L’intensification écologique

L’intensification écologique consiste à rendre les souches de palmier plus productives. En effet, alors qu’en laboratoire on a pu mesurer des rendements de 10 tonnes d’huile à l’hectare, les rendements observés dans les plantations industrielles sont largement en deçà : le record est de 6 T/ha en Indonésie. [1] La différence provient des conditions environnementales. Face à l’impossibilité de reproduire l’environnement idéal des laboratoires agronomiques, les chercheurs se penchent alors sur la question d’adapter la plante par croisements et sélection génétique, des semences plus productives. Nous ne parlons pas ici d’OGM, car il est difficile de modifier le génome des plantes de la famille du palmier à huile (monocotylédones). [1] Ce travail est notamment réalisé au CIRAD*.
L’autre front visé par l’intensification écologique est la réduction des besoins en pesticides et fertilisants. On parle d’« integrated pest management » et de gestion raisonnée : la quantité épandue est adaptée aux besoins des plantes, qui sont estimés par des prélèvements et des analyses.

 

Quels sont les avantages de cette méthode ?

Augmenter le rendement des plantations aurait une action bénéfique quadruple. Tout d’abord, les planteurs s’assureraient un revenu équivalent pour une surface plus petite, et donc moins chère à l’achat, tandis que la surface déboisée diminuerait, c’est d’ailleurs pourquoi cette solution est prisée par les ONG environnementales. Greenpeace* souligne par exemple l’intérêt qu’on les investisseurs pour les plantations de Papouasie-Nouvelle-Guinée : les plantations étant plus récentes que dans d’autres zones d’Asie du Sud-Est, elles ont pu bénéficier des plants améliorés fournis par la Malaisie et offrent les meilleurs rendements de tous les pays producteurs (4,2 tonnes d’huile par hectare). [2] L’utilisation raisonnée de fertilisants aurait par ailleurs un impact moindre sur le sol et sur la santé des planteurs. Là encore, il s’agit d’un problème soulevé par les ONG, qui néanmoins ne font pas le lien avec une possible intensification écologique. Leur leitmotiv est de limiter l’utilisation de ces produits chimiques. Elles ne semblent pas voir l’apport possible des plants sélectionnés génétiquement, plébiscités par les chercheurs, et ne se prononcent pas sur le sujet.

 

En savoir plus sur les problèmes liés aux fertilisants.

 

Quels sont les problèmes rencontrés ?

Néanmoins la sélection n’est pas si simple, car elle doit tenir compte des doléances de chaque acteur. « Les exploitants familiaux seront à la recherche de palmiers produisant de gros régimes, car ils sont rétribués sur la base du poids de fruits frais. Les usiniers chargés de la production d’huile seront favorables à un meilleur taux d’extraction des fruits. Les transformateurs, sous la pression des consommateurs, souhaitent une huile de palme mieux équilibrée en acides gras : plus riche en acide oléique et moins riche en acide palmitique. », expliquent les agronomes A. Rival* et P. Levang*. [1] Or créer une souche répondant à ces trois critères (taille des fruits, fraction du fruit produisant de l’huile, composition de l’huile produite) n’est pas une gageure pour les chercheurs en agronomie. Il sera peut-être plus simple de créer un fruit épais, satisfaisant les exploitants familiaux, mais dans lequel le noyau prendra une grande place, ce qui diminuera le rendement et donc la satisfaction des usiniers. Et, en sus des problèmes techniques et scientifiques que posent l’amélioration des semences selon tel ou tel critère, à qui répondre en priorité ?
Un autre problème est l’accès à ces semences, plus chères que des semences « classiques ». Les petits planteurs n’ont pas toujours les moyens de s’en procurer, contrairement aux industriels, ce qui peut contribuer à accentuer le retard des premiers sur les seconds. En savoir plus sur les problématiques économiques locales Enfin, le progrès dans le domaine de la génétique a ses propres limites. Si les chercheurs le mesurent à environ 1 à 1,5% par an, ce qui est « considérable », « il ne suffira cependant pas pour répondre à l’augmentation des besoins en huile végétale (+ 3 à 4% par an) et en huile de palme en particulier (+ 5 à 6%). » [1]

 

En savoir plus sur le marché de l’huile de palme.

 

En savoir plus sur les autres pistes d’amélioration : les agroforêts ou la diminution des coûts de certification.

 

 

*CIRAD – Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement : Centre de recherche français, sous double tutelle des ministères de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche et des Affaires Etrangères. Le CIRAD produit des solutions (agronomiques, sociales…) pour le développement des pays du Sud.

*Greenpeace : ONG environnementaliste luttant dans des domaines aussi variés que la déforestation, le nucléaire ou la protection des océans, d’abord par l’enquête et la concertation, puis l’alerte au grand public via des actions, souvent médiatiques – et médiatisées – qui visent à faire pression sur les industriels.

*Alain Rival : Agronome, correspondant pour la filière « Palmier à huile » au sein du CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement).

*Patrice Levang : Agronome et économiste, directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement).

 

 

[1] RIVAL A. et LEVANG P., La Palme des Controverses – Palmier à huile et enjeux de développement (2013)

[2] WAKKER E., Greasy Palm :The social and economical aspect of large scale oil palm plantation (2005)