Paris peut-il couler ?

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La mise en place d'un cinquième ouvrage pour protéger Paris

Un débat constructif de long terme : la question du financement

3 avril 2014 | Commentaires fermés

Un débat constructif de long terme : la question du financement

Au cours de la mise en place d’un projet d’aussi grande envergure se pose nécessairement la question du financement. En tant que maitre d’œuvre, l’EPTB Seine Grands Lacs a à sa charge de rassembler les fonds nécessaires à la réalisation de son projet. Pour cela, plusieurs acteurs différents pourraient être mis à contribution. Comme très souvent dans ce cas là, la communication est d’autant plus délicate et essentielle qu’un tollé accueil régulièrement les annonces et décisions, analysées avec une extrême rigueur, d’où l’importance de la concertation.

 

La question du financement: Cartographie des acteurs

 »La

La question du financement du projet suscite de nombreux avis et de vives réactions de la part de tous les acteurs de la controverse, puisqu’il s’agit de l’un de ses enjeux les plus concrets, mais également de l’une des conditions de sa réalisation. Les exigences des acteurs locaux sont donc élevées à l’égard du maître d’ouvrage, duquel ils attendent un détail clair, précis et quantifié des coûts d’investissement et de fonctionnement de l’ouvrage.

Pourtant, ces attentes témoignent d’une méconnaissance des procédures à suivre lors du lancement d’un tel projet. Le maître d’ouvrage réexplique effectivement lors du débat public que l’étape d’étude d’opportunité à laquelle se trouve alors le projet n’exige pas que soient déjà réalisé un bilan budgétaire ni établies les sources de financement.

« Il est logique que, pour un projet au stade du débat public, nous n’allions pas plus loin, sinon on nous le reprocherait. Nous avons la même réponse que VNF qui a été questionné sur ce sujet. Quand nous serons au stade de l’enquête publique, d’ici deux ou trois ans, il faudra être extrêmement précis sur le montage financier de l’opération. » (cf. Commission particulière du débat public Crue Seine Bassée. Verbatim de la réunion thématique « Enjeux Environnementaux » du 19 janvier 2012 à Gouaix [en ligne]. 19/01/2012. Disponible sur : www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/VERBATIMS_SYNTHESES/GOUAIX/BASSEE190112GOUAIX_VERBATIM.PDF (Consulté le 24/04/2014).)

Ne suivra donc que plus tard la rédaction d’une première convention de financement, comme nous l’explique la chef de projet auprès du maître d’ouvrage.

« Parce que notre PAPI il est sur la période 2014-2019 mais il est en deux phases. Première phase 2014-2016 avec des premières actions et une première convention de financement. » (cf. Entretien avec Amélie ASTRUC)

Confrontés à cette absence d’éléments plus précis, le mécontentement des acteurs est donc double : d’une part le sentiment désagréable d’un manque de transparence de l’EPTB Seine Grands Lacs sur les questions de financement…

« En  février,  plusieurs  élus  écologistes,  dont  le  maire adjoint  de  Paris  Denis  Baupin,  ont  critiqué  un  financement « mal assuré » et réclamé des études plus poussées sur l’impact  du projet sur la faune et la flore. » (cf. AFP. Un demi-milliard d’euros pour contenir les crues de la Seine. 10/04/2012 – cf. Bilan Bibliographique)

… et d’autre part l’impression d’une prise de retard du projet, alors que la nécessité de protéger la région contre le risque d’inondation se fait plus pressante.

