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Être enraciné : Quel territoire pour l’élu ?

 

Des profondes réformes institutionnelles pour accompagner l’adoption du projet

 

De nombreuses demandes de réformes ont été formulées dès qu’il a été question d’interdire le cumul des mandats. Ce sont à la fois des personnes favorables et des adversaires au cumul qui jugent nécessaire de prendre un certain nombre de mesures afin d’accompagner ce projet et d’aider à sa réalisation dans de bonnes conditions.

« C’est toute une organisation de la République qu’il faut repenser avant d’en finir avec le cumul des mandats. »

Jean-Francis Pécresse 1

La plus importante d’entre elle est de créer un statut de l’élu : à la fois un statut de l’élu local et du parlementaire. En effet, pour Jean-Francis Pécresse ainsi que pour de nombreux autres hommes politiques et universitaires, l’une des raisons qui motive au cumul est l’absence de sécurité de l’emploi. Garantir un revenu minimum et une pension avec laquelle l’élu puisse vivre ensuite s’il ne retrouve pas d’emploi après une défaite électorale, est nécessaire pour accompagner l’interdiction de cumul. Cela assurerait aussi la diversification de la classe politique car aujourd’hui, cette absence de statut décourage de nouveaux venus en politiques, qui craignent de ne pas pouvoir retrouver leur emploi après une défaite électorale ou un mandat.

 

Soure NGramViewer, requête "statut de l'élu" depuis 1800

De plus en plus d’universitaires insitent sur la nécessité de créer un statut de l’élu, comme le montre le nombre croissant de fois que ce terme est employé dans les ouvrages.

 

« La longévité de la vie politique tient à l’assise locale, qui permet de survivre aux années de vache maigre »

Pierre Avril 2

Il serait également nécessaire de renforcer le rôle et le pouvoir de contrôle du Parlement. Parmi les mesures envisagées, on trouve par exemple : ne pouvoir engager un vote de confiance que sur un ministre et non sur tout le gouvernement, ou encore améliorer les moyens du contrôle de l’action gouvernementale. Afin de faire diminuer l’absentéisme il faudrait également, selon Matthias Fekl 3 confier plus de moyens aux parlementaires pour qu’ils puissent mieux  exercer leur travail. Ce dernier devrait être mieux valorisé car le manque de reconnaissance des députés serait également une des causes du cumul : les parlementaires, étant peu enthousiastes par rapport à leur travail à l’Assemblée, chercheraient une activité plus stimulante et plus gratifiante dans un second mandat. Il serait également nécessaire, selon certains, de réduire le nombre de parlementaires.  Tout ceci se ferait en tenant toujours les Français informés de la participation des élus aux travaux parlementaires et des indemnités perçues afin de conserver toujours une transparence complète. 4

« Si les députés cumulent encore, c’est parce que le travail local est plus satisfaisant : ils peuvent réellement prendre des mesures qui seront appliquées, tandis qu’à l’Assemblée ils ne font que lever la main. »

Pierre Avril5

Quant aux fonctions locales, Jean-Francis Pécresse précise 6 qu’il est nécessaire de combler le manque de reconnaissance des élus locaux,  reconnaissance qui est à la fois selon lui « financière, mais également politique et juridique ». Il faudrait donc déconcentrer encore les pouvoirs afin de renforcer le rôle des élus locaux et la démocratie locale. Ce renforcement de la démocratie locale passe également par des réformes concernant les modes de scrutin.

« Si le Sénat, appelé le Haut Conseil des communes de France, ne compte plus aucun maire, il n’aura plus aucun sens »

Jean-Michel Baylet7

Enfin de nombreuses remarques et demandes d’adaptations ont concerné le sort que ce projet de loi réservait aux sénateurs. L’ambiguïté vient du fait que le Sénat est le représentant des collectivités territoriales et par conséquent il semblait légitime à de nombreux hommes politiques et universitaires, que ceux-ci soient en faveur ou contre le cumul des mandats,  que les sénateurs puissent conserver un mandat exécutif d’élu local. En effet, même Guy Carcassonne, qu’on connaît comme un farouche opposant au cumul pensait abolir ce dernier pour les députés et le rendre obligatoire pour une fraction du Sénat. L’un des craintes des sénateurs était que ce projet transforme le Sénat en un doublon de l’Assemblée Nationale, avec moins de pouvoir. Les sénateurs se sont opposés au projet de loi qui a finalement été voté en seconde lecture à l‘Assemblée. Ce refus les a placés au centre de la controverse, au point d’en faire les acteurs les plus médiatisés comme le montrent les deux cartographies ci-dessous.

 

Cartographie CorText, basée sur le corpus Europresse ( requête "cumul" et "mandats" dans l'introduction)

Cartographie CorText simplifiée montrant que les articles de presse se sont longuement intéressés au cas des sénateurs.

 

Outil Gephi

Cartographie du web : le Sénat est le groupe d’acteurs le plus influent sur le Web, tous les groupes d’acteurs interagissent avec lui

Le projet ayant été adopté, les élus devront choisir entre leurs deux mandats en 2017. Beaucoup disent vouloir conserver leur statut d’élu local plutôt que celui de parlementaire, celui-ci étant jugé plus gratifiant. Les réformes devront être nombreuses pour valoriser le travail parlementaire, et notre démocratie n’en a pas terminé avec cette question du cumul des mandats.

  1. Pécresse, Jean-Francis, Les Echos, « La fin du cumul des mandats, une révolution démocratique », 24 septembre 2012. Disponible en ligne
  2. Interview de Pierre Avril
  3. Fekl, Matthias, « Non cumul, modernisation et démocratie », Commentaire, 2013/1 Numéro 141, p.65-72
  4. « Mettons la responsabilité au cœur de la réforme des institutions politiques », Le Monde, 6 août 2012, Frédérique Espagnac, Sénatrice des Pyrénées-Atlantiques, Luc Carvounas (sénateur-maire d’Alfortville), Emeric Bréhier (député de Seine-et-Marne)
  5. Interview de Pierre Avril
  6. Pécresse, Jean-Francis, Les Echos, « La fin du cumul des mandats, une révolution démocratique », 24 septembre 2012. Disponible en ligne
  7. Feltin-Palas Michel,  « Non-cumul des mandats: pourquoi faire une exception pour les sénateurs? », L’Express, 18 septembre 2013. Disponible en ligne