Paris peut-il couler ?

Paris peut-il couler ?

La mise en place d'un cinquième ouvrage pour protéger Paris

Lucien Toux Entretien

30 avril 2014 | Comment

Rencontre avec Lucien Toux

  • GSM-Granulats n’est pas la seule entreprise d’exploitation présente en Bassée
  • Tracé des digues
  • Rapports avec l’EPTB Seine Grands Lacs et les associations naturalistes de la région
  • Les études écologiques commandités par les carriers
GSM-Granulats n’est pas la seule entreprise d’exploitation présente en Bassée.

La Bassée concentre un certain nombre d’activités de carrières aux natures très variées. Si l’exploitation de granulats est centrale pour la région puisque la Seine et Marne en est le premier producteur (8 millions de tonnes) et le premier consommateur (6 millions de tonnes), GSM-Granulats n’est pas la seule entreprise présente sur place. Cependant les exploitants de carrières s’unissent dans une volonté de conciliation et d’instauration d’un dialogue équitable avec le maître d’ouvrage.

 

«Alors, vous vous adressez à GSM mais nous ne sommes pas les seuls acteurs dans la région de la Bassée. On est un des principaux mais on n’est pas les seuls.»

«Y a-t-il beaucoup d’exploitants de carrières en Bassée ?

Concernés directement par le projet des Grands Lacs, il y aurait 5 acteurs.»

«L’avis est-il unanime parmi  ces cinq acteurs à propos du projet ?

Oui oui. Il est clair que la réponse de l’UNICEM est une réponse concertée. L’UNICEM est notre syndicat professionnel.»

 

Le tracé des digues a été réalisé en totale concertation avec les exploitants de carrière de la région.

L’EPTB Seine Grands Lacs a lancé, entre 1999 et 2003 une grande phase de concertation avec les carriers de la région afin d’élaborer un tracé des digues qui pénalise le moins possible l’activité économique de la région. Certains casiers recouvrent tout de même des zones de gisements intéressants ou de carrières en cours d’exploitation. Cependant, cette phase de dialogue a abouti à une certaine satisfaction des deux partis qui estiment avoir réussi à trouver un compromis dans l’intérêt de tous.

«Y a-t-il des casiers qu’on a prévu de construire sur des gisements en cours d’exploitation ou seulement sur des réserves potentielles? 

Il y en avait sur des anciens gisements réaménagés, donc qui ne sont plus appelés des carrières, il y en  avait aussi sur des carrières en cours d’exploitation et sur des zones où il y avait des matériaux à extraire. Il y avait les trois cas de figure. »

«Oui, le tracé a été fait au mieux. Il y a eu une très longue concertation, je confirme. Cela a duré de 1999 à 2003 environ. Pierre-Yves Durand a rencontré tous les acteurs de la Bassée. Lui avait une idée globale du tracé des casiers et après, il fallait regarder évidemment plus en détail en fonction des contraintes des exploitants de granulats mais pas que. Il y a eu des ajustements de tracé pour éviter de traverser des usines, par exemple et pour épouser le contour des exploitations de carrières, quand c’était possible. Il est bien sûr évident que ce n’est pas toujours possible. C’est une optimisation. »

«On demande juste que nos activités soient prises en compte. Cela a d’ailleurs été le cas grâce aux concertations entre 1999 et 2003. On ne veut pas que l’accès au ressources naturelles soient restreint pour les projets futurs et ne pas nous empêcher de travailler pour les activités en cours. On avait trouvé un terrain d’entente assez clair et qui est d’ailleurs repris dans le projet de casier unique. Ils tiennent compte de toutes les discussions qu’on a pu avoir. »

Amélie ASTRUC partage ce point de vue et assure que le tracé a été réalisé en totale concertation avec les acteurs locaux et en particulier les carriers.

« Le tracé des digues a été établi en prenant en compte les contraintes locales. Il s’agissait d’éviter les villages et la plupart des habitations. Il fallait éviter autant que possibles les usages tels que les carrières par exemples. »

 «Tout ce tracé a été établi en concertation avec les acteurs locaux. »

Dans la réponse du maître d’ouvrage au cahier d’acteur de l’UNICEM, on retrouve des allusions à cette longue phase de concertation:

«L’ensemble des carriers présents sur la zone d’implantation prévue du projet ont été rencontrés entre 2002 et 2004 par l’EPTB Seine Grands Lacs afin de définir un projet compatible avec le maintien de l’activité d’extraction de granulats et son développement, déterminer les adaptations de matériel nécessaires et les compensations financières liées à la construction de l’ouvrage et aux mises en eau.» (Réponse au cahier d’acteur n°17, Seine Grands Lacs, 27/04/2012, Consulté le 20/04/2014, Disponible ici)

En tant qu’aménageurs, les carriers entretiennent des rapports privilégiés avec l’EPTB Seine Grands Lacs. Ils sont aussi habitués à traiter avec les associations environnementalistes de la région.

GSM-Granulats a fait de l’écologie et de la protection de l’environnement un de ses objectifs principaux. De ce point de vue, ils participent à la restauration de zones écologiques autrefois exploitées en tant que carrières. Ils commanditent de nombreuses études relatives aux impacts écologiques des aménagements dans la région et discutent très souvent avec les associations environnementalistes de la région de la Bassée.