« La façon dont vous m’avez annoncé le calendrier et le financement signifie que le projet traînera encore pendant des années. Or, il est nécessaire d’aller plus vite. » (cf. POZZO DI BORGO, Yves ; LETARD, Valérie. Projet de la Bassée et risque de crue à Paris – 13ème Législature. Question orale sans débat n°09435 de Yves Pozzo di Borgo publiée dans le JO du Sénat du 03/06/2010 ; Réponse du Secrétaire d’Etat auprès du Ministre d’Etat, Ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, publiée au JO du Sénat du 07/07/2010 [en ligne] in Site internet du Sénat. Disponible sur : http://www.senat.fr/questions/base/2010/qSEQ10060943S.html (Consulté le 27/01/2014). – cf. Bilan Bibliographique)

La diversité des informations disponibles dans la presse, venant toutes des mêmes sources mais ne parlant pas systématiquement des mêmes éléments ajoute encore à la confusion générale. En effet, les différents types de presses ne récupèrent pas les mêmes chiffres en fonction de ce qu’ils cherchent et ne donnent pas les détails des budgets qu’ils diffusent, ce qui brouille davantage les cartes, du fait de la grande diversité des thèmes abordés et de la faible quantité de publications officielles.

DocSci8Ainsi donc, le débat public permet dans un premier temps d’éclaircir la procédure que doit suivre le projet. Ce rôle d’information n’empêche toutefois pas que soient soulevées au cours des réunions des éléments de fond sur la question du financement.

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Le financement, quoi que non encore entièrement défini au moment du débat public, fait tout de même l’objet de nombreux échanges. Il est en effet systématiquement évoqué au cours des réunions publiques qui composent le débat où  acteurs de tous bords interviennent à ce propos.

Se dégage alors une notion nouvelle et tout à fait essentielle, celle de solidarité. La politique de protection contre le risque d’inondation en France s’inscrit dans une dynamique nationale et même européenne, bien que les institutions responsables agissent à l’échelle plus restreinte de bassins hydrographiques. La question du financement nécessite donc d’identifier des acteurs devant effectivement être mis à contribution.

« C’est un problème de solidarité nationale, l’inondation de l’Ile-de-France et une partie de Paris serait une catastrophe vraiment nationale. » (René ROUQUET, maire d’Alfortville, cf. Commission particulière du débat public Crue Seine Bassée. Verbatim de la réunion générale du 2 février 2012 à Alfortville [en ligne]. 02/02/2012. Disponible sur : www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/VERBATIMS_SYNTHESES/ALFORTVILLE/LABASSEE020212_VERBATIM.PDF (Consulté le 24/04/2014).)

Jusqu’à présent, la plus grande part des financements avancés, notamment dans le cadre des multiples phases d’études antérieures au débat public provenaient d’organismes publics.

« Depuis 2000, les études sont financées par l’Etat, la région Ile-de France, l’Agence de l’eau Seine Normandie et la Commission Européenne. » (LEGRAND, Patrick (directeur de publication). Crue Seine-Bassée, Débat public, Projet d’aménagement de la Bassée, Compte-rendu du débat [en ligne]. Commission Nationale du Débat Public, Paris. 30/03/2012. Disponible sur : http://www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/CR_ET_BILAN/COMPTE_RENDU_23032012_WEB.PDF (Consulté le 28/12/2013). – cf. Bilan Bibliographique)

En effet, il s’avère que l’urgence du risque de crue centennale éveille chez les responsables politiques un nouvel intérêt pour un tel projet. La dernière grande crue centennale connue date de 1910, soit il y a plus de cent ans. Le temps et la loi des probabilités jouent donc en faveur du projet et permettent de débloquer de nouveaux financements comme le souligne Christophe PARISOT.

« C’est beaucoup plus facile de convaincre les politiques quand le risque augmente. Ils jouent aussi là-dessus pour avoir les crédits nécessaires. Le risque est difficile à accepter par les élus et c’est pour cela qu’ils veulent réagir. » (cf. Entretien avec Christophe PARISOT)

Cette tendance se retrouve également dans l’évolution du nombre de publications scientifiques ainsi que par l’intérêt des médias plus classiques pour la question, qui ont subi une forte hausse depuis 2010.

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Le maître d’ouvrage détaille par ailleurs les ordres de grandeurs des contributions financières dans l’éventualité d’un lancement effectif du projet.

