouvant se faire certifier aux capacités d’accueil de l’université, au nombre de professeurs disponibles pour corriger, aux pays susceptibles de pouvoir mobiliser suffisamment de fonds pour organiser de telles épreuves, aux étudiants ayant physiquement accès aux lieux d’évaluation, etc.
L’évaluation avec contrôle biométrique
Les plateformes dominant le marché des MOOCs mettent en place des solutions biométriques, appelées signature track en anglais, pour identifier les candidats passant les épreuves. Coursera facture cette certification biométrique entre 30 et 100 dollars.[2] Elle se compose d’une utilisation de webcams pour vérifier le visage des candidats passant les épreuves, ainsi que de l’enregistrement de notre façon de taper sur notre clavier qui nous est autant personnelle que notre empreinte digitale[3] ; méthode qui a notamment été mentionnée par François Taddéi lors de l’entretien.
Cette évaluation permet donc de vérifier l’identité des candidats mais prévient-elle réellement la triche ? Si les étudiants peuvent avoir accès à leurs cours, l’évaluation se tournera alors davantage vers de l’analyse et de la réflexion, ce qui nous renvoie au problème du nombre de copies à corriger.
L’évaluation automatique
Les concepteurs de MOOCs ont tenté d’automatiser la certification de leurs enseignements. On pense évidemment immédiatement à un système de QCM et de quizz. Mais on peut également automatiser la correction des sujets typiquement scientifiques ou techniques. La machine aurait pour rôle de vérifier la véracité de telle ou telle équation. Mais ce type d’évaluation repose purement sur de la restitution de connaissance apprise par cœur. Or, Pascal Engel explique que toutes les matières ne se prêtent pas à cette forme d’évaluation. Il est par exemple très réducteur d’évaluer la philosophie simplement sur des connaissances théoriques apprises par cœur, comme les théories et concepts d’auteurs, sans les mettre en perspective dans une réflexion globale autour d’un sujet.
François Taddéi parle aussi de la possibilité d’automatiser la correction de dissertation. Ce modèle a été créé pour la plateforme américaine Edx. Il prend la forme d’un logiciel qui s’appuie sur un corpus de copies corrigées par de véritables professeurs pour corriger l’ensemble des copies et utilise des machines de e-learning ayant pour but de mesurer la qualité du discours, en s’intéressant à la sophistication de celui-ci ainsi qu’à la qualité et à la diversité des mots utilisés. Le logiciel est jugé par ses créateurs comme aussi fiable que la correction faite par un professeur.[4] Toutefois, la question reste ouverte et nous n’avons pas le recul suffisant pour analyser objectivement la qualité d’un tel dispositif.
L’évaluation par les pairs
Récemment un nouveau type d’évaluation a émergé : l’évaluation par les pairs. François Taddéi présente cette évaluation comme une « double évaluation ». En effet, dans un premier temps un panel de bonnes et de mauvaises copies est corrigé par des professeurs. Les étudiants n’ont pas accès à ces copies corrigées par leurs examinateurs. Ensuite, à leur tour, chaque étudiant se voit donner un nombre fixé de copies à corriger. On observe et classe alors les élèves correcteurs en comparant leurs corrections à celles de leurs professeurs. Si l’élève a été capable de dire qu’une copie était bonne quand le professeur l’a aussi considérée comme bonne, ou de dire qu’une copie était mauvaise quand le professeur l’a estimée mauvaise, alors il sera qualifié de « bon correcteur » et les autres corrections qu’il aura effectuées seront conservées. A l’inverse, si l’étudiant correcteur est qualifié de « mauvais correcteur » alors il ne sera pas conservé comme correcteur. Une moyenne sera ensuite faite sur les évaluations des « bons correcteurs », ce qui rend l’évaluation plus fiable et moins dépendante de la subjectivité d’une personne.
Par conséquent, l’évaluation s’automatise à partir d’une pré évaluation. Par ce système, l’évaluateur est également lui-même évalué, ce qui est de surcroit enrichissant pour lui. Par ailleurs, le fait pour des étudiants d’être confronté aux copies de leurs camarades est une autre façon de progresser.
Pour conclure, face au nombre très élevé d’inscrits, les MOOCs obligent à réfléchir à une nouvelle méthode d’évaluation. En effet, l’évaluation par les MOOCs doit nécessairement faire face à des problèmes techniques de contrôle de l’identité des étudiants, de financement de la certification, d’accès à la reconnaissance professionnelle, d’individualisation d’appropriation de connaissances. Elle a permis de faire émerger un nouveau type d’évaluation par les pairs qui n’existait pas auparavant, transformant l’étudiant passif en correcteur actif.
[1]ABEILLE Alexis, DAIGNES Geoffroy, « En route pour une nouvelle aventure, Les MOOCs et la reconfiguration du savoir », Le Débat, 183, 2015, p. 26-34, doi:10.3917/deba.183.0026.
[2] Blog de Matthieu Cisel, http://blog.educpros.fr/matthieu-cisel/
[3]DAVIDENKOFF Emmanuel, Le tsunami numérique : éducation, tout va changer ! Êtes-vous prêts ?, Stock, 2014, 194 pages.
[4] Auteur non cité, « MOOC – une machine peut-elle noter une dissertation aussi bien qu’un professeur ? », dans http://lemonde.fr/, publié le 5 avril 2013. Disponible sur : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr/2013/04/05/mooc-une-machine-peut-elle-noter-une-dissertation-aussi-bien-quun-professeur/