Image Map

Conclusion

 

Débat institutionnel français par excellence, la question de l’interdiction du cumul des mandats se révèle finalement intimement liée à celle de la représentation politique, et à la perception, par les différents acteurs du débat, de ce qu’est un bon élu – et en particulier, car la question se pose souvent du point de vue national, de ce qu’est un bon parlementaire.

 

Un débat institutionnel

 

La mise en jeu de deux échelles géographiques dans le cumul des mandats questionne ainsi le fonctionnement même des institutions françaises, sur fond d’État centralisateur ; rappelons-nous à ce propos que la première loi de limitation du cumul des mandats, en 1985, faisait justement suite à l’initiation du processus de décentralisation trois ans plus tôt. En conciliant l’échelle nationale – le Parlement – et l’échelle locale, le cumul des mandats peut en effet se comprendre comme le résultat d’une indécision institutionnelle sur la nature de notre République, comme un mode de représentation interstitiel permis par  la subsistance de ces deux conceptions dans l’organisation de la vie politique.

Cette dualité se retrouve ainsi dans les arguments invoqués par les uns et les autres : si la détention de plusieurs mandats par un même élu peut être perçu comme une meilleure représentativité, il reste que les opposants au cumul des mandats invoquent la définition constitutionnelle du rôle des parlementaires, et mettent en avant les inéluctables risques de conflits d’intérêts liés à la détention de multiples mandats ; le degré d’importance de ces risques est d’ailleurs un facteur différenciant entre les partisans et les opposants au cumul des mandats, ce qui constitue une différence d’appréciation à propos de laquelle il est difficile de trancher.

 

Une mise en question des élus eux-mêmes

 

Au-delà de ces considérations institutionnelles, c’est l’activité même de l’élu qui se voit ainsi questionnée : alors que tous s’accordent à identifier les difficultés temporelles posées par le cumul des mandats, là aussi leur prise en compte diffère, de sorte que, bien plus qu’une simple controverse sur l’agenda des multiples détenteurs de mandats, ou sur l’indemnité que ceux-ci touchent, c’est la perception même de l’activité des parlementaires qui est en question.

Par conséquent, la tentation est grande de trouver un moyen d’objectiver cette activité. Bien souvent, en dépit des arguments de certains qui prétendent que l’élaboration d’une mesure chiffrée n’a pas de sens tant le travail des parlementaires est complexe et/ou segmenté, et tant celui-ci est difficile à évaluer qualitativement, c’est bien un indice d’activité qui est évoqué dans les études. Le but est de lier, ou de voir si l’on peut lier, cet indice, implicitement relié à la qualité de l’élu jugé, et le cumul des mandats.

Ainsi, selon les acteurs, plusieurs de ces indices d’activité peuvent être élaborés, menant à des conclusions diverses et contradictoires sur le rôle du cumul des mandats, sans qu’aucune ne s’impose d’ailleurs. Cependant, comme ces différentes mesures sont toutes basées sur une conception de la politique sous-jacente, et qui n’est pas toujours explicitée, les intervenants peinent à s’accorder sur la validité desdites mesures : c’est tout le problème des tentatives de quantification des phénomènes politiques ou sociologiques, dont le domaine dépasse largement celui du travail parlementaire. L’exemple le plus courant est celui de la question de la représentativité des sondages d’opinion, sujet de débat inépuisable entre analystes socio-politiques dont les joutes intellectuelles à ce sujet font le régal des médias à l’approche d’une élection.

 

Plus largement, la question de l’image des politiques

 

Il apparaît par conséquent que la controverse sur le cumul des mandats, loin de se limiter à l’aridité de sa formulation légale, met en question de manière plus large la perception par les citoyens de l’activité politique, que l’on arrive à la quantifier ou non : en effet, plus qu’un problème technique d’efficacité des élus, ce qui est en jeu est la crédibilité des élus, donc leur représentativité. C’est pour cela que les problématiques évoquées recouvrent un spectre très large, allant du mode d’élection, et donc de légitimation, de la classe politique, au découragement des comportements légalement punissables, à l’image des conflits d’intérêts.