« Pour l’investissement on a imaginé des modalités comparables à celles mises en œuvre jusqu’à présent. L’Institution finance 20 %, et 80 % sont financés par l’Etat, l’Europe, l’Agence de l’Eau et la Région Ile-de-France. Il n’y aura pas le principe de la « double peine » pour le Conseil Général de Seine-et-Marne, puisqu’il considère qu’il reçoit déjà le projet. C’est un acte de solidarité par rapport à l’aval. Le fonctionnement est plus délicat. On va tout faire pour réduire les coûts de fonctionnement et on a proposé un dispositif de type « redevance pour service rendu.  »(cf. Commission particulière du débat public Crue Seine Bassée. Verbatim de la réunion générale du 7 février 2012 à Melun [en ligne]. 07/02/2012. Disponible sur : www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/VERBATIMS_SYNTHESES/LABASSEE070212_MELUN.PDF (Consulté le 24/04/2014).)

Si ces acteurs sont attendus en tant qu’investisseurs, d’autres contributions telles que le dispositif de redevance mentionné sont envisagées pour financer le fonctionnement de l’ouvrage, reposant notamment  sur la notion de bénéficiaire de l’aménagement. En effet, ce projet a la particularité, comme le présente le Président de la commission particulière du débat public, Patrick LEGRAND, d’être  « un projet d’aménagement qui est en aval de La Bassée aval et qui viserait à contrôler et limiter les risques de crue sur la Région parisienne. »(cf. Commission particulière du débat public « Crue Seine Bassée », Commission particulière du débat public « Petite Seine Grand Gabarit ». Verbatim de la réunion commune des projets, des territoires du 9 février 2012 à Provins [en ligne]. 09/02/2012. Disponible sur : www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/VERBATIMS_SYNTHESES/PROVINS_VERBATIM.PDF (Consulté le 24/04/2014).)

Il occasionne donc immanquablement des désagréments auprès d’une population locale qui n’est  pas la principale bénéficiaire de l’équipement étudié, d’où les réactions parfois vives des habitants des communes sur lesquelles il est prévu d’implanter les casiers-réservoirs. En effet, il est capital que la solidarité territoriale amont-aval ne se fasse pas systématiquement en faveur de Paris.

« Toutes les grandes villes autour de Paris et Paris sont concernées, c’est à elles de mettre la main à la poche. » (habitant de Marnay-sur-Seine, cf. Commission particulière du débat public Crue Seine Bassée. Verbatim de la réunion thématique « Enjeux Environnementaux » du 19 janvier 2012 à Gouaix [en ligne]. 19/01/2012. Disponible sur : www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/VERBATIMS_SYNTHESES/GOUAIX/BASSEE190112GOUAIX_VERBATIM.PDF (Consulté le 24/04/2014).)

« Or dans un cahier d’acteur il est indiqué : « L’effort de solidarité entre Francilien ne doit pas s’effectuer toujours dans le même sens, toujours à l’avantage du Grand Paris. » Les représentants des collectivités locales de la Bassée ont appelé de leurs vœux un équilibre dans cette solidarité ainsi qu’une juste compensation, considérant que les collectivités ont déjà apporté leur contribution et qu’elles ne peuvent pas supporter indéfiniment les coûts de la solidarité territoriale. » (LEGRAND, Patrick (directeur de publication). Crue Seine-Bassée, Débat public, Projet d’aménagement de la Bassée, Compte-rendu du débat [en ligne]. Commission Nationale du Débat Public, Paris. 30/03/2012. Disponible sur : http://www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/CR_ET_BILAN/COMPTE_RENDU_23032012_WEB.PDF (Consulté le 28/12/2013). – cf. Bilan Bibliographique)

Sur ce point il est intéressant de noter qui si les réunions publiques tenues dans le cadre du débat public ont rencontré un vif succès dans les communes de l’amont, les réunions s’étant déroulées à Paris ont bénéficié d’une faible audience, symbole du clivage sur la conscience des risques qui demeure entre les communes d’Île-de-France et qu’il faut à tout prix résorber afin d’aller dans le sens d’une véritable solidarité territoriale. Cette tendance se vérifie également dans les publications qui restent moins nombreuses à Paris que dans les journaux des régions directement concernées.

