Les théoriciens de l’apprentissage et de la pédagogie distinguent trois types de transmission du savoir : la transmission verticale, l’intégration par un double processus de didactisation-reconstruction du savoir et l’apprentissage horizontal.
La transmission verticale du savoir
Selon certains, le présentiel est absolument incontournable. En effet, la sénatrice Fabienne Keller affirme que le travail est avant tout un cadre : ce serait par exemple la raison pour laquelle les étudiants iraient dans les bibliothèques pour travailler. Dès lors, si certaines personnes avantagées peuvent bénéficier de ce cadre chez eux, d’autres n’ont en revanche pas cette chance. La dématérialisation des cours ne serait donc pas un progrès dans l’apprentissage pour tous.
De plus, le professeur Rémi Sharrock ainsi qu’El Mahdi El Mhamdi affirment que chacun apprend selon des modalités différentes et qu’ainsi, donner un même cours uniformisé à tous ne permettrait pas de répondre à cette exigence. La présence d’un enseignant qui répond aux attentes et aux capacités de chacun serait alors essentielle. Dans cette optique, il y aurait une forme de « contrat » qui serait passé entre l’enseignant et l’enseigné : dans une optique de transmission verticale du savoir, l’enseignant devrait s’adapter à l’enseigné, répondre à ses questions etc. Kolb, un théoricien américain de l’éducation, a ainsi montré en 1984 l’importance de trois critères dans l’apprentissage : le social (confiance, discussions), le cognitif (création de consensus nécessaire à l’avancement des élèves) et la présence de l’enseignement (design, organisation, diffusion)[1]. C’est à ce modèle de transmission du savoir que correspond l’enseignement traditionnel.
L’intégration du savoir par un processus de didactisation/reconstruction
Un autre modèle d’apprentissage est celui de l’intégration des savoirs par l’étudiant. Ainsi, certains estiment que l’apprentissage ne consiste pas uniquement en la transmission du savoir mais aussi en l’acquisition des compétences qui ne peuvent être numérisées. L’enseignant doit en effet montrer à l’enseigné comment utiliser les connaissances, comment les critiquer, selon le professeur Pascal Engel[2]. De plus, une grande partie de l’apprentissage, notamment en sciences, serait expérimentale, comme le rappelle le professeur Rémi Sharrock. Ce sont autant de capacités qui semblent difficiles à numériser. L’enseignant a alors un rôle d’orientation de l’élève et d’accompagnement dans son apprentissage[3]. Cette tâche se décompose en deux pôles majeurs[4] :
- La didactisation du savoir par l’enseignement : il s’agit de le rendre accessible à l’élève,
- La problématisation par l’étudiant : l’enseignant doit amener l’élève à mettre le doigt sur ce qui fait problème et à y trouver une solution.
Ce sont ces deux étapes qui permettent à l’étudiant de construire le savoir. Le rôle de l’enseignant n’est donc pas de transmettre le savoir à proprement parler mais d’aider l’étudiant à le reconstruire lui-même.
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L’apprentissage horizontal
Toutefois, à l’inverse, certains affirment que l’apprentissage peut être horizontal. En effet, ils estiment que chacun connaît des choses et que l’on a tous quelque chose à apprendre des autres. C’est par exemple la méthode prônée au CRI. Lorsqu’un étudiant pose une question, l’ensemble des étudiants réfléchissent ensemble et, suite à cette réflexion commune, aboutissent à une solution que les enseignants n’auront plus qu’à valider. C’est par exemple ce qu’avait remarqué Anant Agarwal[5] lors du lancement de l’un de ses MOOCs.. Cette méthode permettrait aux étudiants d’apprendre les uns des autres et d’assimiler les contenus à travers une problématique donnée. Les MOOCs se situeraient davantage dans une optique d’apprentissage horizontal.
Au-delà de ces discordes théoriques, un consensus semble néanmoins se dessiner dans la théorie de l’apprentissage : les MOOCs permettent de s’interroger sur la meilleure manière d’apprendre mais aussi sur comment appréhender un certain sujet, comment l’enseigner. Ce serait une forme de science de la didactique[6]. En effet, il est reproché aux institutions d’enseignement supérieur françaises de ne pas faire de recherches sur la pédagogie, de ne pas enseigner aux professeurs la pédagogie[7]. Dès lors, les MOOCs permettraient de leur imposer de s’interroger sur la meilleure façon de faire évoluer le système scolaire, favorisant ainsi le progrès dans l’éducation.
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[1] KOP Rita, FOURNIER Hélène, SUI FAI MAK John, « A pedagogy of abundance or a pedagogy to support human beings ? Participant support on Massive Open Online Courses », International Review of Research in Open and Distributed Learning, 12 (7), 2011, p. 74-93. Disponible sur : http://www.irrodl.org/index.php/irrodl/article/view/1041/2025 (consulté le 6/05/2015).
[2] BOURCIEU Stéphan, LEON Olivier, « Les MOOC, alliés ou concurrents des business schools ? », L’Expansion Management Review, 149, 2013, p. 14-24, doi: 10.3917/emr.149.0014.
[3] BERBAUM Jean, « Chapitre 3 : Apprentissage et pratiques de formation : notions préliminaires », in Apprentissage et formation, Presses Universitaires de France, 2005, p. 5-18
[4] ROEGIERS Xavier, « Chapitre 6 : Les pratiques d’enseignement-apprentissage », in Quelles réformes pour l’enseignement supérieur ?, De Boeck Supérieur, 2012, p. 165-204.
[5] AGARWAL Anant, “Why massive open only courses (still) matter”, Ted talks: ideas worth spreading, Juin 2013.
[6] DOWEK Gilles, « Une brève histoire des MOOCs », Recherche en cours, 9 janvier 2015.
[7] IHEST (Institut des Hautes Etudes pour la Science et la Technologie), « Rapport d’étonnement de l’atelier : les cours en ligne ouverts et massifs », cycle national de formation 2013-2014, promotion Boris Vian, 17/07/2014, 74 pages. Disponible sur http://www.ihest.fr/IMG/pdf/20140717-rapport_etonnements_mooc.pdf (consulté le 6/05/2015).