Les acides gras saturés, composants controversés de l’huile de palme.

Nous avons vu sur la page Emergence d’une controverse sanitaire en France que, pour les nutritionnistes, condamner l’huile de palme sur le plan sanitaire revient à dénoncer la consommation d’acide gras saturés

Comme l’a expliqué le Dr Lecerf* au cours de notre entretien la consommation d’acides gras saturés est responsable d’une élévation du taux de cholestérol. Elle entraîne en fait une élévation simultanée des taux du bon (HDL) et du mauvais (LDL) cholestérol. Il semble donc difficile de conclure à une quelconque nocivité.

Pour en savoir plus sur la chimie de l’huile de palme.

 

Les consommateurs sont pourtant persuadés qu’il faut faire la chasse à ces graisses car ils retiennent qu’elles font monter le taux de cholestérol. En effet, Jean-Michel Lecerf, en introduction de son rapport Lipides et Santé donne une image de la réputation des matières grasses, notamment saturées, dans les années 2000 : « l’inversion de leur [les lipides] image a été spectaculaire au cours des 40 dernières années, le gras étant l’ennemi de la santé, quasiment visible dans le tissu adipeux, sournoisement invisible dans les parois artérielles » [1]. L’affichage des quantités d’acides gras saturés est d’ailleurs de mise dans la plupart des préparations alimentaires pour pouvoir limiter leur consommation. Certains scientifiques relaient ce point de vue, tout comme les écologistes. On peut d’ailleurs lire dans le rapport  des Amis de la Terre : « L’huile de palme est constituée à environ 50% par de l’acide palmitique, un acide gras saturé: c’est pour cela qu’elle est critiquée par les nutritionnistes. » [2]. Ellie Brown et Michael F. Jacobson, deux scientifiques du CSPI (Center of Science for Public Interest), rejoignent ce point de vue : « It is far more conducive to heart disease than such heart-protective liquid oils as olive, soy, and canola » [3] (Cette huile provoque bien plus de maladies du cœur que des huiles liquides comme l’huile d’olive, de soja ou de colza, qui ont des effets bénéfiques sur le coeur). Cependant aucun de ces acteurs n’est spécialisé dans la nutrition, si bien que les consommateurs ne bénéficient que des informations qui leur parviennent, tandis que les ONG se concentrent principalement sur les effets environnementaux.

 

D’après le Dr Jean-Michel Lecerf, nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille, aucune preuve concrète n’existe pour relier la consommation d’acides gras saturés avec une quelconque élévation du risque de contracter une maladie cardio-vasculaire. La communauté des nutritionnistes admet aujourd’hui que les quelques études ayant mis en évidence un lien sont en fait soumises à des facteurs confondants. Autrement dit, il est impossible d’évaluer l’impact d’une molécule sur le corps humain, car les effets de cette molécule ne pourront jamais être dissociés de ceux des autres molécules présentes. Pour prendre un exemple, la surconsommation de viande rouge entraîne une augmentation du risque de complications cardio-vasculaires mais on ne peut conclure quant à la responsabilité des acides gras saturés qu’elle contient car elle est composés d’autres espèces appelés facteurs confondants, en l’occurrence la l-carnitine.

 

Comme dit précédemment, les nutritionnistes déplacent le problème de l’huile de palme vers un problème de régime alimentaire. Le principal problème ne pourrait être réduit à une surconsommation de graisses. En France, les gens consomment trop de matières grasses saturées : elles représentent 16 % du bol alimentaire total contre 12 % conseillés. Pourtant, il existe ici peu de maladies cardio-vasculaires si bien que l’on parle d’ « exception française » probablement due à leur origine laitière. On ne peut donc pas déduire de corrélation entre la consommation de matières grasses saturées et l’augmentation du risque de développer une pathologie cardiaque.

Et l’huile de palme dans tout ça ? En Malaisie et en Indonésie où c’est l’huile traditionnelle, il n’y a pas plus de problèmes liés au cholestérol qu’ailleurs. Cela est affirmé par des chercheurs Malaysiens : « In the part of the world in which palm oil has been used as a staple oil such as Malaysia, Indonesia, Papua New Guinea and Nigeria, common illnesses such as heart disease, diabetes and cancer have been reported to be relatively low, attesting to its healthful nature. » (Dans les parties du monde ou l’huile de palme est consommée comme produit de base, comme en Malaisie, en Indonésie, en Papouasie-Nouvelle-Guinée ou au Nigéria, le taux des malades de maladies cardio-vasculaires, de diabète ou de cancer, maladies par ailleurs répandues, est relativement bas. Cela atteste des bienfaits de l’huile de palme sur la santé.) [4]. L’huile de palme, consommée brute là-bas, aurait même des effets protecteurs sur le système cardio-vasculaire grâce au bêta carotène qu’elle contient.

Dans les pays consommateurs d’huile raffinée, les nutritionnistes déconseillent de bannir les matières grasses saturées, et plus particulièrement l’huile de palme. En effet, les nutritionnistes se sont aperçus récemment que si l’organisme ne reçoit pas assez d’apport en acide palmitique, il le produira lui-même à partir des sucres contenus dans l’organisme par exemple. [Voir : Entretien LECERF J.M]

 

La conclusion de la controverse pour les nutritionnistes est que les acides gras saturés, et donc l’huile de palme, ne sont pas réellement nocifs dans le cadre d’une alimentation équilibrée, même si les informations médiatisées laissent souvent penser le contraire. Les problèmes de santé ne sont pour eux pas liés à un seul produit mais à une alimentation globalement déséquilibrée [Voir : Entretien LECERF J.M].

 

Pour conclure, on retiendra de cette partie que les nutritionnistes utilisent leur expertise comme argument pour justifier l’innocuité des acides gras saturés  et donc de l’huile de palme s’ils sont consommés dans des proportions raisonnables, tandis que les autres acteurs vont jouer sur les peurs du consommateur pour étayer leurs propres thèses.

 

 

*Jean-Michel LECERF : Médecin nutritionniste, chef du service nutrition de l’institut Pasteur de Lille et spécialiste sur la question sanitaire de l’huile de palme.

 

 

[1] LECERF J.M, Lipides et Santé, Cahiers de Nutrition et de Diététique 42 24 (2007)

[2] LES AMIS DE LA TERRE, Arnaque à l’huile de Palme durable. (Mai 2011).

[3] BROWN E. et al., Cruel Oil : How Palm Oil Harms Health, Rainforest & Wildlife (Mai 2005)

[4] MAN K.L. et al., Malaysian Palm oil : Surviving the food versus fuel dispute for a sustainable future ». Renewable ans Sustainable Energy Reviews, n°13, pp.1456-1464 (2009)