« En fait, c’est bien simple, pendant le débat public, on a eu la moitié des réunions qui s’est fait sur le territoire du projet et l’autre moitié qui s’est fait à Paris, à Nanterre, à Melun, dans toutes les villes en fait qui sont soumises au risque inondation. Autant on a eu une participation forte, voire très forte sur la Bassée, autant à l’aval il n’y avait personne quoi. Bon, après est-ce que ça vient de la campagne de communication qui n’était pas bien faite, j’en sais rien mais les parisiens, on a bien du mal à les sensibiliser au risque inondation. » (cf. Entretien avec Amélie ASTRUC)

Car enfin, si l’idée de solidarité territoriale est louable, il n’en demeure pas moins une certaine inquiétude des populations locales qui craignent de voir grimper les impôts locaux. Pour de nombreux acteurs locaux, une désagréable impression de devoir endosser financièrement un projet parachuté et se heurtant à une certaine hostilité de la part de la population explique les réticences exprimée par des élus dans la presse.

« En Seine-et-Marne, le maire UMP de Montereau, Yves Jégo, avait dénoncé au printemps « un projet pharaonique pour éviter que l’eau ne monte de 30 centimètres à Paris », dont sa commune se trouve éloignée de 80 km. » (cf. AFP. Crue de la Seine : vers un test de stockage de l’eau en amont de Paris. 24/09/2012. -cf. Bilan Bibliographique )

Plusieurs conseils généraux, tels que le Conseil général du Val-de-Marne ou encore le Conseil Régional d’Île-de-France sont ainsi favorables à un financement partiel du fonctionnement de l’ouvrage par ses principaux bénéficiaires.

« que l’ensemble des bénéficiaires du service qui serait rendu par cet ouvrage participent à son financement.» (cLEGRAND, Patrick (directeur de publication). Crue Seine-Bassée, Débat public, Projet d’aménagement de la Bassée, Compte-rendu du débat [en ligne]. Commission Nationale du Débat Public, Paris. 30/03/2012. Disponible sur : http://www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/CR_ET_BILAN/COMPTE_RENDU_23032012_WEB.PDF (Consulté le 28/12/2013). – cf. Bilan Bibliographique)

A noter que ceux-ci ne sont pas nécessairement des bénéficiaires particuliers : la possibilité de mettre à contribution des compagnies d’assurances ou autres entités privées est également évoquée lors des réunions du débat public. Ainsi, on parle notamment de contribution de la part d’EDF qui dispose d’une centrale électrique sur le territoire de la commune de Nogent-sur-Seine et verrait les dommages en cas de crue majeure amoindris par le projet de l’EPTB Seine Grand Lacs.

« Puisque ce projet réduira les dégâts, et donc les indemnisations des compagnies d’assurances, celles-ci doivent aussi mettre la main à la poche. » (Jacques PERRUEX, conseiller général du Val-de-Marne, cf. Commission particulière du débat public Crue Seine Bassée. Verbatim de la réunion générale du 2 février 2012 à Alfortville [en ligne]. 02/02/2012. Disponible sur : www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/VERBATIMS_SYNTHESES/ALFORTVILLE/LABASSEE020212_VERBATIM.PDF (Consulté le 24/04/2014).)

