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Cartographie des acteurs

 

Arènes spatiales et temporelles du débat

 

Nos hypothèses nous ont  amenés à chercher à identifier les scènes sur lesquelles intervenaient les acteurs et les moments auxquels ils prenaient part au débat.

Pour cela, nous avons tout d’abord utilisé les moteurs de recherches grand public comme Google. Constatant que les acteurs de la controverse s’exprimaient à l’aide de nombreux moyens de communication, nous avons souhaité préciser ce point, faire apparaître des tendances afin de définir clairement les contours des arènes spatiales et temporelles dans lesquelles se jouait le débat sur le cumul des mandats.

Parmi les outils de communication auxquels les acteurs ont le plus eu recours on trouve évidemment la presse généraliste. De très nombreux articles ont été publiés ces dernières années au sujet de la question de la représentation politique, du cumul des mandats et de la modernisation de la vie politique. Par exemple, 1351 articles ont été publiés depuis le début de l’année et traitent du cumul des mandats, on en compte pas moins de 3816 l’année dernière, d’après la base de données Europresse.  Ceux-ci sont publiés dans des périodiques tant nationaux que locaux. Dans les périodiques nationaux, des journalistes commentent l’actualité politique en affichant plus ou moins clairement leur opinion sur le sujet, des hommes politiques, universitaires ou politologues écrivent des colonnes pour attaquer ou défendre le cumul, réclamer des réformes supplémentaires … On trouve également de nombreux classements sur les élus cumulant le plus de fonctions ou ceux briguant, malgré le projet de loi, un second mandat. Les périodiques locaux commentent également l’actualité mais en relation avec les événements survenus dans la région. Ces articles sont souvent en défaveur du cumul et attaquent parfois durement les « cumulards ». On y trouve la plupart du temps les mêmes arguments (incompatibilités d’agenda, conflits d’intérêts …).

La presse scientifique (bases de données Cairn, Sudoc) s’adresse à un public plus restreint (tels que les universitaires, les étudiants ou encore les parlementaires) que la presse généraliste. Les sociologues, politologues et universitaires y développent plus longuement leurs arguments, leurs avis sont moins tranchés, moins engagés. On remarque que ces ouvrages se citent souvent entre eux, font référence à l’histoire du cumul en France ou établissent des comparaisons avec d’autres pays.

Les acteurs de la controverse ont également beaucoup recours au  web pour s’exprimer. Ainsi, bien des hommes politiques postent leurs avis sur leur site ou sur les réseaux sociaux.  Les internautes, quand à eux, prennent la parole sur leur propre blog ou sur les réseaux sociaux. Nous avons aussi trouvé de nombreux sites d’ institutions françaises, des pages publiées par le gouvernement ou encore des sites d’associations citoyennes. Ces sites mettent parfois en ligne de la littérature grise (sondages ou textes de loi, bilan de commissions ou d’études) destinée aux particuliers, aux universitaires, aux journalistes et aux parlementaires. Les universitaires mettent en ligne leurs ouvrages ou des extraits de ceux-ci mais sont en général moins présents que les autres groupes d’acteurs.

Les médias radiotélévisés semblent avoir été un peu délaissés :  nous n’avons eu que très peu de résultats sur les bases de données correspondant, telles l’Inathèque. Ceci s’explique sans doute par le fait qu’elles ne recensent pas tout ce qui est diffusé.

En croisant les données trouvées dans chacune de ces quatre arènes, nous avons essayé de déterminer une dynamique temporelle des prises de parole des différents acteurs sur le sujet, que nous avons reliée à l’actualité politique liée au cumul des mandats.

La courbe de Google Trends nous a montré que l’intérêt du grand public pour le cumul des mandats était plutôt récent, nous avons voulu voir s’il en était de même pour la presse généraliste. C’est effectivement le cas : on observe une nette augmentation du nombre de publications à partir de 2012. Nous avons également retrouvé  ce résultat sur la base de données de l’Inathèque :  les variations sont d’ailleurs plus importantes, mais cela est lié au faible nombre de résultats dont nous disposons.

