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Travailler : une professionnalisation de la politique ?

 

Le rôle des parlementaires dans un débat technicisé

 

Classement des élus cumulards par L'Express

Quelques cumulards notoires


 

Par-delà cette différence d’aspiration, s’ajoute le phénomène de technicisation croissante des débats politiques, qui nécessitent un investissement tout à fait conséquent dans les sujets pour pouvoir apporter une pierre à l’édifice de la loi de façon pertinente. C’est ainsi que, face à notre questionnement sur l’absentéisme des députés à l’Assemblée Nationale, nous avons été témoins de la réaction suivante : non seulement il serait tout à fait normal que les parlementaires ne participent qu’à un faible nombre de sessions mais, plus encore, il serait bénéfique que ce soit le cas ! C’est ce qu’a affirmé en particulier Pierre Avril lors de notre entretien, à l’opposé de la conception largement partagée dans les médias généralistes d’un absentéisme à l’impact nécessairement négatif.

D’aucuns jugent d’ailleurs que cette technicité ambiante est le reflet de notre époque et ne montre aucun signe d’essoufflement : le besoin de légiférer, de créer des précédents et des jurisprudences est constant et même croissant ; c’est la tendance qui est dénoncée, année après année, par des acteurs institutionnels comme la Cour des Comptes, ou encore par des politiques eux-mêmes, comme le député René Dosière, député de l’Aisne, qui appelle à un « choc de simplification ». Ainsi, la concentration du travail d’un élu sur le seul travail législatif peut apparaître comme nécessaire à l’élaboration de « bonnes » lois, selon certains acteurs.

« Assez d’hypocrisie. Il est vain de s’offusquer parce que nos députés ne sont pas en séance, il est inutile de les contraindre à se perdre dans la vie parisienne. Évitons plutôt qu’ils ne s’épuisent en d’interminables séances de nuit dans un hémicycle désert. »

Christophe Bouchet

On le voit, à l’opposé de cette conclusion, la technicisation peut apparaître comme un repli des députés sur eux-mêmes et sur leur travail. Cela entraînerait une certaine incompréhension de la part des électeurs, qui aurait pour conséquence une défiance vis-à-vis des politiques, considérés comme des experts qui possèdent finalement toutes les cartes en main. On retrouve exactement ce même schéma problématique dans les critiques à l’encontre de la « technocratie bruxelloise » : les citoyens ont le sentiment de se faire déposséder de leur droit de choisir, du fait de la haute technicité des débats, qui souvent les exclue de facto. Dans cette logique, l’élu détenant plusieurs mandats peut apparaître comme le garant d’une connaissance du terrain.

Il y a donc différentes façons d’envisager le « bon » élu, et donc autant de prismes par lesquels le travail parlementaire peut être jugé. C’est ce qui explique les interprétations dissonantes concernant la qualité du travail parlementaire fourni. On peut ici citer l’exemple de Jean-Luc Mélenchon, pointé du doigt par le journal Le Monde 1 pour son travail au Parlement Européen, dont la défense consiste à remettre en question les critères du quotidien2.

Il existe une autre façon de percevoir le travail parlementaire, comme un travail de l’ombre. De ce point de vue, il peut être tout à fait profitable à la société que le parlementaire passe la totalité de son temps de travail au Palais Bourbon, bien que cela ne soit le cas que de peu de députés. C’est par exemple le cas de René Dosière, fameux pour avoir publié en 2007 L’argent caché de l’Elysée, qui s’est livré à une véritable ascèse pour se consacrer à son “parlementarisme d’investigation”.

Suite : Le cumul des indemnités

 

  1. Samuel Laurent et Alexandre Léchenet, « Les astuces de Mélenchon pour paraître assidu au Parlement Européen », 16 avril 2014, en ligne
  2. Antoine Léaument, « Les « astuces » du Monde pour compenser sa désinformation sur l’Europe », 18 avril 2014, en ligne