 « On est plutôt pour eux des acteurs constructifs en tant qu’aménageurs. Donc on arrive toujours à s’arranger. »

«  Après, il y a des gens des associations avec qui on peut discuter. Je pense que Christophe PARISOT en est un exemple. Il y a d’autres associations comme l’ANVL qui connaissent très bien la Bassée et qui font beaucoup d’études et d’entretiens. On les consulte systématiquement dans le cadre de nos projets pour obtenir leur expertise. On a même des partenariats avec eux pour l’entretien de certains sites. »

« En tant qu’aménageur, si on parle des carrières, on modifie le paysage. On ne le modifierait pas si on remblayait les terrains et qu’on les ramenait à l’état initial or, le remblaiement dans la Bassée est très compliqué voir interdit donc forcément on recrée des paysages qui sont différents de ce qu’ils étaient au départ. Mais ils sont beaucoup plus riches écologiquement que ce qu’ils étaient au départ. »

« Il y a donc la possibilité d’en discuter avec les associations écologistes. L’écologie c’est bien, c’est vrai que la Bassée est très riche, il y a quand même une réserve naturelle, ce n’est pas rien. Mais c’est vrai qu’il y a quand même une activité historique d’agriculture qu’il faut respecter aussi. Il y a des conflits d’usage dans la Bassée comme il y en a partout ailleurs. »

Les carriers ont commandité de nombreuses études d’impact écologique dans le cadre de leur activité. Cependant, ces dernières ne peuvent pas être exploitées dans le cadre du projet d’aménagement de la Bassée et ce même dans pour une étude d’impact global des aménagements dans la zone.

Dans son objectif de préservation de l’environnement, GSM-Granulats travaille beaucoup avec des bureaux d’études en écologie. Ils ont donc commandité de nombreuses études d’impact dans le cadre de leurs projets de restauration post-exploitation. Cependant, la nature de l’ouvrage de l’EPTB Seine Grands Lacs est très différente de celle des carrières de GSM-Granulats et nécessite donc de nouvelles études.

 

«  L’EPTB Seine Grands Lacs veut faire de la restauration écologique. Vous, de votre côté, vous faites un véritable effort de restauration sur les zone exploitées dans le passé. A priori, sur la question écologique qui est mal évaluée puisqu’on ne sait pas l’impact de l’ouvrage sur l’environnement, n’avez-vous pas une connaissance de terrain qui pourrait être utile puisque vous avez déjà fait de la restauration écologique dans la zone ?

Ce n’est pas du tout la même chose. Ce ne sont pas les mêmes conditions. On travaille aussi avec des bureaux d’étude comme écosphère qui sont très pointus et qui connaissent très bien la Bassée. Nous on a des connaissances mais ce n’est pas notre corps de métier. »

« Vous êtes donc commanditaires de nombreuses études écologiques dans la région ? »

« Oui »

« Il y a deux choses. Il y a l’état initial comme celui des habitats, c’est un premier diagnostic pour savoir ce que l’on modifie si on modifie cette zone. Et puis, il y a ce qui va se passer pendant et après. L’état initial, c’est une sorte d’inventaire que l’on fait quand on fait des aménagements pour obtenir des dérogations. Le service rendu  par l’aménagement derrière, c’est une autre étude qui peut être différente. D’ailleurs, l’état rendu peut être très différent de l’état initial. C’est une étude globale qui est propre à l’aménagement lui-même. L’impact écologique des casiers n’est pas le même que quand on fait une carrière avec restitution des plans d’eau, etc. Là où on retrouve une expertise commune éventuelle, c’est sur le bureau d’étude qui fait l’état initial et l’inventaire des espèces. »

Christophe PARISOT ne partage pas ce point de vue et dénonce la multitude des études réalisées sans une véritable cohésion entre les différents commanditaires.

« quand on voit des projets comme cela l’Etat n’est même pas capable de dire : « mettez tout votre argent pour les études dans un seul et même panier et on fait une très grosse étude et on regarde tout d’un coup ». A partir de ce moment-là, chacun refait ses études de son côté en essayant de trouver quelque synergie mais on s’aperçoit qu’on n’aboutit pas à quelque chose qui serait idéal. »

« Là, aujourd’hui, on a quasiment en simultané trois études différentes : une qui a été demandée aux carriers, une qui a été demandée à VNF, une qui a été demandée à Grands Lacs de Seine. Ça c’est les trois grandes, après il y en a plein de petites. Il faudrait dire : nous on a besoin de cet état initial à partir de maintenant pour pouvoir évaluer les impacts cumulés, vous mettez tout dans le même pot, on a besoin d’une étude hydrologique, d’une étude hydrogéologique et d’une étude écologique. Là c’est les bureaux d’étude qui rigolent parce qu’ils arrivent à vendre quasiment les mêmes résultats. Si on mettait tout dans le même pot, cela permettrait à l’Etat de complètement maîtriser les études, de poser toutes les questions qu’il y a pu avoir et d’avoir quelque chose qui soit utilisable y compris avec des programmes de suivi sur l’ensemble de Bassée et non pas secteur par secteur.»