Requête "cumul mandats" depuis la création de l'outil Google Trends

L’intérêt des internautes pour le cumul des mandats a connu une nette accélération à l’occasion de la campagne présidentielle de 2012

 

Europresse, requête "cumul des mandats"

Dans la presse généraliste, le débat sur le cumul des mandats a décollé en 2012-2013

 

En réduisant l’échelle de temps sur laquelle nous faisions nos observations aux mois sur les années 2012 et 2013, nous avons remarqué que les périodes où de nombreux articles ont été publiés correspondent aux pics des recherches des internautes. Nous sommes parvenus à relier ces accélérations brutales à l’actualité politique, comme on peut le voir sur les graphiques ci-dessous :

 

Europresse (en haut) et Google Trends (en bas), requête "cumul des mandats", 2012-2013

Une focalisation sur les années 2012 et 2013 fait apparaître une corrélation entre l’intérêt porté au cumul des mandats et l’actualité politique

 

On remarque qu’en mai 2012 (en rouge sur le schéma), on a une  forte valeur du nombre de recherches sur Google mais un faible nombre d’articles publiés sur le cumul des mandats. On peut expliquer ceci par le fait que mai 2012 correspond au dernier mois de la campagne présidentielle. Les journaux préféraient alors publier des articles sur les derniers meetings tenus par les candidats ainsi que sur les intentions de vote plutôt que sur l’une des promesses d’élection du candidat socialiste. Les internautes ont, eux, peut-être cherché à se renseigner sur ce que proposait chaque candidat.

Des recherches sur la base de données scientifique Cairn montrent elles-aussi une nette augmentation du nombre de publications relatives au cumul des mandats au cours des dernières années. En précisant nos recherches, nous nous sommes aperçus que l’augmentation du nombre de publications traitant du cumul des mandats et du travail parlementaire est encore plus récente et plus rapide. Ainsi, même pour un nombre de résultats bien inférieurs, on observe une tendance similaire.

 

Base scientifique Cairn, requête "cumul des mandats"

Les publications scientifiques montrent aussi une accélération de l’intérêt pour la question ces dernières années

 

Base scientifique Cairn, requête "cumul des mandats"

Depuis le milieu des années 1990, le cumul des mandats s’est imposé comme un thème d’intérêt pour les publications scientifiques

 

 

On a observé en général des variations plus lentes sur toutes les bases de données et un accroissement continu du nombre d’ouvrages publiés chaque année. On ne peut plus, en revanche,  relier aussi précisément le nombre d’ouvrages publiés une année avec un évènement particulier car ces ouvrages sont plus longs à rédiger et les motivations qui poussent les auteurs à se lancer dans ces analyses ne sont pas si ponctuelles.

On peut toutefois retenir que le débat sur l’interdiction du cumul des mandats a continûment gagné en importance ces quinze dernières années, suscitant à la fois l’intérêt des journalistes  et celui des universitaires jusqu’à atteindre son apogée en été et en automne 2013, plus précisément de juillet à septembre avec l’adoption à l’Assemblée du projet de loi et le refus du Sénat. On peut également remarquer que pendant la période de rédaction du projet de loi et les votes qui ont eu lieu dans les diverses assemblées, les interactions entre les différents acteurs se sont complexifiées.

En effet, alors que l’on pouvait jusqu’en 2011, à quelques exceptions près, définir un cadre d’expression propre à chaque grand groupe d’acteurs : les journalistes dans la presse, les universitaires par le biais de littérature scientifique … On a assisté depuis 2011 à une disparition progressive de ces frontières liée à une intensification du débat, les différents acteurs réagissant alors pour défendre leur opinion sur la question. On peut notamment remarquer  que les universitaires ont pris une part plus engagée dans le débat (lettre ouverte au président, interventions filmées à l’Assemblée et au Sénat ou dans d’autres émissions télévisées : Guy Carcassonne avait été l’invité de Impact) et ont réalisé de nouvelles études sur le sujet (Luc Rouban, Olivier Costa). On a également pu observer que les hommes politiques ne se sont plus contentés de voter à l’Assemblée ou de s’exprimer sur leur site respectif mais se sont faits interviewer dans les journaux, ont fait des discours filmés pour communiquer avec les électeurs et donner de l’ampleur à leur contestation ou à leur soutien de la loi. De même, des particuliers ont choisi de s’exprimer sur la toile par le biais d’associations citoyennes ou sur les réseaux  sociaux, passant ainsi de la position de spectateurs du débat à celle d’acteurs.

Suite : Liens existant entre les grands groupes d’acteurs