Le biais du taux d’abandon
Ce taux de suivi des MOOCs a suscité un large débat, les chiffres étant facilement biaisés. En effet, comme Matthieu Cisel l’explique, il ne faut pas penser une inscription sur un MOOC comme équivalente à une inscription à une formation, mais au contraire comme une inscription sur une quelconque page internet. Ainsi, beaucoup de personnes s’inscrivent pour voir de quoi il retourne, ou même regarder la seule partie du cours qui les intéresse mais n’ont pas, au moment de leur inscription, l’objectif de suivre ledit cours, du moins en entier. C’est notamment ce que précise Fabienne Keller. Selon elle, l’intérêt principal des MOOCs est de rendre accessible la connaissance de manière plus ouverte. Ainsi, beaucoup de personnes entrent et sortent à leur guise des MOOCs, choisissent de ne regarder que les parties des cours qui les intéressent. Dans la mesure où le suivi d’un MOOC demande entre 30h et 40h de travail en moyenne, tout le monde ne peut pas s’y consacrer pleinement. Les personnes trient donc le contenu qui leur semble pertinent pour entamer, enrichir ou compléter leur formation. Dès lors, on peut avancer que la majorité des inscrits sont de « simples visiteurs ». Dans les faits, ceux ayant la véritable intention de suivre les cours, et ce en entier, au moment de leur inscription ne représentent en moyenne que 10% (de 5 à 20% selon le MOOC).
Il faut ainsi nuancer le taux d’abandon très élevé affiché par tous les médias, qui consisterait à dire que seulement 10% des gens qui suivent le MOOC le suivraient en entier. En effet, la très grande majorité des personnes qui se sont inscrites avec l’objectif de poursuivre le cours iraient jusqu’au bout, puisque leur taux de réussite serait de 2/3 et irait parfois jusqu’à 80%[1].
Remarquons également que le faible pourcentage de suivi correspond en réalité à des milliers d’étudiants, ce qui est en soi énorme et représente bien plus que ce que pourrait espérer n’importe quel professeur en s’en tenant à l’enseignement traditionnel, comme l’annonçait Rémi Sharrock.
La réalité de l’abandon
Si le taux d’abandon n’est pas aussi élevé qu’annoncé par les médias, il est quand même à considérer et à analyser.
Il s’explique parfois par un certain manque d’efficience, souvent lié au problème de l’individualisation et de l’absence de suivi personnalisé. En effet, comme nous l’avons déjà dit, suivre un MOOC demande une certaine maturité et autonomie, et beaucoup de personnes se sentent délaissées et non encadrées lorsqu’elles suivent un MOOC. Par ailleurs, n’existant aucun suivi personnalisé, la personne peut « lâcher », ou même quitter le système, sans que personne ne s’en rende compte ; ce qui contribue encore à augmenter le taux d’abandon.
De plus, il n’y a pas toujours des moyens efficaces pour évaluer les connaissances des apprenants (comme nous le verrons au sujet de la certification).
Enfin, les MOOCs sont plus ou moins adaptés et ouverts à un public large. Cela n’est pas sans conséquences : certaines personnes n’arrivent pas à atteindre le niveau attendu à la fin du cours, que cela soit dû à un manque de prérequis ou à un manque d’évaluation de connaissances.
Pour résumer, les MOOCs permettent de “démocratiser” l’accès aux cours du fait de leur mise en ligne, dans la limite d’un accès aux technologies nécessaires. La fracture numérique étant encore très grande, la démocratisation n’est pas aussi effective qu’annoncée. Les MOOCs s’adressent plutôt à une catégorie de personne déjà diplômée, souvent en formation continue, des auto-entrepreneurs etc., car ils leur offrent une plus grande flexibilité que l’enseignement classique et leur permettent de se former comme ils le veulent et dans leur temps. Si effectivement seuls 10% des personnes se sont inscrites dans l’optique de suivre le cours en entier, le taux de suivi s’élève en réalité au plus des deux tiers des participants effectifs des MOOCs. Cependant, le suivi des MOOCs dépend notamment du contenu plus ou moins adaptable à un large public, et des méthodes d’évaluation et de validation, lesquelles sont pour l’instant très limitées et posent problèmes comme nous le verrons ici.
[1] HELOUA Gwendolynn, « Mooc l’avenir de l’éducation s’inscrit-il dans internet ? », édité par Marronnier Nicolas et produit par Aubert Lola, le 20 février 2014, 27 min 36.