Remises en cause

Un développement à deux vitesses

Sont-ce vraiment les populations qui profitent du palmier ? Greenpeace* cite un rapport de l’Oakland Institute* : « Les investissements de grande échelle dans les terres peuvent certes améliorer certains indicateurs de développement macroéconomique, mais le fait est qu’ils engendrent une fragilisation des ressources publiques, ainsi que des coûts environnementaux et sociaux pour le pays concerné, et la perte de moyens de subsistance et d’opportunités économiques pour la population. ». Autrement dit, les flux financiers générés par les exportations ont un impact favorable sur l’économie globale du pays, mais au prix de conflits sociaux et d’abus concernant les biens fonciers au niveau local.
Afin de planter les palmiers, des terres sont louées par les compagnies à leurs propriétaires pour des prix dérisoires. Selon Greenpeace, Herakles Farms aurait obtenu le prix de 0,5 dollar américain à l’hectare au Cameroun. [1] Le sol n’étant pas une ressource rare dans la ceinture tropicale, les compagnies n’ont pas de mal à faire accepter des contrats aux populations locales, elles-mêmes souvent demandeuses du palmier porteur de développement. [2]

 

Les gagnants et les perdants

Les agronomes A. Rival* et P. Levang* soulignent toutefois que les premiers à avoir investi dans le palmier à huile n’ont pas toujours été gagnants. Ils ont en effet dû s’endetter pour acheter leur concession et lancer l’exploitation, or l’arbre a besoin de quelques années pour atteindre sa maturité et sa pleine production. Les premières récoltes, décevantes, n’ont pas suffi pas à rembourser l’emprunt et à subvenir aux besoins de la famille. Les familles ont donc été obligées de vendre. Ceux qui ont racheté ces parcelles, souvent des transmigrants, ont alors profité d’arbres en pleine capacité de production et se sont enrichis, tandis que les premiers se rabattaient sur un emploi de manœuvre pour une compagnie. La rancœur envers les parvenus de la seconde génération est restée. [2]

 

Un mauvais développement

L’arrivée des plantations de palmier a précipité le changement de mode de vie des populations indigènes. Habituées à trouver dans la forêt leur source d’alimentation et de revenus, via la production restreinte de marchandises de haute valeur tirées des produits forestiers, le déboisement a conduit ces populations à la pauvreté. Leur unique recours a alors été de se faire embaucher dans les plantations ou de les accepter sur leurs terres contre rémunération, rapportent les ONG. On peut ainsi lire dans un rapport commandé par Les Amis de la Terre* : « Many of the natural resources are removed, the land is fully and permanently misappropriated, a monoculture export oriented crop is planted and a100% cash-based economy is introduced. » (Une grande partie des ressources naturelles leur est enlevée, la terre est complètement, et de façon permanente, détournée de sa vocation originelle, une monoculture à destination de l’export est implantée et une économie basée à 100% sur l’argent est instaurée). [3]

 

Des promesses non tenues

Concernant les infrastructures, un reportage de World Rainforest Movement* semble indiquer que les promesses des industriels ne sont pas respectées. De multiples témoignages rassemblés dans différents pays d’Afrique rapportent la même constatation : la firme se contente du minimum. L’eau courante n’est pas installée, les bâtiments devant héberger des centres de soin sont construits mais laissés vides… [4]

 

En savoir plus sur les conditions de vie des travailleurs.

 

En savoir plus sur le développement induit par la présence du palmier.

 

 

*Greenpeace : ONG environnementaliste luttant dans des domaines aussi variés que la déforestation, le nucléaire ou la protection des océans, d’abord par l’enquête et la concertation, puis l’alerte au grand public via des actions, souvent médiatiques – et médiatisées – qui visent à faire pression sur les industriels.

*Oakland Institute : Think Tank indépendant produisant des documents analytiques sur des sujets de société, d’économie ou d’environnement. Ses recherches sont financées par des donateurs privés ou des entreprises.

*Alain Rival : Agronome, correspondant pour la filière « Palmier à huile » au sein du CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement).

*Patrice Levang : Agronome et économiste, directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement).

*Les Amis de la Terre – Friends of the Earth : ONG environnementaliste cherchant à réparer les dégâts causés par l’homme sur la nature et promouvant en particulier la participation de la société civile dans la prise de décision autour de la gestion des ressources naturelles.

*WRM – World Rainforest Movement : ONG s’intéressant aux problématiques environnementales à propos des forêts et des plantations. Elle promeut le respect des droits des communautés locales sur leurs forêts et leurs territoires.

 

 

[1] GREENPEACE, La dernière frontière de l’huile de palme en Afrique (2012)

[2] RIVAL A. et LEVANG P., La Palme des Controverses – Palmier à huile et enjeux de développement (2013)

[3] WAKKER E. (Les Amis de la Terre), Greasy Palms – The social and economical aspects of large scale oil palm plantation (2005)

[4] WORLD RAINFOREST MOVEMENT, website