Ainsi donc, si l’équipement situé en amont, au niveau de la zone de la Bassée, permet essentiellement d’amoindrir l’impact d’un événement de crue majeure en aval, au niveau des communes voisines de la capitale, de nombreuses solutions ont été évoquées au cours du débat public pour régler la question du financement du projet dans un soucis de solidarité et d’équité. Si aucun accord définitif n’est issu de cette concertation approfondie, et si de nombreux points de désaccords demeurent entre acteurs, le débat public a tout de même informé les populations locales des intentions du maître d’ouvrage quant aux possibilités de financement, et également permis de faire évoluer la discussion dans le sens du principe de solidarité territoriale. Il semble donc qu’outre le fait d’ouvrir un espace d’échange, une des vocations du débat public ait été de placer ledit échange sous l’égide de principes piliers.

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La phase de concertation qu’a été le débat public a donc permis, outre la clarification de procédures administratives concernant le lancement d’un projet d’aménagement du territoire, l’émergence de thématiques centrales de la controverse autour de la question du financement. Toutefois, ce qui rend l’analyse de la question du financement pertinente est le faite que dans ce cas, la concertation débouche sur une véritable prise de mesure : d’une concertation approfondie seule peut naître l’action.

En effet, face au degré d’incertitude trop élevé sur la question du financement, l’une des conclusions phares du débat public a été le besoin de réduire l’ampleur du projet en n’envisageant plus l’aménagement que d’un unique casier-pilote. Les raisons de cette décision sont multiples : d’une part, la conjoncture économique incertaine au cœur de la crise…

« Certains intervenants ont exprimé leur crainte que le financement du projet s’avère finalement insuffisant pour construire un dispositif de lutte contre les inondations et restaurer les milieux. Plus globalement, la perspective d’investir de l’argent public dans un projet ambitieux en période de crise économique inquiète un certain nombre de participants au débat. » (LEGRAND, Patrick (directeur de publication). Crue Seine-Bassée, Débat public, Projet d’aménagement de la Bassée, Compte-rendu du débat [en ligne]. Commission Nationale du Débat Public, Paris. 30/03/2012. Disponible sur : http://www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/CR_ET_BILAN/COMPTE_RENDU_23032012_WEB.PDF (Consulté le 28/12/2013). – cf. Bilan Bibliographique)

« On est dans un projet qui a besoin de moyens financiers qu’on n’a plus à notre époque. » (cf. Entretien avec Christophe PARISOT)

… d’autre part l’incertitude quant à la possibilité de l’EPTB Seine Grands Lacs de financer le projet. En effet, le maître d’ouvrage est à l’époque occupé à des travaux conséquents et onéreux au niveau des quatre barrages-réservoir dont il est gestionnaire.

« Pour assurer l’entretien correct des réservoirs existants, il vous faut 110 millions d’euros. Le barrage de Pannecière est vide, me semble-t-il, actuellement faute de travaux effectués.

- Il faut les faire. Il n’est pas vide, il n’est pas en panne, il faut simplement deux ans pour le conforter. Cela coûte 22 millions d’euros et on en train de le faire. » (Echange entre ROSSIGNOL, maire de Limeil-Brévannes, et Pascal POPELIN, Président de l’EPB Seine Grands Lacs, cf. Commission particulière du débat public Crue Seine Bassée. Verbatim de la réunion générale du 2 février 2012 à Alfortville [en ligne]. 02/02/2012. Disponible sur : www.debatpublic-crueseinebassee.org/DOCS/VERBATIMS_SYNTHESES/ALFORTVILLE/LABASSEE020212_VERBATIM.PDF (Consulté le 24/04/2014).)

Il ne fait d’ailleurs aucun doute que les problèmes de financement soient effectivement à l’origine de cette revue à la baisse du projet.

« Sur le financement, de toute façon, on avait beaucoup de difficulté à financer un projet de 600 millions d’euros, donc on a eu aussi énormément de questions sur le cout qui paraissait extrêmement élevé et le financement qui paraissait totalement incertain. » (cf. Entretien avec Amélie ASTRUC)

Sans doute, d’après Christophe PARISOT, le projet aurait-il d’ailleurs pu voir le jour dans sa dimension complète si le maître d’ouvrage avait eu une démarche plus souple encore.

