Qui travaille dans les plantations ?

 

Les compagnies affirment recruter essentiellement des locaux. Toutefois, les plantations de palmier sont causes de mouvements de populations, attirées par la perspective d’un emploi promis par les grandes firmes et d’un salaire stable via cet emploi de manœuvre pour une compagnie ou par la propriété d’une plantation. Deux flux se créent : à l’intérieur-même du pays, d’une région où le palmier est absent vers les zones de culture, et au-delà des frontières.

 

Les transmigrants

Les transmigrants sont des populations ayant quitté une région pour une autre à l’intérieur d’un même pays. Ce mouvement de population a été facilité par l’état indonésien dans les années 1980. [1] Le but était alors double : désengorger des zones fortement peuplées et développer l’activité économique de zones alors presque vides géographiquement.
Dans certains cas, les transmigrants ont lancé leur propre exploitation. « Ne disposant d’aucune réserve foncière à l’arrivée, ils ne sont pas tentés de vendre leur plantation », soulignent les agronomes A. Rival* et P. Levang*. Si bien qu’ « en dix ans à peine, ces transmigrants pauvres se sont mués en autant de planteurs riches. » [2].
Est-ce le cas de tous ? La primatologue E. Grundmann* cite quant à elle l’exemple d’un transmigrant venu de Java qui possède sa pépinière mais reste étranglé par les compagnies voisines. Il dépend en effet d’elles, car il leur vend ses plants. S’il exige un prix trop élevé par rapport à ses concurrents, il perd le marché. [3] De plus, les Amis de la Terre* révèlent que les programmes du gouvernement facilitant l’établissement des transmigrants sur les terres préalablement élues ont été imposés aux peuples indigènes. « The schemes are particularly unjust to those communities whose land is taken to develop smallholder estates. Their land is divided by three and split into ‘equal’ portions between a. the company, b. a transmigrant family or retired military or government personnel and c. the local community member who surrendered the land. » (ces plans sont particulièrement injustes envers ces communautés dont on prend les terres pour développer l’établissement de petits propriétaires. Leurs terres sont divisées en trois et réparties à parts  »égales » entre a/ la compagnie, b/ une famille de transmigrants ou un militaire à la retraite ou un membre du gouvernement et c/ au membre de la communauté indigène qui a dû fournir cette terre). [4]

 

En savoir plus sur le développement économique lié au palmier et la remise en cause de ce développement.

 

Les travailleurs clandestins

Les flux de migrations ont également lieu entre les différents pays de la zone tropicale asiatique. Le passage de la frontière n’est pas toujours légal. Alternatives Internationales l’évoque : « Les grandes plantations qui ne cessent de grignoter un peu plus de forêt tous les ans, ont besoin d’une main-d’oeuvre nombreuse et pas chère pour la cueillette des fruits. Ils la trouvent surtout parmi des immigrés philippins et indonésiens, souvent clandestins, qui acceptent des salaires aussi bas que 250 ou 300 ringgits par mois. » [6] (1 ringgit équivaut environ à 20 centimes d’euro). La présence de clandestins en Malaisie a été expliqué par la sociologue S. Barral au cours de notre entretien : la Malaisie s’est industrialisée très tôt, si bien que l’essentiel de la main-d’œuvre native travaille actuellement dans le secteur industriel, laissant un manque dans les plantations et donc une place pour la main-d’œuvre étrangère, qu’elle soit clandestine ou non. Le cas de l’Indonésie est différent, car les salaires, plus bas, n’attirent pas : c’est pourquoi certains Indonésiens vont chercher du travail en Malaisie.

 

En savoir plus sur les conditions de travail dans les plantations.

 

 

*Alain Rival : Agronome, correspondant pour la filière « Palmier à huile » au sein du CIRAD (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement).

*Patrice Levang : Agronome et économiste, directeur de recherche à l’IRD (Institut de Recherche pour le Développement).

*Emmanuelle Grundmann : Biologiste, primatologue et naturaliste. Ce sont ses travaux sur l’orang-outan, en Indonésie, qui l’ont d’abord conduite à s’intéresser à la question du palmier à huile.

*Les Amis de la Terre – Friends of the Earth : ONG environnementaliste cherchant à réparer les dégâts causés par l’homme sur la nature et promouvant en particulier la participation de la société civile dans la prise de décision autour de la gestion des ressources naturelles.

 

 

[1] SEVIN O., Que sont devenus les transmigrants ? Vingt-cinq ans de transmigration dans le Centre-Kalimantan (Indonésie) (2005)

[2] RIVAL A., et LEVANG P., La Palme des Controverses – Palmier à huile et enjeux de développement (2013)

[3] GRUNDMANN E., Un Fléau si Rentable – Vérités et mensonges sur l’huile de palme (2013)

[4] WAKKER E. (Les Amis de la Terre), Greasy Palms : The social and economical aspect of large scale oil palm plantation (2005)[5] ROBERT A. (Alternatives Internationales), Suer à grosses gouttes d’huile de palme (2012)