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État des lieux

 

Problème typiquement français, le cumul des mandats désigne la possession par une seule personne de plusieurs mandats électifs. Il existe donc plusieurs cumuls de mandats, le plus célèbre étant celui de député-maire, dont l’intégration de l’intitulé dans le langage courant est un témoin de la prégnance de ce cumul dans l’activité politique de la République Française.

 

Qu’est-ce que le cumul des mandats ?


Le terme de « cumul » ne désigne pas seulement le cumul des mandats tel qu’il est présent aujourd’hui dans le débat public. Il faut noter  l’importante distinction entre le cumul des fonctions électives, dit « cumul des mandats », et le cumul de fonctions non électives, qui désignent aussi bien les fonctions publiques non électives comme celle de fonctionnaire que toute autre activité professionnelle.

Deux types de cumul de mandats sont à distinguer. Le cumul horizontal désigne l’exercice d’au moins deux mandats politiques au même échelon, que cet échelon soit national ou local. Le cumul vertical concerne la possession simultanée de plusieurs mandats politiques à des échelons territoriaux différents, en particulier le cumul d’un mandat de député, de sénateur ou de parlementaire européen avec un mandat exécutif local. On peut citer les formes de cumul vertical qui sont les plus courantes aujourd’hui, que sont, tant à l’Assemblée Nationale qu’au Sénat, le cumul d’un mandat législatif national avec celui de maire ou de conseiller municipal. C’est aujourd’hui ce cumul qui est controversé.

 

Quelle place a aujourd’hui le cumul des mandats ?

 

« S’il n’est pas juridiquement interdit, le cumul devient politiquement obligatoire. »

Guy Carcassonne1

Le cumul des mandats est peu à peu devenu une tradition de nos institutions républicaines, et les différentes lois qui, depuis 1985, tentent d’y poser des limites, n’ont pas eu l’effet escompté : en effet, le cumul est devenu de plus en plus attractif et il est aujourd’hui marginal de ne pas se présenter à un mandat exécutif local lorsque l’on est député ou sénateur.

Le cumul présente de nombreux avantages, aux deux extrémités de ce lien qui relie les échelles nationale et locale. Aux élus locaux qui le pratiquent, il assure une certaine sécurité, tant politique que financière, car le mandat national permet de détenir un véritable statut et est aujourd’hui conçu comme un prolongement naturel de la carrière politique de maire. D’autre part, il permet d’augmenter les moyens de l’élu pour agir au niveau de sa circonscription, que ce soit des moyens financiers (notamment avec la réserve parlementaire), humains ou simplement la possibilité d’être plus facilement entendu et d’amener la résolution de problèmes locaux sur la scène politique nationale. Aux députés qui le pratiquent, le mandat local permet d’améliorer l’ancrage territorial et l’influence, et il facilite souvent la réélection : selon Luc Rouban, un député-maire serait bien souvent réélu aux élections municipales non pas sur son mandat de député, mais bien pour son mandat de maire, dont les résultats sont plus visibles et plus concrets pour les électeurs.
Le rapport parlementaire n°2844 de M. Jacques Valax, datant du 6 octobre 2010, présente les chiffres suivants quant au cumul dans les deux assemblées parlementaires :

 

PARLEMENTAIRES EXERÇANT ACTUELLEMENT UNE FONCTION EXÉCUTIVE
AU SEIN D’UNE COLLECTIVITÉ TERRITORIALE OU D’UN EPCI

Députés

Sénateurs

Total

Effectifs totaux

577

343

920

N’exerçant aucun mandat local

90

97

191

Au sein des communes :

Maires

265

117

382

Premiers adjoints au maire

8

18

54

Adjoints au maire

28

Au sein des EPCI :

Présidents d’un EPCI

52

46

98

Premiers Vice-présidents d’un EPCI

5

14

19

Vice-présidents d’un EPCI

22

37

59

Au sein des conseils généraux :

Présidents de conseil général

19

30

49

Premiers Vice-présidents de conseil général

2

6

8

Vice-présidents de conseil général

27

19

46

Au sein des conseils régionaux :

Présidents de conseil régional

6

5

11

Vice-présidents de conseil régional

12

1

13

Total des fonctions exécutives
exercées par les parlementaires

446

293

739


Source : sites Internet de l’Assemblée nationale et du Sénat
Données complémentaires fournies par la division des Publications et de l’information multimédia
de l’Assemblée nationale

Remarques :

  1. Le terme de « maire » couvre également les maires d’arrondissement et les maires de secteurs.
  2. Le sigle « EPCI » signifie « établissement public de coopération intercommunale ».

 

Que dit la loi ?

 

En ce qui concerne le cumul horizontal, la loi interdit le cumul des mandats de députés et de sénateurs, de député national et de député européen, et également de député et de membre du Conseil économique, social, et environnemental. (cf. articles L.O. 137, L.O. 137-1 (3), L.O. 139 (4)).

Quant au cumul vertical, le statut des parlementaires, députés comme sénateur, définit ci-après les restrictions suivantes par la loi :

« Art. L.O.141(1) (2).

-Le mandat de député est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats énumérés ci-après: conseiller régional, conseiller à l’assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, conseiller municipal d’une commune d’au moins 3500 habitants. »2

Cela implique que le cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale, comme ceux de président de conseil régional, président de conseil général, maire, ou conseiller municipal, est autorisé.

 

Que va changer la loi d’abolition du cumul des mandats ?

 

Cette loi a été proposée sous sa première forme le 3 avril 2013. Ce texte a provoqué de nombreux aller-retour entre les deux chambres du Parlement, et a également été discuté par le Conseil Constitutionnel, saisi le 23 janvier 2014,  qui a validé ses propositions à la date du 13 février 2014. Elle a finalement été adoptée en dernière lecture par l’Assemblée Nationale le 22 janvier 2014.

La nouvelle loi prendra effet dès le premier renouvellement des chambres qui aura lieu après le 31 mars 2014.

« S’il ne s’agira là que d’un premier pas, celui-ci reste le plus difficile à faire : l’entreprise de revalorisation du Parlement et de rénovation de notre vie politique ne pourra se faire sans une rupture avec une culture du cumul à la fois enracinée dans nos gènes politiques et paradoxalement renouvelée depuis 1985. »

Jacques Valax3

L’esprit de cette loi est le suivant : les actes successifs de décentralisation et de revalorisation des assemblées parlementaires ont conjointement permis d’atténuer les causes qui menaient auparavant de façon quasiment naturelle au cumul des mandats, à savoir un trop faible pouvoir des collectivités territoriales d’une part, et un trop faible ancrage des députés au sein de leur circonscription.

Ses dispositions principales sont l’incompatibilité d’un mandat parlementaire de député ou de sénateur, avec celui des mandats exécutifs locaux de maire, d’adjoint au maire, de président ou de vice-président d’un conseil régional, d’un conseil départemental ou d’un syndicat mixte.

Une nouveauté très importante est la prise en compte des établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui n’avaient jamais été traités par les précédentes lois alors qu’ils se sont développés de façon importante à la suite des nombreuses lois de décentralisation. Il sera impossible d’être à la foi député ou sénateur et président ou vice-président de l’un de ces établissements.

Suite : Histoire du cumul

 

  1. Cité par Jacques Valax dans le rapport législatif n°2844, 6 octobre 2010. Disponible ici
  2. Loi organique du 5 avril 2000. Disponible ici
  3. Rapport législatif n°2844, 6 octobre 2010. Disponible ici