« Le projet, en tant que tel, a un intérêt économique de protection de la région parisienne en aval de la Bassée mais ce qui est dommage c’est qu’il aurait pu voir le jour d’une meilleure façon qui aurait fait que les acteurs l’auraient mieux accompagné. Là, ils sont restés sur un système verrouillé où la marge de manœuvre est très faible. Au final, comme il y avait pas mal de cahiers d’acteurs qui étaient très partagés, ils n’ont pas eu les financements pour faire l’ouvrage en entier et ne peuvent faire qu’un ouvrage pilote qui est surveillé de tout le monde parce qu’ils sont un peu attendus au tournant. Si l’ouvrage pilote ne fonctionne pas, ils vont être rappelés à l’ordre pour le coût car le coût du casier pilote est non négligeable. » (cf. Entretien avec Christophe PARISOT)

« Avec ça, on aurait pu faire des travaux de restauration de la capacité d’inondation de la Bassée, qui certes, n’aurait pas stocké autant de millions de mètres cubes mais pas loin et aurait eu un fonctionnement beaucoup plus naturel car la grande différence entre les deux c’est que ça aurait coûté moins cher à la réalisation et moins cher au fonctionnement puisqu’on serait parti sur un fonctionnement naturel alors que là ça coûte très cher en entretien et en fonctionnement. »

« Avec les 500 millions programmés, je pense qu’on pouvait faire quelque chose d’intéressant pour moins cher. »

Parmi d’autres exemples probants de la contre-productivité de passages en force et de non recours à des phases de concertation, on peut citer les évènements ayant suivi la proposition d’introduire une redevance par l’EPTB Seine Grands Lacs, pour mener à bien ces travaux d’entretien. En effet, en mars 2011, une délibération signée par l’EPTB Seine Grands Lacs crée une redevance pour service rendu, consistant en une participation des collectivités locales aux frais de dépenses d’exploitation, d’entretien et d’aménagement des lacs-réservoirs de Pannecière, Seine, Marne et Aube en raison du service de soutien d’étiage rendu par ces ouvrages.

Les communes concernées ont déposé une requête en annulation contre cette délibération. Elles se plaignent d’une part de « l’absence d’information préalable » des conseils généraux concernés hors Ile-de-France mais également d’un déficit de compétences de l’EPTB concernant la prise d’une telle décision. De plus, ils assurent qu’il n’y a aucune preuve montrant que des travaux soient nécessaires au niveau de ces ouvrages, ce qui rend cette taxe illégale car non correspondante à un service rendu.

« La ville d’Epernay a pris la tête d’un mouvement de fronde contre cette redevance et a entraîné derrière elle à ce jour trente-cinq autres communes marnaises, dont la ville de Vitry-le-François. »

« Ils arguent de « l’incompétence » de l’EPTB à instituer une redevance motivée par des travaux non voulus par les départements et les communes traversés. » (cf. MARAIS, F. Recours de 36 communes marnaises contre la nouvelle redevance des Grands Lacs de Seine. La Gazette des communes (site web) [en ligne]. 21/05/2012. Disponible sur http://www.lagazettedescommunes.com/113981/recours-de-36-communes-marnaises-contre-la-nouvelle-redevance-des-grands-lacs-de-seine/ (Consulté le 09/01/2014). – cf. Bilan Bibliographique)

Cet exemple atteste des moyens dont dispose la population pour s’insurger contre la « démocratie délégative » qui impose par un biais technocratique, des décisions sans consultation préalable des acteurs. Dans ce contexte, l’espace d’échange entre acteurs qu’a ouvert le débat public, bien qu’ayant mis en exergue certains points de méconnaissances et de divergences, apparaît comme un véritable tremplin pour une prise de mesure concertée et constructive, ayant fait progresser le projet vers des objectifs plus réalistes sur le plan financier et pondéré les décisions technocratiques par le facteur humain essentiel dont elles manquaient.