François Taddéi est un biologiste de l’évolution de formation. Il est directeur du CRI, Centre de recherches interdisciplinaires à Paris. Il milite activement pour l’innovation dans l’éducation, d’où son intérêt pour les MOOCs et la raison pour laquelle nous l’avons interrogé.
En biologie, François Taddéi a notamment étudié la manière dont les systèmes vivants échangent de l’information, coopèrent et s’adaptent à leur environnement. C’est tout naturellement qu’il s’est donc ensuite tourné vers les moyens sociaux de communication, comme le web et les MOOCs. Il s’oppose au système d’éducation traditionnel en pensant l’apprentissage comme étant horizontal, même s’il considère que l’acquisition du savoir ne peut se limiter à une opposition vertical/horizontal. Il considère ainsi que nous sommes « tous des sachants de certaines choses et des apprenants d’autres choses ». Dès lors, nous aurions tous intérêt à apprendre des autres. Ce serait ainsi l’un des points forts des MOOCs, qui proposent une interaction entre apprenants, notamment par le biais de forums.
Selon lui, l’invention de numérique dépasse encore l’importance de l’invention de l’imprimerie car il a changé la façon dont on travaille. C’est moins une véritable révolution, qu’une révolution médiatique, liée à un gros « buzz marketing ».
Par ailleurs, il est persuadé que les inégalités d’accès à Internet tendent à diminuer. Il reconnaît néanmoins que, du fait des prérequis nécessaires à la compréhension d’un MOOC, ils restent principalement accessibles aux plus diplômés.
En outre, il est convaincu qu’il est plus facile d’apprendre en groupe et d’échanger, que de travailler seul. Il se place même du côté de ceux qui, à termes, imaginent la création de ce qu’on appellerait « la New Ivy League », c’est-à-dire des « campus MOOC » à divers endroits de la planète. Cela permettrait de retrouver le cadre « présentiel » et « communautaire » d’une université, en coûtant moins cher (cours gratuits contre gîte et couvert).
La question du risque de l’uniformisation de l’éducation des MOOCs est posée. François Taddéi n’est pas inquiet et ne le voit pas comme une menace. Selon lui, il est possible de garder la diversité culturelle puisque c’est en « Open content » : une méthode/équation/théorie restera la même, la traduction ou les exemples illustratifs diffèreront. Les MOOCs pourraient même devenir une façon d’obtenir des multiples approches sur un même sujet, donc de l’appréhender au mieux.
Par ailleurs, sur la question du Open, il pense qu’actuellement ce terme signifie davantage « inscription ouverte à tous » que gratuité. En effet, il pense que les MOOCs n’auraient pas atteint leur objectif de gratuité. Selon lui, en France, la part du budget de Recherche et Développement dédiée à l’amélioration de l’éducation et de la pédagogie reste encore trop négligeable. Les établissements doivent trouver d’autres moyens d’avoir des retours sur investissement. Dès lors, il est donc un peu déçu de voir que les MOOCs sont finalement mis à profit pour leur caractère économique. Néanmoins, il continue de croire que certains en ont réalisé, et continueront à en réaliser, pour la simple volonté de partager le savoir. Il croit en la création de « biens communs », accessibles à tous, dans lesquels chacun pourrait se retrouver.
Enfin, la problématique du certificat et de l’évaluation a nécessairement été abordée. Au-delà des propositions classiques d’évaluations (comme les QCM), il a évoqué l’idée en vogue de « l’évaluation par les pairs », qui nécessiterait certes un algorithme plus compliqué, mais s’avérerait plus fiable et efficace.
Pour finir, il a insisté sur le fait que les MOOCs ne sont certes pas parfaits, mais ont eu le mérite de soulever des problématiques jusqu’alors ignorées. Ils ont introduit une dynamique, dans un système antérieur stagnant, malgré un environnement mouvant.